Petite anthologie de la poésie saintoise

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Les nombreux sites Internet, officiels ou privés, traitant de l’actualité saintoise et présentant  occasionnellement aux internautes des « Artistes saintois » circonscrivent étonnamment leur choix aux seuls représentants de la peinture et de l’artisanat. Arts plastiques visuels, intéressants à plus d’un titre, certes, mais à l’exclusion des autres productions comme la musique, la chanson et plus généralement la littérature et la poésie. Or il se trouve que beaucoup de nos compatriotes aiment et pratiquent également à des degrés divers ces dernières formes d’art, sans être reconnus à leur juste valeur. C’est pour notre plaisir et pour les faire connaître du grand public, eux et leurs œuvres, que je vous propose et vous offre aujourd’hui en présent de Noël, cette petite anthologie de la poésie saintoise contemporaine.

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Marie-Luce AZINCOURT

marie luceNée à Terre-de-Haut le 16 juin 1960, Marie-Luce est la fille de Claude Azincourt qui fut, entre 1960 et 70, l’un des créateurs et premier président du club sportif et culturel l’Avenir Saintois.

M.Luce SpiraleAprès avoir géré pendant plusieurs années la Maison des Jeunes et de la Culture de Terre-de-Haut, elle est actuellement responsable de la bibliothèque municipale. En 2008, elle a publié aux Éditions Amalthée un émouvant recueil intitulé Aux racines des heuresM.Luce Le visageEn équilibre entre le sentiment de délaissement et une renaissance espérée, la poésie de Marie-Luce Azincourt évoque en raccourcis significatifs les états d’âme d’une jeune femme à la recherche de stabilité sentimentale et affective. À ce titre, chacun de nous se reconnaîtra dans ces poèmes empreints de sensibilité et de délicatesse dans la mesure où les aléas de la vie bousculent parfois nos certitudes et nous acculent à des phases de dépression et d’exaltation, éléments constitutifs de notre humaine condition en perpétuelle (re)-construction.

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Jean-Antoine BÉLÉNUS

JC BÉLÉNUSTravailleur social près le Tribunal de Basse-Terre, Jean-Antoine BÉLÉNUS, plus connu sous le prénom de « Jean-Claude à Germaine », est né le 17 janvier 1956 à Saint-Claude.

Belenus bâtonTrès engagé par ses écrits dans la vie sociale et politique locale, il est l’auteur d’un site Web : La Cour des Braves, revendiqué à juste titre comme le premier Blog Saintois. Par la pertinence de ses analyses, il pose un regard très critique sur la gestion passée et actuelle de notre île, en particulier sur le comportement, qu’il n’approuve pas toujours, de certains de nos dirigeants.

Belenus qui mal foutiSon projet de création du Parc paysagé de la Grande Ravine à Terre-de-Haut rejoint sa passion pour la poésie qu’il n’a jamais cessé d’affectionner et qu’il publie régulièrement sur son blog. Inspirés de l’histoire et des pratiques culturelles saintoises, les poèmes de Jean-Antoine Bélénus, de par leur sobriété et leur conception minimaliste, traduisent en touches picturales des scènes représentatives de notre réalité insulaire fécondée par les activités séculaires de la pêche et de la vie maritime.

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Christophe CASSIN

christophe cassin 3Sapeur-pompier volontaire, électricien, titulaire d’un Bac-pro en maintenance des systèmes automatisés, Christophe CASSIN est né à Basse-Terre le 16 mars 1974.   Papa d’une petite fille, il s’adonne à l’écriture de la poésie depuis l’âge de 15 ans et c’est un manuscrit d’une quarantaine de textes qu’il espère pro-gressivement étoffer en vue d’une éventuelle publication.  Son inspiration prend racine dans les événements de la vie quotidienne et des sentiments contradictoires qu’ils suscitent : amour, tendresse, étonnement, angoisse, peur de vieillir… mais aussi sérénité face au temps qui passe. Sentiments qu’il sublime en les traduisant en mots et en images subtiles où perce une fibre poétique certaine, comme en témoignent les deux poèmes ci-dessous.

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Joyeux de COCOTIER

cocotier DEfOn ne présente plus Joyeux de COCOTIER, de son vrai nom Éric JOYEUX, dit le Saintois Moyenâgeux, auquel a été consacrée ici même une chronique début décembre. Tout le monde connaît le saltimbanque Cocotier, 66 ans, musicien, compositeur, interprète et animateur de soirées endiablées, mais peu savent qu’Éric est, à ses heures, un authentique poète. C’est donc le poète que je me propose de vous faire découvrir aujourd’hui. Certes, en sa qualité de compositeur, Cocotier écrit la plupart de ses chansons. Mais il lui arrive aussi, sur sa lancée, lorsque l’inspiration lui rend visite, de titiller la muse en oubliant sa guitare et de produire des poèmes évoquant son enfance, son milieu familial, l’ambiance de son île natale. Vous apprécierez, j’en suis sûr, ce beau texte sur la solitude qui n’est pas sans rappeler Jacques Prévert, le populaire auteur de Paroles, de Spectacle et de La pluie et le Beau temps.

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Steeve MAISONNEUVE

Ponant retouché

Le Ponant en rade des Saintes – Photo R.Joyeux

Un épisode dramatique de la jeune existence de Steeve MAISONNEUVE, mais qui s’est heureusement bien terminé, a fait le tour du monde médiatique, en avril 2008, alors qu’officier sur Le Ponant, son navire avait été pris en otage par des pirates somaliens.

Steeve Il a falluRemis de ses émotions, Steeve est aujourd’hui commandant sur un pétrolier et poursuit  avec bonheur sa carrière d’officier supérieur de la marine marchande. Né le 6 juin 1976 à Basse-Terre, après un brillant succès au Baccalauréat, il intègre l’École Nationale de la Marine Marchande de Nantes et obtient haut la main le diplôme qui lui permet d’exercer sa profession et de gravir sans problème les difficiles échelons qui l’ont conduit à ce jour au grade de commandant. 

Steeve Laisse

Doué avant tout pour les mathématiques, ce sympathique et très discret Saintois de 37 ans n’a cependant pas fait l’impasse sur la littérature, et singulièrement sur la poésie. Art pour lequel il nourrit depuis toujours une passion qu’il exprime dans des textes remplis d’émotion et de sensibilité, inspirés sans doute par les longues absences loin des siens et la contemplation des éléments, lorsque ses lourdes responsabilités lui en laissent le loisir. Je remercie ses parents, Francis et Maguy Maison-neuve de m’avoir communiqué, parmi d’autres, ces deux poèmes de Steeve ici reproduits.

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Patrick PÉRON

PéronBasque d’origine, Patrick Péron est né le 24 mai 1950 à Pont L’Abbé dans le Finistère. Enseignant, grand sportif, membre et supporter du club de rugby l’Aviron Bayonnais, c’est à l’occasion de son service militaire, en qualité de coopérant outre-mer, qu’il est affecté à l’école primaire de Terre-de-Haut en 1971. Depuis cette date, ayant épousé une Saintoise, il n’a jamais quitté les Saintes et profite aujourd’hui d’une retraite bien méritée. Car en plus de ses activités de professeur des écoles, Patrick Péron s’est investi sans se ménager dans diverses actions associatives dont la création en 1974 de l’ASPP (Association Saintoise de Protection du Patrimoine) de laquelle il fut pendant longtemps le Président et l’animateur. Hébergée au Fort Napoléon, cette Association, sous la houlette inspirée de son Président, a contribué à la réalisation dans les locaux du Fort d’un Musée de la Marine, à l’organisation de diverses manifestations culturelles et touristiques et à l’édition de nombreux ouvrages sur l’histoire de Terre-de-Haut, auxquels notre poète a prêté sa plume. Peron bluesFéru en effet de poésie, à l’évidence bien avant son installation aux Saintes, Patrick Péron a publié en 2010, aux Éditions Bénévent, un recueil intitulé Blues, où s’expriment, avec justesse, sincérité et nostalgie, l’amour et l’attachement du Saintois qu’il est depuis 42 ans pour son île d’adoption, devenue naturellement, au fil des ans, sa véritable terre d’élection.

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Raymond JOYEUX

Rémon 2 rognéeRédacteur de cette chronique sur la poésie – comme de la plupart des précédents dossiers sur ce site – , j’ai choisi de m’intégrer à cette modeste anthologie, car ne pas le faire eût paru, me semble-t-il, me mettre à l’éRemon solsticecart, et pour certains, qui connaissent mes écrits, ce serait, à leurs yeux, me situer au-dessus du lot. Ce qui ne correspond, bien évidemment, ni à mes intentions ni surtout à la réalité. Mais comme il est difficile de parler de soi sur son propre blog sans paraître prétentieux, je vous renvoie, chers lecteurs, au menu de ce site à la rubrique biographie, vous aurez ainsi toutes (?) les informations me concernant. Un simple mot pour dire que depuis mon adolescence je suis un passionné de poésie et que j’ai commis quelques ouvrages dont beaucoup de mes compatriotes, aux Saintes et au-delà, connaissent au moins l’existence.La fraicheur

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Une absence de taille dans cette présentation : celle de Cédric DÉHER. Auteur de nombreux textes aux accents très personnels, Cédric ne m’a pas fourni ses poèmes comme je le lui ai demandé à plusieurs reprises, sans doute pris par ses occupations. C’est pourtant en l’écoutant déclamer ses productions que l’idée m’est venue de cette anthologie. Sa maîtrise de la langue et de l’écriture poétique n’a d’égale que sa façon de les dire et parfois de les psalmodier à la manière des plus grands slameurs. Grand Corps Malade et Abd al Malik, pour ne citer que ces deux-là, n’auraient pas rougi que Cédric fasse partie de leur cercle restreint de poètes modernes inspirés et d’interprètes. Il arrive, sans conteste, selon moi, et sans forcer son talent, parfaitement à leur hauteur.

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Voilà, chers lecteurs, pour vous remercier de votre fidélité et terminer l’année 2013 sur une note poétique, ces quelques textes qui, je l’espère, vous auront plu. Il me reste à remercier également nos amis poètes pour leur contribution et leur talent, aussi divers qu’original, persuadé que la communauté saintoise, Terre-de-Haut et Terre-de-Bas réunies, possède en son sein d’autres auteurs qui ne demandent qu’à se faire connaître. S’ils le désirent, ce site leur est ouvert. Je vous souhaite un JOYEUX NOËL, de bonnes fêtes de fin d’année et vous donne rendez-vous en janvier 2014 pour de nouvelles chroniques.

Très cordialement,
Raymond Joyeux

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L’eau aux Saintes : un épineux problème aujourd’hui résolu ?..

Le jeudi 23 novembre 2017 à 13 heures, une rupture de canalisation à Trois-Rivières a privé d’eau Terre-de-Haut et Terre-de-Bas pendant deux jours. Maintenant que la distribution a été rétablie,  nous avons jugé bon de publier à votre intention cette chronique parue en décembre 2013, retraçant l’évolution de l’alimentation en eau de notre archipel. Si  nous avons ajouté un point d’interrogation au titre initial, c’est pour signifier que nous sommes à la merci d’un incident identique à n’importe quel moment et que le problème n’est pas aussi définitivement résolu qu’il y paraît. D’autant que nous sommes tributaires de la petite guerre politique que se livrent à nos dépens la CASBT dirigée par Mme Michaux-Chevry  et le Conseil Général de la Guadeloupe en la personne de Madame Borel-Lincertin. À preuve cette dernière publication de Terre-de-Haut Indiscrétion qui nous apprend que c’est sur l’intervention de Mme Borel que la réparation a pu être réalisée, la présidente de la CASBT refusant de la prendre en charge !.. Voir le lien ci-dessous.

https://www.facebook.com/terredehaut.municipales/?hc_ref=ARQOQ2QX_lxFGP6nJPBLnvDJ8qEnrNWiaEoik5Bmbf4YnAn-EzpamubsB8HhaXLamzE&fref=nf

Chassés par le manque d’eau

voyage labatL’histoire nous apprend que les premiers colons qui abordèrent les côtes saintoises en 1648 durent abandonner rapidement l’archipel à cause du manque d’eau. « Il n’y a qu’une chose désagréable dans ces Isles,  écrit Jean-Baptiste Labat, c’est le défaut d’eau douce. » Ces colons revinrent cependant quelques années plus tard, en 1652, et s’y installèrent définitivement, ayant sans doute trouvé un moyen quelconque (que les archives ne précisent pas), pour récupérer et conserver le précieux liquide.

Réservoirs militaires et communaux

Par la suite, nous savons que lorsque s’édifièrent les fortifications et bâtiments militaires (entre 1809 et 1870), les constructeurs prirent soin de doter la plupart d’entre eux d’immenses citernes, dont certaines souterraines, capables de fournir aux garnisons et à la population de l’époque un approvisionnement régulier en eau. Selon un document manuscrit authentifié en ma possession, voici la liste, le lieu, la date de construction et la contenance de ces citernes :

Citernes Bien

Citerne de la Caserne -1841. Photo R.Joyeux

Citerne de la Caserne -1841. Photo R.Joyeux

Si l’on excepte le réservoir souterrain du Fort Napoléon, la plupart de ces citernes sont aujourd’hui abandonnées ou comblées et certaines d’entre elles totalement détruites. Une réhabili-tation des édifices existants, outre la préservation d’un patrimoine excep-tionnel, serait un hommage rendu à l’histoire et au passé de notre île.

Puis, au fur et à mesure que se cons-truisirent les édifices  publics : église, mairie, écoles, se sont édifiées simultanément des citernes com-munales gérées par les autorités et assurant en saison de sécheresse des ressources complémentaires.

Jarres, fûts et citernes privées

Modèle de jarre utilisée aux Saintes

Modèle de jarre utilisée autrefois aux Saintes

Parallèlement à cet effort public, les particuliers se mirent à constituer leurs réserves personnelles en installant des gouttières autour du toit de leurs maisons pour alimenter jarres et fûts, au contenu éphémère, en attendant d’avoir les moyens de construire des citernes en dur. Certains avaient  creusé dans leur cour ou leurs « terres », des puits ou mares pour subvenir aux besoins en eau du bétail, et éventuellement s’en servir pour le ménage, la vaisselle ou la lessive. La commune elle-même possédait une mare au Marigot, qui existe encore et autour de laquelle se sont affairées pendant des décennies, des générations de femmes saintoises transformées en lavan-dières… quand elles ne se rendaient pas à l’îlet à cabris par canots entiers.

La mare du Marigot

Située au pied des Mornes du même nom et ancrée dans la mémoire collective des Saintois, la Mare du Marigot est régulièrement alimentée par les eaux de ruissellement. Plusieurs fois comblée de terres charriées lors de pluies abondantes, elle a été souvent désensablée, réaménagée et une partie de ses berges renforcée en dur, ce qui a altéré quelque peu son caractère naturel et modifié certainement son biotope originel.

La mare du Marigot aujourd'hui. Photo R. Joyeux

La mare du Marigot aujourd’hui et son tapis de nénuphars. Photo R. Joyeux

L’Étang Bélénus

 Avec la mare du Marigot, le plan d’eau douce le plus célèbre de Terre-de-Haut reste sans conteste l’Étang Bélénus aujourd’hui disparu. Cet étang, peu profond, mais très étendu, situé à l’entrée de la plage de Grand’Anse, constituait un élément exceptionnel et unique du biotope saintois par la présence en ses eaux et aux abords d’espèces animales et végétales d’une extraordinaire variété. Comblé en 1966 par les militaires du SMA (Service Militaire Adapté), à l’occasion des travaux de l’aérodrome, sa disparition prive Terre-de-Haut non seulement d’une appréciable et naturelle réserve d’eau douce, mais d’un patrimoine écologique et paysager irremplaçable.

Étang Bélénus avant sa disparition - Coll. Boisel

Étang Bélénus avant sa disparition : un plan d’eau exceptionnel – Coll. Boisel

Les pompes-fontaines de Théodore Samson

Les plus anciens doivent s’en souvenir : lorsque les carêmes étaient particulièrement rigoureux, tout ce qui vivait aux Saintes, hommes, animaux, végétaux, ressentait douloureusement les effets du manque d’eau. C’est pour cette raison que la municipalité de Théodore SAMSON, dans les années 50, ordonna des forages pour tenter de faire monter l’eau du sous-sol. Des fontaines, actionnées par une pompe à bras, furent installées aux endroits stratégiques de l’île, (carrefour de la mairie, de la Poste, des écoles…), permettant à la population de venir s’approvisionner facilement. Ce fut la première tentative « scientifique » de résolution du problème de l’eau toujours crucial à Terre-de-Haut. Malheureusement, si l’idée était bonne et la technique relativement au point pour l’époque, la proximité de la nappe sous-marine, rendant l’eau saumâtre, donc inutilisable, fit échouer le projet et les pompes qui fonctionnèrent un certain temps, finirent par s’oxyder et disparurent l’une après l’autre.

Les interventions de la Marine nationale

Citerne ronde communale -Photo R.Joyeux

Citerne ronde communale -Photo R.Joyeux

Au cours de la période 1960-1975, sous les municipalités successives de Georges AZINCOURT, d’Eugène SAMSON et de René GERMAIN, la Marine nationale est intervenue à maintes reprises  pour alimenter les Saintes en eau potable. Des navires citernes qui faisaient le plein en Guadeloupe venaient régulièrement en période de dure sécheresse remplir la citerne ronde de la mairie, obligeant malgré tout, sous la surveillance étroite du garde-champêtre Virgile Cloris,  à un rationnement de la population. Rationnement qui suscitait, pour autant que je m’en souvienne, de mémorables bousculades, contestations, altercations et « babillages » aux heures de distribution…

Une technique d’évaporation irréalisable

À la fin des années 60, le conseil municipal sous la conduite d’Eugène Samson, se pencha sérieusement sur une technique, capable, pensait-on, de  solutionner définitivement le problème récurrent de l’eau aux Saintes : un procédé d’évaporation-récupération dont une maquette expérimentale resta un certain temps installée en plein soleil devant la mairie de Terre-de-Haut. Difficilement réalisable à grande échelle, le projet resta à l’état de maquette et c’est une municipalité nouvelle élue en 1971 et dirigée par le Docteur René GERMAIN qui entreprit les travaux d’installation d’une usine de dessalinisation de l’eau de mer.

La dessalinisation ou dessalement de l’eau de mer

Cette technique révolutionnaire à l’époque, qui avait fait ses preuves en Israël, semblait être en effet, en dépit de son coût élevé, la solution de l’avenir. Une première unité de dessalement fut installée en plein bourg, dans le bâtiment désaffecté de l’ancien groupe électrogène. Les conduites d’alimentation de l’usine amenaient l’eau de mer directement de la rade, pompée à quelques encablures au large du débarcadère. Outre les risques de pollution et le bruit occasionné par le fonctionnement des appareils, cette unité de production à faible débit ne servit au début qu’à alimenter les citernes communales, en attendant que se construisent, aux flancs du Chameau et du Morne Mire, les châteaux-d’eau et, dans le bourg, les canalisations urbaines pour le branchement des particuliers.

Unités de dessalement de Morel en 1985 - Photo R.Joyeux

Unités de dessalement de Morel en 1985 – Photo R.Joyeux

Lorsque, après plus de dix longues années de travaux particulièrement incommo-dants, furent achevées et  rendues opérationnelles ces importantes et coûteuses réalisations : (trois réser-voirs en béton d’une capacité totale de 2650 M3, et une grande partie du réseau urbain de canalisations souterraines), il fallut penser à réformer la petite usine du bourg devenue obsolète. La commune disposant d’un vaste emplacement à Morel, c’est l’UCDEM (Unité Caribéenne de Dessalement de l’Eau de Mer), une société spécialisée basée à Saint-Martin, qui se chargea de l’implantation de deux unités performantes de production d’eau douce, d’un débit quotidien de 90 M3.  Mises en service en 1985, elles étaient appelées à assurer désormais à la population une alimentation régulière en eau, à condition qu’elle y mette le prix : jusqu’à 60 F le M3, soit l’équivalent de 9€ 15 actuels. La distribution, gérée par un Syndicat communal des eaux, sous la houlette de la mairie, devint vite objet de pression électoraliste, les autorités municipales détenant seules le droit régalien de raccordement ou non des particuliers.

Vers la solution définitive

Alors qu’il semblait qu’avec cette nouvelle usine le problème de l’eau aux Saintes serait définitivement résolu, des pannes à répétition et des incidents techniques, (mauvais dosage entre autres des apports en sels minéraux), intervenant en pleine sécheresse, causèrent de sérieux inconvénients aux particuliers et aux hôteliers. Il s’est alors avéré que la fiabilité des installations et de leur mise en œuvre était loin d’être assurée à 100%. Incidents  auxquels était venu se greffer un grave contentieux financier entre le Syndicat des eaux et l’UCDEM, laissant les Saintois à la merci d’une pénurie généralisée.

Préparation d'un élément de la canalisation

Préparation d’un élément de la canalisation

C’est alors que les autorités départementales décidèrent de prendre les choses en mains. À l’instar de la Désirade qui venait d’être reliée en eau à la Guadeloupe par des canalisations sous-marines, le Conseil Général entreprit de rassembler les moyens financiers, techniques et humains susceptibles de régler le problème des Saintes une fois pour toutes.

Ce ne sont pas moins de 100 Millions de Francs (l’équivalent de 15 Millions d’Euros) qui allaient être consacrés à la mise en œuvre d’un gigantesque chantier, présenté comme une première mondiale en ce domaine. Une canalisation flexible de 14 kilomètres en continu, réalisée au Danemark et posée entre deux eaux, à des profondeurs atteignant parfois 320 mètres, par une barge spécialisée venue directement de Scandinavie, amènera désormais l’eau aux Saintes depuis la Guadeloupe.

Le chantier de raccordement

Le chantier de raccordement

Débutés en septembre 1993, les travaux s’achèveront en février 1994 et c’est le Président du Conseil Général, M. Dominique Larifla, qui inaugura le 15 août de la même année cette liaison vitale des communes sain-toises avec la grande île, mettant définitivement, pour de bon cette fois, il faut l’espérer, un point final aux tracasseries de nos popu-lations, privées naturelle-ment sur leur sol de rivières et de sources, leur permettant d’assurer leur autonomie en eau douce, élément indispensable à toute vie sur la planète. Élément rare, précieux et fragile qu’il nous incombe  de préserver et d’économiser… en songeant aux efforts constants consentis par nos prédécesseurs pour nous rendre pratiques et sûres aujourd’hui ses multiples et vitales utilisations.

Mise à l'eau

Mise à l’eau des canalisations rigides qui vont être raccordées au flexible

Raymond Joyeux
Les photos du chantier m’ont été aimablement communiquées à l’époque
par un responsable du projet.

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Souvenirs, souvenirs !..

Félix FOY aujourd'hui

Félix FOY aujourd’hui

Les lecteurs de nos chroniques connaissent déjà notre ami Félix FOY. Sous sa signature, nous avons publié au mois de septembre un magnifique texte empreint de nostalgie : Aux sources de notre identité. Ce texte qui évoquait les Saintes d’autrefois a déjà été lu plus de mille fois. Voici aujourd’hui un nouveau récit de Félix FOY. Nous sommes en 1947,  juste après la Seconde Guerre mondiale, toujours présente dans les esprits. Se souvenant d’une excursion faite avec sa classe de CM2 au Morne à Craie, sous la conduite de son maître, M. Hélissey, Félix nous raconte avec émotion cet épisode de sa vie d’écolier à Terre-de-Haut et voit défiler en pensée des faits en rapport avec la guerre qui ont marqué le jeune préadolescent éveillé qu’il était alors.

Excursion

L’ascension du Morne à Craie

Oublions la guerre et ses misères ; un petit saut en avant dans le temps, nous voici en 1947. La journée est belle, le soleil radieux et nous sommes plus enclins à la rêverie qu’au travail scolaire.  Monsieur Clermont Hélissey, notre maître d’école s’en aperçoit et crie : « Debout, nous partons pour le Morne à Craie ! « 

Terre-de-Huat : CM2 1947  Félix Foy est au 3ème rang, 3ème à partir de la gauche

Terre-de-Haut : classe de CM2 1947 – Félix Foy est au 3ème rang, le 3ème à partir de la gauche

Agitation immédiate dans la classe pour préparer jus de fruit, limonade et goûter ; musettes pour rapporter des échantillons de calcaire. Nous quittons le bourg, traversons la Savane, le Bois d’Inde, et là, Florimont Foy, Stéphane et Yvan Dabriou, prennent la tête, comme des premiers de cordée. Ils connaissent le coin, ils sont nos guides pour l’ascension par La Ravine qui nous conduit au sommet du Morne Carette. De là-haut, nous découvrons les îlots du Sud : La Redonde, le Grand-îlet, la Coche, les Augustins et, en fond de tableau, la Dominique.

Le Grand Îlet vu de l'Anse Rodrigue

Le Grand Îlet vu de l’Anse Rodrigue – Éditions Candalen

Vivre au paradis

La Rade vue du Morne à Craie - Carte postale Boisel

Une partie de la baie et le bourg vus du Morne à Craie – Éditions Boisel

En bordure de la falaise qui surplombe l’Anse Figuier, nous longeons, entre les têtes anglaises et autres raquettes, une trace à cabris qui nous conduit à la « mine » : la carrière où pendant la guerre de grosses quantités de calcaire, de craie, ont été extraites. La Roche à Pain nous domine. Nous sommes éblouis par ce splendide paysage. Un demi-tour et la merveille s’offre à nous : c’est le bourg et la Baie, (ne dit-on pas que nous avons la troisième baie du monde ?) Nous sommes assez fiers d’être et de vivre en ce petit paradis.

 Le retour nous affole un peu. Car revenir par le même chemin est extrêmement difficile et dangereux. Nous décidons donc de dévaler la pente Sud de la colline de Figuier. Branches, souches, lianes brûlantes sont des appuis qui nous assurent la descente. Joyeusement, nous traversons le Pré Cassin pour regagner notre école, bien heureux d’avoir accompli un exploit.

L’entrepôt du débarcadère

Cette promenade a été décidée simplement parce que, pendant la guerre, les militaires entassaient près de l’embarcadère pour une destination et une utilisation inconnues de nous des tonnes de craie qui quittaient les Saintes. Pour en faire de la chaux, peut-être ? Ou, compte-tenu des propriétés chimiques de la craie, vers un éventuel laboratoire…

À droite, emplacement réservé au stockage de la craie

À droite, emplacement réservé au stockage de la craie extraite de la « mine » – Coll Boisel

Le porte-avions Le Béarn

Porte-avions le Béarn en rade de Terre-de-Haut Mai 1941

Porte-avions Le Béarn en rade de Terre-de-Haut en Mai 1941

Difficile donc d’oublier la guerre pas si lointaine. Quand nous étions sur les mornes, au pied de la Roche à Pain, j’ai revu en pensée tous ces bateaux et hydravions qui ont fréquenté notre rade durant les années 1939-45. Ma mémoire s’est arrêtée au BÉARN, un porte-avions !  Une chose que nous ne connaissions qu’en photo. Je revois le Béarn qui approche, la population sur la plage et sur la jetée est en admiration ; des jeunes gens sonnent de la corne de lambi, d’autres crient :  «  Mili, mili .. » (le voici, le voici). Il est énorme et grossit encore, il s’approche toujours, les visages se figent : quand va-t-il stopper ses machines ? Il avance encore ! Manœuvre audacieuse ou erreur de jugement ? Il vire en catastrophe. Trop tard. Le Béarn accroche le fond : accélération, marche arrière. La boue, le sable, les coraux montent à la surface. Nous sommes médusés. Quelques-uns crient :  « Y encayé », d’autres « coulé ! »  Il s’éloigne et mouille enfin. Plus tard, nous apprendrons qu’une des ses pales d’hélice s’est cassée. Avec nos masques taillés dans une chambre à air, nous pouvons l’apercevoir en plongeant près d’une petite « caye » ronde, non loin du rivage, face à la batterie du bourg. Quelques années après, les équipages des « maîtres sennes », Montavel Procida, Norvin Samson et Charles Dorrifourt ont bien du mal à renflouer cette pale. Ils y arrivent. Qu’est-elle devenue ? Vendue ou envoyée aux affaires maritimes ? Je ne sais pas.

Navires de guerre et hydravions 

Navire de combat et hydravion en rade de Terre-de-Haut pendant la guerre

Navire et hydravion militaires en rade de Terre-de-Haut pendant la guerre

Une distraction nouvelle pour les enfants que nous étions : assister aux opérations de remplissage en carburant des réservoirs de nos hydravions. Roulement de fûts depuis la Caserne où se trouve le dépôt de kérosène. Les aéronefs viennent jusqu’à la plage, devant les maisons Pouzol et Bartoche et là, commence le pompage manuel. Quelques vérifications effectuées par les équipages, les hélices tournent et c’est une longue glissade dans la baie qui les conduit jusqu’au Pain de Sucre. Face au vent pour l’envol, ils foncent vers le village et passent à basse altitude, juste au-dessus de nous. À leur retour, mission accomplie, ils nous gratifient de quelques piqués sur l’Îlet à Cabris : un ravissement pour les petits.

L’arrivée du navire-atelier

Un jour, un de ces hydravions abordant la plage, heurte une conque : c’est la voie d’eau. Un colmatage sommaire lui permet d’effectuer sa mission habituelle, mais pendant la nuit, le flotteur est inondé, le vent souffle fort, notre hydravion coule, amarré à sa bouée. Un bateau atelier est dépêché de la Martinique. L’appareil est remis à flot, embarqué pour réparation.

Navire atelier de la Marine nationale

Navire-atelier de la Marine nationale

Durant des mois encore, le lieutenant Agérie poursuit ses vols dans la région, puis s’en va. Avec ses hommes, aux dires de certains, il aurait rejoint les Forces Françaises Libres aux Etats-Unis, dissident à son tour, comme quelques uns de nos compatriotes Saintois de cette époque : Masséna Desbonnes, Eugène Hoff, Raphaël Cassin, et tant d’autres… dont nous relaterons peut-être l’histoire une prochaine fois.

 Une période difficile mais enrichissante

Pêcheurs ravaudant leurs filets - Plage de Petite Anse

Pêcheurs ravaudant leurs filets – Plage de Petite Anse

Entre nous et à la maison, nous parlons souvent de la guerre, mais elle n’est quand même pas, heureusement, à nos portes. Éloignés de tout et privés du superflu, c’est pour nous, somme toute, une période difficile mais enrichissante. Nous découvrons des choses jusque là inconnues de nous. Les enfants que nous sommes profitons des apports extérieurs. Nous jouons à la guerre, aux soldats, aux marins et aviateurs. Notre esprit inventif nous permet de nous amuser en découvrant de nouveaux jeux avec des jouets fabriqués de nos mains. Les femmes de notre île excellent dans la tenue de leur maison, les hommes rivalisent d’ingéniosité dans leur travail et un certain progrès est en marche. À l’école, nous utilisons la craie rapportée par les militaires, ayant au préalable choisi les morceaux les plus tendres.

Chansons, violons et accordéons

Tendres aussi les morceaux de musique interprétés à l’accordéon par « Dodo » Samson qui nous font rêver. Comme nous font chanter et danser les bals animés par Nivard Cassin, Jean Jacques, Octave Samson, Achille Delannay, Joseph et Gaston Vincent : « ban mwen un ti bo, deux ti bo, trois ti bo doudou… »

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Joyeux de Cocotier : l’inclassable troubadour

L’art de se façonner un personnage

JDC Photo Site

JDC – Photo Site

C’est en Métropole, à la télé, au début des années 80, que j’ai vu pour la première fois Éric Joyeux faire son apparition publique en tant qu’artiste. Il venait d’enregistrer son premier disque, Mademoiselle Babette, et s’était rendu à Cannes au MIDEM. (Marché International D’Edition Musicale). Ma surprise avait été grande de le voir arriver dans le hall du Palais des Festivals en marchant sur les mains. À cette époque, il ne s’appelait pas encore Cocotier mais JOYEUX tout court et habitait déjà son personnage.

Une autre fois – et ce fut ma seconde surprise – c’est sur France Inter, dans la célèbre émission de Jean-Louis Foulquier, Pollen, que je l’ai entendu. J’ai oublié ce qu’il disait mais en l’écoutant déclamer un poème de Baudelaire, Le Mort Joyeux, – titre habilement choisi ! –, je me souviens avoir compris que j’avais  affaire à un Saintois pas comme les autres. Et, c’est fort de ces deux images, l’une visuelle, l’autre auditive, qu’en ma qualité de compatriote, je me suis intéressé, d’assez loin cependant, je l’avoue, à sa carrière de chanteur.

 Enfance saintoise et fugue clandestine

Éric Joyeux est né à Terre-de-Haut le 7 mars 1947. À 4 ans près, nous serions de la même génération. Mais comme il habitait le Mouillage et moi le Fond-Curé, deux secteurs extrêmes de notre commune séparés par la petite éminence de l’église, je n’ai pas eu l’occasion de le fréquenter outre mesure lorsque nous étions enfants. Pourtant en 1965, nous faisions partie de la même équipe de football, celle de L’Avenir Saintois, dans laquelle, à cette époque, il n’y avait que des joueurs locaux, je crois l’avoir déjà précisé ici-même.

Éric Joyeux : 2ème rang, 4ème en partant de la gauche. Raymond Joyeux : 1er rang 4ème en partant de la gauche

Éric Joyeux : 2ème rang, 4ème en partant de la gauche –  Raymond Joyeux : 1er rang, 2ème en partant de la droite

Ce qui me fait dire que, contrairement à ce qui est indiqué sur certains sites Internet, – mais il faut bien se construire une légende ! – ce n’est pas à 15 ans qu’il a quitté les Saintes, mais vraisemblablement à 18, alors qu’il n’avait pas encore atteint sa majorité légale, fixée à l’époque à 21 ans. C’est en effet à la suite d’un conflit avec sa mère, et sans perspective d’avenir à Terre-de-Haut, qu’il embarque clandestinement, sans un sou, pour Marseille où il se fait embaucher comme mousse sur un cargo.

 Une rencontre décisive : Élisabeth Meissirel

À nous deux Marseille !

À nous deux Marseille !

Manifestement, bien que Saintois et fils de marin, la navigation hauturière n’emballe pas très longtemps notre homme. Mais comme il faut bien vivre, débarqué, il entreprend une formation d’artisan, et c’est en qualité de peintre-décorateur en bâtiment qu’il tente de gagner sa vie après son service militaire. Alors que sa femme légitime et sa fille  (car il est bel et bien marié et père de famille), rejoignent sans lui Terre-de-Haut pour s’y installer définitivement, Éric se retrouve seul et célibataire, libéré des contraintes familiales. Indépendant et fantasque, amoureux de la nuit, de la danse et de la musique qui bouge, c’est au cours de ses nombreuses virées nocturnes, avec un groupe de musiciens et danseurs dont il est le leader, qu’il rencontre régulièrement parmi d’autres, une jeune noctambule, habituée des discothèques provençales, danseuse elle aussi, férue de peinture, de littérature et de poésie, Élisabeth Meissirel. Cette jeune artiste, ex-étudiante en médecine, en rupture de ban avec son milieu petit bourgeois bien rangé, (son père est policier), devient sa nouvelle compagne, sa partenaire, son pygmalion et son égérie. Dès lors la vie du Saintois exilé devenu Marseillais change radicalement de cap.

 D’une boutique de disquaire à la scène de La Payotte

Le premier disque

Le premier disque

En association avec Mademoiselle Babette, sujet et titre de son premier 45 tours, Éric ouvre   dans un premier temps une boutique de disques au cœur de Marseille, puis crée un restaurant-cabaret, rue Chateauredon, La Payotte, où, sous les pseudos de Vanille et COCOTIER, le couple se produit chaque soir, drainant dans son sillage nombre de jeunes artistes dont Kamel et Élie Kakou qui deviendront célèbres. Se succèdent alors de mémorables tournées en Europe, en Afrique, à la Réunion, au Brésil, à Maurice, et… à Ibiza,  escale  incontournable et point de chute régulier de leur périple d’artistes accomplis de music-hall à travers le monde. De son côté, avec ses arrangeurs et musiciens, et parallèlement à ses activités polyvalentes de cuisinier-peintre-danseur-chanteur-animateur, Cocotier entreprend l’enregistrement de ses autres titres : Reggae Family, Pina Colada, la Banane, et, entre autres, Ma cousine, ce célèbre et sulfureux CD produit en 1995 par Debs Music à Pointe-à-Pitre. Du CD au clip il n’y a qu’un pas (de danse) que notre infatigable et moderne troubadour franchit allègrement, illustrant la plupart de ses interprétations par des clips endiablés visibles sur le Web à son adresse.

Un provocateur fantasque au cœur sensible

images-1Il ne se cache pas pour le dire et le répéter, ayant beau avoir  le rythme dans la peau, avant de connaître Élisabeth Meissirel, Cocotier était, en matière littéraire et artistique, un inculte invétéré. Un Saintois moyenâgeux, comme il se plaît à se définir lui-même, mais à l’esprit ouvert. C’est donc au contact de sa complice lettrée qu’il découvre Léo Ferré, Jacques Brel, Brassens, Bernard Lavilliers et tant d’autres poètes et auteurs français et étrangers : Baudelaire, Boris Vian, Prévert, Éluard, Garcia Lorca… Doté d’une capacité de mémorisation exceptionnelle et d’une sensibilité poétique évidente, il apprend par cœur des textes de ces auteurs qui l’influencent dans son comportement, ses écrits et ses interprétations. Alliant son naturel provocateur et marginal à l’aura de ses géniaux inspirateurs, il se construit sa propre complexion d’artiste, sans renier ses racines musicales antillaises et caribéennes qu’il saura parfaitement exploiter.

La liaison avec Madame Vous  et la Maison du bonheur

Le 1er tome du récit d'É. Meissirel

Le 1er volet du récit d’É.Meissirel

Femme de spectacle, danseuse, meneuse de revue, poétesse, peintre et écrivain, Élisabeth Meissirel a publié en deux volets le récit de sa rencontre, de sa complicité, de ses rapports tumultueux et de ses ruptures sentimentales, toujours houleuses mais jamais définitives, avec Joyeux de Cocotier. La lecture de ces deux ouvrages (1) est passionnante et très instructive pour ceux qui désirent approfondir leurs connaissances de la vie nocturne  marseillaise de l’époque, mais aussi et surtout de la personnalité extravagante de notre personnage, de ses frasques, de sa double vie, sans oublier pour autant ses indéniables talents de chanteur et de show-man.  Désabusée, elle raconte comment lors d’un séjour aux Saintes, son associé et partenaire de toujours rencontre et séduit sous ses yeux la belle et blonde propriétaire d’une boutique de mode tropicale, l’avenante Auvergnate  Christine Chazeau.

La "Maison du Bonheur"

1999 : La « Maison du Bonheur »  – Ph. R. Joyeux

En philosophe compréhensive – sinon consentante – Babette, de son nom de scène Vanille, habituée à ces infidélités à répé-tition, encaisse cette énième liaison qui la blesse, mais laisse son compagnon décider seul du cours de sa vie, sans le contraindre à rester avec elle à Marseille où le couple est de retour. Revenu rapidement aux Saintes retrouver sa nouvelle fiancée Christine C., indéfectible adepte de la cigarette et du vouvoiement, et Princesse aux pieds nus, comme il la surnomme, Joyeux de Cocotier monte avec elle, de ses mains, à la fin des années 90, sur un terrain du Mouillage prêté par un ami d’enfance, une petite boutique de disques, de T-shirts et bibelots à son effigie : « La Maison du bonheur »… sans obtenir de son cousin maire, l’autorisation des branchements d’eau et d’électricité, équipements indispensables à ses activités commerciales. Ce fâcheux contretemps l’oblige à fermer plus tôt que prévu son entreprise et à restituer le terrain à son propriétaire, non sans un arrière goût de révolte et de hargne contre l’arbitraire et les discriminations politiques.

 Le citoyen révolté, l’homme meurtri

Une virulente charge contre le maire

Une virulente charge contre l’arbitraire – Archives R.Joyeux

Déjà en conflit avec ce maire qu’il accuse de l’avoir illégalement dépossédé de sa filiation maternelle, pour une sombre et trouble affaire d’héritage, il entre en guerre ouverte avec le représentant de l’autorité municipale et publie contre lui des tracts et des tags vengeurs qui en disent long, s’il en était besoin, sur son tempérament naturel de provocateur sans complexe et d’anarchiste engagé. Cet épisode politico-familial ne l’empê-chera pas de continuer à aimer la poésie et la scène, et de se produire dans diverses manifestations aussi bien aux Saintes qu’en Guadeloupe. Ayant élu domicile à Sainte-Anne, en Grande-Terre, il anime en soirée les restaurants de la place, secondé  par sa compagne du moment, Princesse Christine, promue conseillère artistique et commerciale. Laquelle, grande fumeuse, souffrant en silence d’une affection maligne de la gorge, décédera prématurément, le laissant sincèrement meurtri et désemparé. Très affecté par le décès de sa Princesse, Cocotier quitte alors la Guadeloupe et les Saintes pour ne plus y revenir qu’épisodiquement.

Sur les murs de Terre-de-Haut : slogans vengeurs et…

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Services publics d’électricité et d’eau soumis à TDH au diktat du maire  – Photo R. Joyeux

 … poésie populaire

Photo R. Joyeux

 Un extrait de « La Baie des Saintes » signé Cocotier – Photo R. Joyeux

Une valeur sûre, injustement mal aimée du milieu musical antillais

Saint-Venlentin 2013 au Coq d'Or - Ph. R. Joyeux

Saint-Venlentin 2013 au Coq d’Or – Ph. R. Joyeux

Aussi bien aux Saintes qu’en Guadeloupe continentale, Joyeux de Cocotier n’a jamais eu le succès et la cote qu’il mérite. Son indéniable tempérament de provocateur et de « grande gueule » incontrôlable ne plaît manifestement pas à tout le monde et l’éloigne des médias traditionnels et des radios musicales. En dehors de Ma Cousine interprétée avec ou sans Franky Vincent, ses titres passent rarement sur les ondes locales. C’est dommage car, à mon sens, Cocotier est un artiste complet, doublé d’un peintre talentueux, même si son personnage imprévisible ne fait pas l’unanimité.  Ayant eu l’occasion de le voir dans ses œuvres, plusieurs soirs aux Saintes et de l’entendre en live, j’ai apprécié son côté tour à tour, charmeur, facétieux, provocateur, romantique ou zoukeur-rocker endiablé. J’ai constaté que,  grâce à ses qualités innées de danseur-animateur et d’interprète, il savait gratifier son public de toutes les facettes d’un métier difficile, appris sur le tas, par la seule force d’une persévérance et d’une volonté surdimensionnées – à l’égal de son égo, prétendent ses détracteurs…

 Un professionnel avisé et exigeant

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Au restaurant L’Insolente, mai 2011 – Ph. R. Joyeux

Il avait ces soirs-là, chaudement envoûté un public nombreux,  subjugué, pris par l’ambiance, séduit par son talent, sa prestance, son professionnalisme et la maîtrise de son sujet. Amoureux du blues, du rythme et de la poésie, outre ses propres textes et compositions, dont les célèbres et inévitables Morne à l’eau, Ma Cousine, La banane, La baie de Terre-de-Haut et le fameux Nou ké bwè nou ké sou, il avait su déclamer avec justesse et sensibilité des poèmes de Boris Vian et de Léo Ferré… Et pour finir, accompagné de sa guitare électrique et de son pianiste Dominique, il avait, de sa voix tantôt rugueuse, tantôt douce ou gouailleuse, magistralement interprété Black and White et Kingston de Bernard Lavilliers, l’une de ses idoles.

Avec Cocotier, ambiance assurée - Mai 2011 - Ph. R. Joyeux

Avec Cocotier, ambiance assurée – L’Insolente,  mai 2011 – Ph. R. Joyeux

Un CD dédier à Christine Chazeaux, "Madame Vous

Un CD dédié à la mémoire de Christine Chazeau

À l’issue de ces spectacles parfois improvisés, à l’ambiance toujours très animée, je me suis plu à souhaiter d’autres temps forts de ce type, dans son île natale, où un auditoire encore plus nombreux viendrait découvrir et apprécier les prestations de notre Cocotier saintois, troubadour multiforme et talentueux qu’un jour, qui sait ? la Guadeloupe entière nous enviera.

Raymond Joyeux

1 – Élisabeth Meissirel : Mademoiselle Babette – Récit  – Éditions Passeport pour la poésie – Marseille 2008. (Tome 1)
Il était une fois la Payotte – Mémoire d’une Marseillaise – Éditions Passeport pour la poésie (2ème édition) – Marseille 2010. (Tome 2)

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Évolution des services de santé aux Saintes de 1853 à nos jours

Aux temps (pas toujours bénis) des Colonies

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Un document exceptionnel

Dans un rapport sur l’état de la paroisse de Terre-de-Haut, datant de 1853 et reproduit intégralement par le Père Camille FABRE dans une brochure parue en 1979, intitulée de clochers en clochers, il est indiqué que  « le bourg ressemble à une petite ville et constitue toute la paroisse. Il y a environ six cents habitants. L’esprit religieux y est assez mauvais. Le prêtre y a peu de consolations. Cependant il y a une école tenue par les frères de Ploërmel et un hôpital tenu par les Sœurs de Saint-Paul « . (1) C’est, à ma connais-sance, la première mention de l’existence de ce type d’établissement aux Saintes auquel survécut, pendant un certain temps, une petite infirmerie où tous les Saintois et Saintoises de ma génération et moi-même avons été vaccinés lorsque nous étions écoliers.

De son côté, dans une monographie sur l’archipel publiée à Bordeaux en 1901, le docteur Sauzeau de Puyberneau (2), affecté aux Saintes, précise : « En face de la caserne se trouve l’hôpital, qui serait en mesure de redevenir hospitalier s’il lui était accordé les quelques réparations nécessaires. Par un décret spécial, le Médecin des Colonies chargé du service aux Saintes est autorisé à habiter le pavillon des officiers. » Lequel médecin, payé, selon Félix Bréta (3), par le budget local, a été supprimé en 1903.

Les services de Santé du navire-école Jeanne d’Arc

La Jeanne d'Arc en rade des Saintes - 1960 Carte postale Catan

La Jeanne d’Arc en rade des Saintes – 1960. Carte postale Catan

À partir de cette date et jusqu’au milieu du siècle dernier, Terre-de-Haut, privée de la présence sur son sol de médecin résident et de service hospitalier, dut se contenter de la seule assistance de deux sages-femmes qui pratiquaient les accouchements à domicile. L’une originaire de la commune, Mme Jacques-Quintard Éléonore, l’autre, épouse d’un médecin guadeloupéen, Mme Monrose. Un docteur généraliste, venant de Trois-Rivières, une ou deux fois par semaine, assurait les consultations et les soins qui ne nécessitaient pas un transfert des patients en Guadeloupe. En cas d’urgence, ce transfert s’effectuait par les moyens de l’époque, c’est-à-dire en canot à voile, quels que fussent l’heure et le temps. Dans ces conditions, beaucoup de Saintois se contentaient d’attendre le passage annuel du navire-école Jeanne-d’Arc, à bord duquel consultations, radiographies, bilan de santé, soins dentaires et parfois opérations chirurgicales se faisaient gratuitement.

 Le Bateau des Îles : « maison du docteur »

"Maison du docteur" - Ph. R.Joyeux

« Maison du docteur » – Ph. R.Joyeux

Pour pallier les réticences compréhensibles du corps médical à venir s’installer aux Saintes, un photographe de Basse-Terre, M. Adolphe CATAN, propriétaire de la célèbre maison Bateau, céda ou vendit, selon les sources, son bien à la commune de Terre-de-Haut en 1949. À charge pour cette dernière d’y loger gratuitement les docteurs successifs qui voudraient y venir exercer, et à celle du Département d’octroyer une subvention aux volontaires. À ma connaissance, le premier qui bénéficia de ces deux opportunités, fut le docteur Hourtiguet, un breton, amateur de navigation, qui, logé et subventionné, assura la desserte des deux îles jusqu’en 1957-58. Aujourd’hui, cette « maison du docteur », comme on la nomme aux Saintes, est occupée en permanence depuis de nombreuses années par la même praticienne qui y a également installé son cabinet médical.

 Années 48-50 : création d’un dispensaire

Le dispensaire et son frangipagnier

Le dispensaire et son légendaire frangipagnier- Ph R. Joyeux

Selon un petit carnet retrouvé de mon père, déjà évoqué sur ce blog, c’est à la fin de février 1951, que fut inauguré le Dispensaire public du Fond-Curé. Cet établissement,  propriété du Département et géré par la  Direction de l’Action Sani-taire et Sociale de Basse-Terre, a été édifié à l’emplacement de l’ancienne Prison cantonale, (4) sur un terrain ayant appartenu, semble-t-il, à un certain Jules Corbin. Sa création allait apporter un confort certain et une sécurité non négligeable  à la population saintoise en matière de structure sanitaire de proximité. Outre de remplir sa fonction de Protection Maternelle et Infantile, (PMI), il était également, et est encore aujourd’hui, centre de soins, de vaccinations pour les scolaires,  de consultations et d’obstétrique, autant d’actes médicaux spécialisés assurés par des professionnels venant à intervalle régulier de Guadeloupe, sous l’égide du Conseil Général.

Entre 1964 et 67, Yves Espiand, jeune docteur originaire de Pointe-à-Pitre, a été le premier à aménager son cabinet de consultations dans une des salles de ce dispensaire et avoir été autorisé à y ouvrir une officine de propharmacie, avec les médicaments de première nécessité. Par la suite plusieurs dentistes s’y sont succédé sans lendemain, jusqu’à l’arrivée de leurs confrères installés aujourd’hui dans le bourg. L’officine pro-pharmaceutique a également disparu au profit d’une véritable pharmacie indépendante, qui a ouvert ses portes en 1979.

Étonnante destruction du frangipagnier et aux autres flambloyants

Il ne reste que des souches - Ph. R. Joyeux

Il ne reste que des souches – Ph. R. Joyeux

Concernant la gestion et l’entretien de ce Dispensaire départemental dont tout le monde reconnaît unanimement la nécessité et l’importance pour une petite commune insulaire, on peut s’étonner que les responsables, sous couvert de nettoyage, aient autorisé récemment (octobre 2013) l’abattage de tous les flamboyants de l’arrière-cour et surtout d’un magnifique frangipanier donnant sur la rue (voir photo précédente). Tous les arbres existants ont été scrupuleusement coupés, mais à ce jour, le grand nettoyage-prétexte reste encore à intervenir !

Des containers de tri ont remplacé le frangipagnier- Ph. R. Joyeux

Containers de tri et palettes ont remplacé le frangipagnier

Quant aux autorités municipales, nous ne doutons pas qu’elles ne tarderont pas à trouver de leur côté un emplacement plus adéquat pour entreposer des containers de tri qui, en plus d’enlaidir le site, n’ont pas du tout leur place à proximité immédiate d’un établissement public d’accueil et de soins.

Et aujourd’hui ?

Tout compte fait, aujourd’hui, et depuis bon nombre d’années, les Saintes, et Terre-de-Haut en particulier, sont globalement bien desservies en matière de structures et de personnels médico-sanitaires. Sont en effet à la disposition de la population : deux cabinets médicaux, un couple de chirurgiens-dentistes, plusieurs kinésithérapeutes, une pharmacie, un véhicule du SAMU, un hélicoptère d’évacuation sanitaire, et depuis 2007, pour les personnes âgées dépendantes, un service d’infirmières et d’aides médicales d’hospitalisation à domicile (HAD), qui font à leur niveau un remarquable travail d’assistance et de soins, et qui méritent, avec tous les autres praticiens, d’être salués !

Un progrès considérable

L’implantation d’une pharmacie : un progrès considérable

Que demander de plus ? sinon peut-être l’aménagement des caniveaux à ciel ouvert pour éviter qu’ils déversent à la mer leur bouillon de culture infesté de bactéries fécales et de staphylocoques ; l’installation de sanisettes modernes et gratuites pour éradiquer définitivement les habitudes moyenâgeuses de mictions et défécations humaines intempestives  en milieu naturel ; un  suivi plus sérieux enfin, et une fréquence régulière des campagnes de démoustication et de dératisation pour mettre la population à l’abri de la leptospirose et de la dengue hémorragique, deux affections parfois mortelles dont la Guadeloupe et ses îles ne sont pas du tout exemptes…

510HKCV1XPL._SY445_Mises à part ces dernières suggestions qui restent à réaliser et qui sont à nos yeux d’importance,  nous sommes en définitive, aujourd’hui, concernant l’état sanitaire de la population saintoise et les équipements médicaux, bien loin, heureusement, des observations apocalyptiques, (qualifiées à juste titre par Jean-Luc Bonniol de hautement fantaisistes) (5), observations grotesques, à la limite du comique s’il ne s’agissait pas d’êtres humains, faites par l’écrivain-voyageur britannique Patrick Leigh Fermor (6), qui dresse dans son livre Vents alizés, paru en 1950, le terrifiant tableau ci-dessous, que je vous laisse néanmoins le soin d’apprécier avec toute la distance nécessaire :

v.alizés

Raymond Joyeux

Bibliographie :
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Paul Melki : un jeune auteur prodige à découvrir

Paul Melki  Écrivain

Paul Melki plurihandicapé
Écrivain

Une méthode d’écriture révolutionnaire

Fils de Jane Watts, ancienne danseuse du Royal Opéra de Londres et de Lucien Melki, comédien et metteur en scène, Paul Melki est né plurihandicapé IMC, (infirme moteur cérébral), le 14 octobre 1986 à Paris.

Extrait de sa biographie

Suite à son handicap,  » Paul Melki ne peut ni marcher, ni parler et voit très peu. En 1998, ses parents découvrent la communication facilitée. Une méthode orthophonique qui consiste à l’assister en tenant sa main au-dessus d’un clavier. Paul se met aussitôt à écrire. C’est ce qu’il appelle sa seconde naissance. « Ce jour-là, j’avais 12 ans, écrit-il, où mes mots sont sortis de mon doigt, seul capable de taper sur le clavier. Ma tombe s’ouvrait et ce fut la grossesse la plus longue jamais connue, douze années »

Aidé de son père, Paul répond aux question d'un journaliste de magazine

Aidé de son père, Paul répond aux questions d’une journaliste d’un magazine

Assumant cette difficile situation, « ses parents œuvrent pour lui donner une éducation motrice et intellectuelle. Ils voyagent avec lui au Danemark, en Angleterre, en Hongrie, à la recherche de pédagogies adaptées. Très rapidement l’intelligence de Paul se manifeste par la compréhension des langues des pays traversés. Notamment une compréhension parfaite de l’anglais et du français. Paul passe plusieurs années dans des institutions spécialisées : de 1991 à 2000. (2 ans à la Croix Faubin à Paris et 7 ans aux Papillons-Blancs de Paray-le-Monial). »

Bénéficiant d’un enseignement primaire à l’école du village de Suin en Bourgogne, il passe sans transition, en raison du niveau de ses écrits,  au Lycée de Charolles, en septembre 2002, en qualité d’auditeur libre. Il participe comme lycéen au concours de nouvelles du Festival des Étonnants voyageurs de Saint-Malo et remporte le premier prix pour son texte : L’oiseau volcan, qui sera publié peu après dans un ouvrage collectif.

Les premières vraies publications

Son premier livre : Le Cheval de mer - Poésie

Son premier livre de poésie :
Le Cheval de mer

Mais c’est en juin 2003 que Paul Melki publie aux Éditions Les pas perdus son véritable premier livre, un recueil de poèmes  intitulé Le Cheval de mer. Suivront, en septembre 2004,  à la suite d’un voyage en Guadeloupe et aux Saintes, le Journal de bord d’un détraqué moteur, aux Éditions Calmann-Lévy ; puis, en avril 2007, un second ouvrage : C’est la nuit de ma vie où je réalise ce que le jour m’interdit, et, enfin, en août 2008, un roman, Au paradis de Candide, chez le même éditeur.

 J’ai lu d’une traite Au paradis de Candide 

Son premier roman

Son premier roman

D’abord l’apparence : j’aime la présentation  sobre et élégante du livre, sans outrageuse prétention. L’illustrateur, Jean-Claude Lavaud, artiste bien connu en Bourgogne, semble avoir saisi et traduit la fausse naïveté du personnage. Sa petite tête ébouriffée et ses yeux espiègles, mais perçants, derrière ses boucles fantasques, traduisent parfaitement l’étonnement et la vivacité qui constituent, entre autres, l’éclairage, la légèreté – en même temps que la densité – du récit et la quintessence du personnage. J’aime les couleurs douces et le style d’illustration choisis. L’ouvrage est agréable à voir et à manipuler. Il n’est pas à remiser sur un vulgaire rayon poussiéreux, mais à laisser en évidence sur une table de lecture ou à offrir…

Paul Melki et ses parents à la Pointe des Châteaux Photo R.Joyeux 1999

Paul Melki et ses parents
à la Pointe des Châteaux en mai 1999
Photo R.Joyeux

Ensuite  le contenu : à mon sens, l’avant-propos est inutile. Le récit et son incipit sont tellement évidents qu’aucune présentation, à la limite, ne se justifiait. Mais peut-être était-il (l’avant-propos) nécessaire pour honorer la contribution de Voltaire et permettre aux non initiés de faire le lien avec le personnage littéraire extravagant et son génial créateur. J’aurais pour ma part préféré le saut direct dans le récit et l’histoire. (C’est un simple point de vue qui n’engage que moi).

La construction du récit de P. Melki procède d’une remarquable trouvaille : se servir du célèbre personnage du Candide voltairien et des 36 stratagèmes militaires chinois comme fil conducteur et lien pour unifier le tout : épatant. Excellente subtilité qui permet de porter regard et jugement sur notre société actuelle en général, française en particulier. Etonnement et pessimisme face à certaines constatations ; conviction, générosité et optimisme dans les solutions proposées, (comme une prise en charge intime – mais aussi distante – par l’auteur du trait caractéristique du personnage de Voltaire : l’optimisme à tout prix). Eloge pertinent du métissage social, culturel et religieux, de la fraternité et de la tolérance, point de vue (ou message) volontairement humaniste qui risque de déplaire aux puristes ou fondamentalistes de tout bord. Aucune condamnation sinon humoristique et en filigrane (pratiques policières et médicales aberrantes), ou tout à fait véhémente et implacable de certaines perversités : (attrait maladif des richesses, d’où assassinat justifié du personnage du docteur dans la lignée des précédents meurtres tout aussi justifiés de Candide).

Paul Melki et le professeur Jacquard

Paul Melki et le professeur Jacquard

Le chapitre L, qui résume pour le lecteur les événements antérieurs et fait le lien avec l’actualité du récit, est très utile pour ceux qui auraient laissé leur lecture en plan à la page 87. Bonne idée qui permet de souffler et de faire le point. Procédé didactique intéressant. Maîtrise parfaite et restitution, sans outrance ni trahison, du style persifleur de Voltaire, du regard, des réflexions et commentaires du personnage. Aucun coup de gueule vengeur excessif. Ni moralisme ni apitoiement. Autant de particularités, d’ingrédients narratifs qui s’intègrent parfaitement à l’ensemble, évitant subtilement le piège du hiatus littéraire et philosophique qui aurait déconcerté le lecteur et abouti à une dichotomie détruisant l’unité de l’expression et de l’œuvre.

L'art de la guerrerognée

Les 36 stratagèmes de SUN TZU

J’ai moins aimé, (bien que j’en comprenne le pourquoi), le parler verlan de la « racaille ». Mais c’est un parti pris. Comme je n’aime pas les créolismes à tout va et les tournures « couleur locale » systématiques de nos auteurs antillais d’aujourd’hui. Ça m’agace. Le résumé des chapitres de Candide de Voltaire en fin d’ouvrage ne s’imposait pas particulièrement. À mon sens, c’est au lecteur, s’il est conséquent et curieux, d’aller réveiller le grand philosophe et son œuvre. L’énumération des 36 stratagèmes chinois en revanche était nécessaire et incite à la découverte ou la relecture de L’art de la guerre de Sun Tzu. Le dernier chapitre du livre de Paul Melki qui renvoie subtilement au premier clôt l’ensemble. La boucle est bouclée, sans pour autant que soit fermée la porte de l’imagination et de la réflexion.

En bref, je n’ai pas (encore) lu toutes les « critiques littéraires journalistiques et professionnelles » concernant l’ouvrage. Et ne suis guère apte moi-même à porter un jugement objectif définitif de haut niveau académique. Je peux simplement, et subjectivement, dire que le livre m’a séduit et que je ne l’ai pas lâché une seconde. Densité et légèreté. Je suis époustouflé par la facilité stylistique naturelle de l’auteur, par son intelligence des descriptions et situations, sa dérision à propos de sa propre situation de détraqué moteur – ( 1 ), sa grande culture « historico-socio-psychologico-médico-littéraire », par la pertinence de l’expression, encore une fois, la finesse de l’humour, la tournure et la profondeur des analyses, de certains points de vue et réflexions. Par sa connaissance de Paris, des problèmes et mœurs des banlieues (lieux bannis) et autres… Mille fois merci, Paul Melki, pour ce « petit » chef d’œuvre, selon moi, d’un « grand » écrivain. (2).

Raymond Joyeux

1 – Voir Journal d’un détraqué moteur de l’ auteur chez Calmann-Lévy
2 – Je ne pense pas qu’on puisse trouver ici, en Guadeloupe, les ouvrages de Paul Melki. Si on est intéressé, il suffit de les  commander par l’intermédiaire de son libraire, en précisant les références exactes.

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Petit historique de la presse écrite aux Saintes

Une révolution : l’arrivée d’une boutique de presse à TDH début 2000

Boutique de la presse à Terre-de Haut Ph R. Joyeux

Boutique de la presse à Terre-de Haut

Ce n’est que depuis le début des années 2000 que les habitants de Terre-de-Haut bénéfi-cient de l’implantation d’une boutique de presse à domicile. Ils étaient contraints jusqu’alors, en matière de presse écrite, soit de souscrire un abonnement, avec l’inconvé-nient des retards de distribution lié à l’éloignement, soit d’aller se procurer leur quotidien, hebdomadaire ou mensuel favoris, directement en Guadeloupe, lors d’un dépla-cement régulier ou occasionnel. L’arrivée d’une petite boutique de presse sur place allait radicalement changer la donne en ce domaine.

Un lectorat restreint

Quotidien régional le plus lu aux Saintes

Quotidien régional le plus lu aux Saintes

À l’heure d’Internet, de l’image omniprésente et des informations télé en continu, dire que nos compatriotes d’aujourd’hui sont de fervents lecteurs de journaux traditionnels ou de livres en général serait aller vite en besogne. N’empêche qu’en leur offrant sur place un large éventail de titres régionaux, nationaux ou étrangers, on leur permet désormais de faire leur choix et de se procurer, à l’occasion, des magazines ou des ouvrages plus littéraires, sur nombre de sujets susceptibles de leur ouvrir de nouveaux horizons, sans avoir à prendre la navette reliant les Saintes au « conti-nent guadeloupéen ». Il faut toutefois préciser que la boutique de la presse est littéralement prise d’assaut lorsque le quotidien régional a la bonne idée de publier un article, un reportage ou une simple information sur leur commune !

Des anciens accros à l’infos

Le Nouvelliste Quotidien guadeloupéen N°1 aux Saintes dans les années 50

Le Nouvelliste
Quotidien guadeloupéen N°1 dans les années 50

Pour autant que je me souvienne, privés aux Saintes de radio et de télévision, comme, à l’époque, en certaines régions retirées de Guadeloupe et même de France hexagonale, nos aînés d’après la Seconde Guerre mondiale jusqu’au milieu des années 60 étaient plus friands d’informations journalistiques. En particulier les fonctionnaires en activité ou à la retraite : instituteurs, employés des postes, de la douane ou de la mairie. Ou tout simplement de simples marins-pêcheurs ou artisans, syndicalistes politisés ou pas, navigateurs lettrés ayant posé leur sac, autant de personnes habituées à la chose écrite et que la lecture régulière ne rebutait pas…

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L’Étincelle nouvelle formule
Organe du PC guadeloupéen

Parmi les quotidiens ou les hebdomadaires départementaux arrivant alors à Terre-de-Haut, on peut citer : le Nouvelliste, Le Progrès Social des frères Rodes, L’Étincelle du P.C. guadeloupéen, Le Match socialiste  de M. Jabbour, Antilles-Matin, l’ancêtre de notre France-Antilles d’aujourd’hui, dont le directeur-fondateur n’était autre qu’un Saintois Max Martin, fils d’un notable des Saintes, M. Maurice Martin. Et enfin l’hebdomadaire catholique Clarté, vendu par une dame patronnesse et disponible dès le samedi après-midi jusqu’au dimanche à l’issue de la messe.

Des commentaires animés Place de la mairie

Hebdomadaire catholique de Guadeloupe

L’hebdomadaire catholique
de Guadeloupe

Tous ces journaux étaient acheminés par la Poste et leurs abonnés ou lecteurs réguliers ne se privaient pas de les faire passer de main en main. D’âpres débats naissaient alors autour de tel ou tel article sensible, sur la situation nationale, internationale ou tout simplement départementale. Les plus acharnés de ces débatteurs de la Place de la mairie étaient sans conteste Nivard Cassin, Urbain Ruart, Anatole Cassin, Irénée Bonbon, Urbain Gaydu, Henri Samson, Eugène Bélénus, entre autres, qui refaisaient le monde à leur façon… Seul Nestor Azincourt, vieil instituteur retraité, abonné au Nouvelliste, restait tranquillement chez lui, se contentant depuis son balcon ajouré de plain pied, de passer fièrement chaque matin, au bras d’un écolier retardataire, le petit bracelet de papier enserrant le journal de la veille et sur lequel étaient imprimés ses nom et adresse.

 L’ÉTRAVE,
premier mensuel spécifiquement saintois.

De fil en aiguille, les années passant, en février 1965, des jeunes débordant d’idées, certains fraîchement débarqués de leurs études en Métropole, dont votre serviteur, décident de lancer le premier journal exclusivement Saintois. Il s’agit d’Alain Foy pour le dessin de couverture, de Georges Vincent, secrétaire de mairie, d’Yves Espiand et André Nègre, tous deux médecins, d’André Allard, directeur d’école, et de moi-même, Raymond Joyeux, professeur stagiaire au collège-lycée de Blanchet près de Gourbeyre. Ce premier mensuel avait pour nom L’ÉTRAVE. Nom dont le symbolisme évident figurait l’avancée de nos îles dans un modernisme qui nous tendait les bras et qui restait à conquérir. Cinq numéros de 16 pages chacun de cette première tentative journalistique, imprimés par Louis Martin à Pointe-à-Pitre, parurent de février à juillet 1965.

Les 3 premiers N° de L'Étrave Précurseur de l'IGUANE

Les 3 premiers N° de L’Étrave
Précurseur de L’IGUANE – Archives R. Joyeux

 Extrait de l’éditorial du premier N° de L’Étrave de février 1965

 » Ne pensez-vous pas qu’il serait dommage de laisser se faner notre jeunesse sans lui donner la possibilité de soupçonner qu’il existe un domaine plus noble que celui de la boisson, de l’oisiveté ou de l’ennui ? Les Saintes resteront-elles toujours l’éternel lieu de paradoxe où les merveilles naturelles contrastent si crûment avec cet engourdissement moral encore trop répandu ?… C’est le but de notre revue de participer un peu plus activement à l’ouverture d’esprit, à l’habitude de réflexion, à la prise de conscience de problèmes importants qui ont paru jusqu’à présent faire défaut à notre mentalité. »  

Journal de l'Association  Le Hunier - Arch. R. Joyeux

Journal de l’Association
Le Hunier – Arch. R. Joyeux

La HUNE prend la relève en 1973

Plus modeste et éphémère, une seconde tentative, simple polycopié de deux feuillets recto-verso, se voulait surtout le journal de l’Association et Bibliothèque Le Hunier, animées par les instituteurs de l’époque, Patrick Péron, Robert Hériaud, et toujours l’auteur de ce blog, Raymond Joyeux, fraîchement nommé au Collège des Saintes. Ces feuillets distribués gratuitement ne se contentaient de rendre compte de la vie associative, mais abordaient déjà les délicates questions du prix des locations de vacances, de la circulation automobile et de l’éternel problème de l’époque, celui de l’eau…


1989 – 1993 : un vrai journal d’opposition : L’IGUANE

Première page du journal L'Iguane relatant le déficit de 1993

N° 26 de décembre 1993 -Arch. R. Joyeux

Créé en décembre 1989, à la suite des élections municipales perdues, de mars de cette même année, L’IGUANE (Intérêt Général et Union pour l’Action Nouvelle et l’Évolution) s’est affiché et revendiqué d’emblée comme un organe d’opposition municipale. Ses 28 parutions, mensuelles ou bimestrielles de 8 pages format A4, auxquelles ont collaboré Félix Foy, Geo Petit, Georges Garçon, Alain Joyeux, Jocelyn et Marc-André Bonbon,  et dirigées successivement par Raymond Joyeux, rédacteur, et Hilaire Brudey, se sont étalées sans discontinuer sur 4 années consécutives. En toute modestie, on peut dire que ce journal, dont la parution était fiévreusement attendue par toute la population, reste une référence dans le domaine du journalisme politique et informatif saintois.

D’autres feuillets, issus de la même mouvance ont vu le jour sous les appellations successives de L’ŒIL DE L’IGUANE et RDS-INFOS, destinés aux adhérents du parti municipal d’opposition : Réalisme-Démocratie-Solidarité.

Organes de l'opposition RDS

2 Organes de l’opposition municipale RDS

Une tentative avortée : La Gazette des Îles

Prévu pour durer, un seul N° de ce mensuel  a vu le jour . Arch. R. Joyeux

 Un seul N° de ce « mensuel »
a finalement vu le jour.  Arch. R. Joyeux

À la disparition de L’IGUANE, profitant du vide laissé par ce journal impertinent, hantise du maire de Terre-de-Haut, trois journalistes professionnels métro-politains auxquels on doit un guide remarquable sur les Saintes, abondamment illustré, intitulé justement Bonjour les Saintes, décident de créer un mensuel destiné aux lecteurs des trois dépendances Sud de la Guadeloupe : Les Saintes, Marie-Galante, la Désirade. Son titre : La Gazette des Îles.

Ce journal, annoncé comme strictement « apolitique », s’est inscrit d’emblée, aux dires de leurs auteurs, dans la durée et l’objectivité, attributs qu’ils déniaient, sans le nommer, à L’IGUANE qualifié par eux de « Canard Enchaîné au petit pied », mais qui vécut, faut-il le rappeler, quatre années d’affilé.

Au 1er N° de ce « mensuel » paru en décembre 1995 et diffusé par les Éditions Du Pélican, basées à Saint-Barthélemy, il n’y a pas eu de suite et c’est mort-née que La Gazette des îles entra malheureusement dans l’histoire de la presse locale.

La riposte du pouvoir

Cible privilégiée : l'opposition

Cible privilégiée : l’opposition
Archives Raymond Joyeux

Dès 1991, du temps de L’IGUANE, le maire de l’époque, publiquement malmené par les articles et les révélations du journal, après deux procès perdus pour diffamation, fait paraître, pour se défendre et se justifier une publication ad hominem, intitulée La Lettre du Maire. Prévue pour paraître régulièrement, et éditée aux frais des contribuables, cette publication n’a  finalement connu qu’une seule et unique  parution. Sous couvert d’informa-tions municipales, comme indiqué en sous-titre, c’étaient surtout les responsables de l’opposition et de L’IGUANE qui étaient visés, souvent dans un pataquès pas toujours compréhensible.

Quelques années plus tard, dans le même ordre d’idées mais en beaucoup moins virulent pour les opposants, c’est le nouveau maire, Louis Molinié, qui faisait éditer au nom de la commune un bulletin municipal, illustré de ses réalisations.

Distribué aux seuls partisans

Distribué aux seuls partisans

L’idée était plutôt bonne, mais faute de rédacteurs, le projet capota rapidement, d’autant que seuls les partisans du pouvoir avaient le privilège de le recevoir à domicile. Ce qui contredisait d’emblée le titre, l’ambition et la philosophie  affichés par son directeur : « ENSEMBLE ». 

À noter cependant que l’intégralité de ce journal municipal  a été pendant un temps accessible sur Internet à l’adresse du site de la municipalité. Aujourd’hui que la version papier a disparu, les administrés de Terre-de-Haut, intéressés par les projets municipaux, l’histoire et les réalisations communales peuvent toujours se rendre sur le site municipal où des informations parcimonieuses leur sont données. Les temps changent !..

 Deniers publics servant à des fins partisanes

En terminant cette chronique, comment ne pas s’empêcher de stigmatiser une anomalie pernicieuse de taille dans l’utilisation des deniers publics en matière de presse écrite communale destinée à l’ensemble d’une population.

Programme du 15 août dévoyé

Programme du 15 août dévoyé

Quand un maire règle ses comptes avec l'opposition dans un bulletin de fête édité aux frais des contribuables

Quand un maire règle ses comptes avec l’opposition dans un bulletin de fête édité aux frais des contribuables

De 1989 jusqu’en 2001, pas un seul de ces bulletins-programme  (photo ci-dessus) de la fête patronale de Terre-de-Haut, édités aux frais des contribuables toutes tendances confondues, qui ne comporte une critique acerbe de l’opposition démocratique, quand ce ne sont pas carrément des injures,  dans des Mots du Maire restés tristement célèbres.

Destiné à fournir à la population le programme de la fête du 15 août, manifestation populaire censée rassembler tous les citoyens, au-delà de leurs opinions, il n’était nullement légitime, à notre sens, qu’on utilise ce bulletin à des fins politiciennes partisanes, sans possibilité pour ceux qui y étaient attaqués de se défendre par les mêmes moyens.

Et aujourd’hui ?

Si la boutique de la presse de Terre-de-Haut poursuit quotidiennement – le dimanche excepté – son office indispensable de kiosque à journaux et de petite librairie, ce dont nous félicitons et remercions les responsables, on peut déplorer qu’il n’y ait pas eu de relève chez nos jeunes intellectuels pour créer et diffuser une presse écrite de proximité, spécifiquement saintoise, afin de rendre compte de l’actualité locale et de développer, en même temps que le lien social, des sujets plus généraux de réflexion et de proposition.

Raymond Joyeux

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Terre de culture et de littérature, le Canada à l’honneur

Le Canada, où j’ai la chance et le plaisir d’entretenir quelques fidèles et merveilleuses amitiés, est à l’honneur cette année.  C’est en effet une de ses ressortissantes, Alice Munro, écrivaine de langue anglaise, originaire de l’Ontario, qui vient d’obtenir le prestigieux Prix Nobel de Littérature 2013. Mais c’est aussi Natalie Henripin dont la poésie m’a séduit que je voudrais mettre à l’honneur dans cette chronique. R. J.

Alice Munro Photo AFP - Peter Mulhy

Alice Munro
Photo AFP – Peter Mulhy

Alice Munro : une nouvelliste Prix Nobel de littérature 

Ayant commencé seulement à découvrir son œuvre, il est trop tôt pour moi de porter un jugement approfondi sur les thèmes et l’écriture de cette auteure qui m’était jusqu’ici inconnue. C’est donc à Christian Desmeules du journal Le Devoir de Montréal daté du 12 octobre 2013, que je me permets d’emprunter  pour vous cette courte mais percutante analyse.

 « Un regard enveloppant, une compassion qui semble sans bornes envers ses personnages. Une attention d’ornithologue surveillant un nid prêt à éclore. L’oreille tendue au moindre bouleversement, l’œil capable de déceler la plus fine fêlure. Bien avant le sacre du prix Nobel, la réputation de nouvelliste d’Alice Munro n’était plus à faire.

9782757830819Depuis La danse des ombres heureuses (Rivages poche, 1968) et Les lunes de Jupiter (Rivages poche, 1982), jusqu’à Fugitives (2008), l’écrivaine canadienne née à Wingham, Ontario, en 1931, trois fois lauréate du Prix littéraire du Gouverneur général, a multiplié les histoires ancrées dans une « canadianité » rurale et quasi universelle. Des histoires qu’elle orchestre avec un art de l’effacement et du détail qui lui a souvent valu d’être comparée à Tchekhov – ou à Raymond Carver. Comme le maître russe de la nouvelle et du demi-jour, Munro s’est fait une spécialité de documenter, sans jamais forcer le trait, les faillites les plus intimes avec une précision quasi chirurgicale…

 Mais la fuite, dans ces histoires de l’écrivaine ontarienne, n’est jamais une randonnée légère : on y traîne toujours un peu le cadavre de ses désillusions, de ses échecs anciens, de ses exils ratés. Le parcours est sans issue et la dérive des sentiments, inexorable. »
                                                                                                                      Christian Desmeules

Natalie Henripin, poétesse

Natalie Henripin, poétesse québécoise

Natalie Henripin : une poétesse québécoise de haut vol

 Née à Paris en 1953, Natalie Henripin habite Montréal et exerce comme travailleuse sociale dans un hôpital de cette ville. Après de brillantes études universitaires, elle fait ses débuts artistiques dans la danse qu’elle enseigne aux enfants. Elle publie un premier recueil de poèmes en 2009 aux éditions Écrits des Forges : Dans le lit du fleuve.  Un second recueil : De ce côté-ci du mystère, a vu le jour chez Carte Blanche à Montréal en juillet 2011.   « Pouvoir m’émerveiller, dit-elle, fonde mon regard sur le monde. Saisir l’insaisissable grâce à l’écriture est l’acte par lequel je côtoie le mystère partout présent… »

Dans le lit du fleuve : un hymne au Saint-Laurent

ILivre LitL’une des caractéristiques de la poésie de Natalie Henripin dans cet ouvrage, c’est l’unité de ton exprimée par son titre même. Celui-ci, Dans le lit du fleuve, est la synthèse parfaite et délibérée de la démarche de l’auteure. Ce lit du fleuve, en l’occurrence Le Saint-Laurent, qu’elle ne quitte que pour s’envoler en compagnie des oiseaux familiers qui le fréquentent et des nuages qui s’y reflètent, est d’ailleurs plus qu’un titre, c’est une invitation au lecteur à faire corps avec l’esprit des eaux et l’environnement granitique du cours d’eau, constitué par les rochers qui le démarquent et le jalonnent, telles des notes dansantes de musique sur une portée turbulente. Et le premier texte, Muraille scintillante, donne d’emblée la tonalité générale et particulière de l’œuvre : une métaphore cosmogonique, filée jusqu’à l’extrême, sans déviation ni éparpillement.

Inébranlables, elles avancent,
le conduisent en majesté
quand il revient balayer les cendres de nos pas
en couchant devant nous sa muraille scintillante…

Et cette muraille, bien qu’elle ne soit point minérale, puisqu’elle désigne dans ce poème précis l’avancée majestueuse du chemin qui marche, (c’est ainsi, précise l’auteure en note, que les Amérindiens désignaient le fleuve), auquel nous devons révérences et salutations, préfigure symboliquement la récurrence et la permanence sous-jacente de ces visages de pierre qui pointent leur fief à la crête de l’ombre avant d’être submergés par la montée des eaux, pour apparaître à nouveau quand s’amenuisent les fluides et se meut la lumière.

rochers rognés

« Autant de fois l’eau les ravit,
autant de fois brille leur beauté. »

Regard émerveillé, élévation mystique 

La précision et l’originalité des images de Natalie Henripin, le choix et l’agencement des mots, leur couleur, leur musicalité, leur objectivité transcendée, témoignent de la perspicacité du regard émerveillé qu’elle porte sur les éléments. Mais bien plus qu’un regard neutre proposé au lecteur, c’est à la perception de la signification métaphysique des épousailles mystérieuses du minéral et de l’aquatique, du ciel et de la terre, du végétal et de l’aérien, de l’ombre et de la lumière, du mouvant et de l’immobile, qu’elle nous convie :

Toi l’épousée,
reçois en tes eaux,
de l’envoûtement des astres,
l’irrésistible attrait.
Accorde-leur la pérennité d’une danse lointaine
au vertige giratoire
de leurs cœurs aimantés
de fournaise et d’étain…

À quoi servirait en effet de se contenter de décrire si précisément, de photographier, la réalité des éléments et leurs corrélations secrètes ou leurs interactions dévoilées, si aucune élévation du cœur et de l’âme ne nous était sinon imposée du moins suggérée à travers la spontanéité d’élans méditatifs, à la limite du mysticisme ?  L’expression poétique chez Natalie Henripin ne se contente pas de dire la réalité, visible ou cachée, elle la transfigure en nous projetant corps et âme au plus profond de son intimité. Car pour elle nous sommes aussi cette réalité. Nous en faisons partie et nous contribuons à la créer par le regard et par le verbe et ce faisant, nous nous modelons  nous-mêmes à son image et faisons corps avec elle.

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« Prête-moi ce jardin d’eau ensommeillée,
la pierre qui se tait en son milieu,
la marée dormante du grand corps replié… »

Avec la constance du jardinier,
éblouie par l’exubérance des mutations,
je lance encore une fois vers le bassin
la poudre scintillante d’un poème,
en réponse aux arrachements successifs
de ce qui vieillit et meurt sans retour.

Ainsi, du début à la fin du recueil, nous sommes, grâce au talent et à la subtilité expressive de l’auteure, en connivence permanente avec ces éléments, et leur évocation, légère et dense à la fois, leur unité de ton et d’essence, aux accents persiens, mais sans envolées oratoires excessives, est sans conteste le signe que nous sommes en présence d’un talent poétique indéniable que ne renieraient ni Gaston Bachelard ni Francis Ponge.

Une poésie solaire

"Jusqu'à l'extinction du soleil, détachées de la course des eaux enluminées en trames serrées pulsent les lucioles."

« Jusqu’à l’extinction du soleil,
détachées de la course des eaux enluminées
en trames serrées pulsent les lucioles. »

Perceptible unité de ton, de thème et de style, mais aussi, autre caractéristique fondamentale, aspiration sans équivoque à la lumière. La poésie de Natalie Henripin est paradoxa-lement, dans ce recueil, d’essence solaire. Le fleuve et son lit de labour, élément aquatique par excellence, bien que personnage central et lieu géométrique de l’expression poétique, sert non seulement de miroir à la clarté du ciel, mais en est le révélateur, pour ne pas dire le générateur essentiel.

Peu de poèmes en effet sans une allusion implicite ou explicite à la lumière : depuis le scintillement du premier tableau en passant par les substantifs aussi nombreux qu’évocateurs : éclats, flambée, phares, feu, lueur, lumière, soleil, astres, fournaise, étoile, incandescence, braises, étincelles, clarté… et les adjectifs ou verbes : éclairer, lumineuses, étoilés, radieux, ensoleillé, solaire, lactée, aveuglantes, briller, nacrés…

Peut-être qu'il ne guette rien

« Cet ange veille…
Peut-être qu’il ne guette rien. »

Éclaboussé de pépites solaires,
le héron fait un pas sur la braise.
Flamme sombre surgie des profondeurs,
cet ange veille.
Au bas de sa robe un remous.
Dominant le courant, 
peut-être qu’il ne guette rien.

La poésie certes ne se résume pas aux seuls vocables utilisés, mais leur présence sémantique récurrente signe une dominante qui définit l’intention consciente ou inconsciente de l’auteure, dominante que renforce ici, et amplifie par contraste, le très riche champ lexical de l’ombre et de l’obscur.

oiseau rognée

« En te regardant réunir tes forces pour l’envol,
j’ai rêvé prendre ta place, m’élever enfin… »

Eau et feu, ombre et lumière, hauteur du regard et fugacité du flux, légèreté du nuage et dureté statique du granit, vol de l’oiseau et enracinement de la pierre, tantôt découverte, tantôt submergée…  tels sont, entre autres, les constitutifs intrinsèques et symboliques de notre humanité. À ce titre, la poésie de Natalie Henripin n’est pas qu’un simple hommage aux éléments, c’est aussi et surtout un hymne implicite à cette humanité. Une humanité authentifiée et sublimée par l’éblouissant et exceptionnel talent d’une poétesse émerveillée.

Raymond Joyeux

Cette chronique revue, corrigée et illustrée pour la circonstance, a été initialement publiée sur un site ami en mars 2012.

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Le 2 novembre à Terre-de-Bas : une fête du lambi très réussie

affiche rognée

L’affiche de la manifestation

Rassemblement et convivialité

L’Association des Marins-Pêcheurs Saintois, l’AMPS, a organisé le samedi deux novembre à L’Anse des Mûriers de Terre-de-Bas, sa première Fête du Lambi.

Malgré le mauvais temps persistant sur les Saintes et le Sud Guadeloupe en cette période de la Toussaint 2013, les organisateurs de cette manifestation inaugurale ont bien fait de la maintenir car, comme par enchantement, les trombes d’eau qui s’étaient abattues sans discontinuer sur nos îles  au cours des trois jours précédents avaient miraculeusement cessé, et c’est sur la plage et sous le soleil revenu que s’est déroulée cette grande fête fraternelle autour du lambi.

Une foire culinaire appréciée

Une foire culinaire  particulièrement appréciée – Ph R.Joyeux

Occasion rêvée de rencontre et de convivialité, la manifestation a réuni avec succès les originaires de nos deux communautés autour d’un programme culturel et festif équilibré, alternant concours de pêche, exposé documentaire, foire culinaire et animation musicale assurée par les DJ SPYCKO et PATBO… La navette Bleu Azur, mise à disposition pour la circons-tance, a assuré le transport des participants entre les deux îles, de 9h 30 à 23 heures, relayée par des embarcations privées, tenues, comme à chacune de ces occasions exceptionnelles, de respecter les règles de navigation et de sécurité en mer.

Des bénévoles omniprésentes

Pour le service : des bénévoles omniprésentes – Ph R.Joyeux

À la Pentecôte : jusqu’en 2008, une fête unitaire de la Pêche et du Poisson

Cette Fête du Lambi de la Toussaint 2013, si elle était la première du genre, n’est cependant pas la seule manifestation autour des activités et produits de la mer à mettre au compte des marins-pêcheurs saintois. Depuis 10 ans en effet, l’AMPS organise chaque année, alternativement à Terre-de-Haut et à Terre-de-Bas, la grande Fête de la Pêche, des Pêcheurs et du Poisson, étalée sur les trois jours du week-end de la Pentecôte.

Georges PINEAU  Président de l'AMPS

Georges PINEAU
Président-Fondateur de l’AMPS

Créée en 2002, et ayant à sa tête le toujours très actif et sémillant Georges PINEAU, l’AMPS réunissait à l’origine l’ensemble des professionnels des deux communes, Terre-de-Haut et Terre-de-Bas. Pendant 6 années consécutives, tout a parfaitement fonctionné dans cette unique association, aussi bien concernant la défense des intérêts des pêcheurs des deux îles que dans l’organisation des diverses et communes manifestation

Quand « la politique » s’en mêle

Malheureusement, après les Municipales de 2007, le maire fraîchement réélu de Terre-de-Haut a vu d’un très mauvais œil l’influence, supposée en sa défaveur, de l’union des pêcheurs de sa commune avec ceux de Terre-de-Bas, influence qu’il considérait comme néfaste à son avenir politique.  Dans ce puissant secteur professionnel, pourvoyeur de voix potentielles en vue d’élections cantonales et régionales, il a purement et simplement décrété la création d’une Association de Marins-Pêcheurs parallèle, n’englobant que ses seuls partisans de Terre-de-Haut. L’AMPTH était née, sous l’égide de la mairie. C’est ainsi que la politique, mal comprise et devenue une maladie, au lieu de les rassembler, divise les hommes qui ne demandent qu’à s’unir pour mieux vivre ensemble et défendre leur profession et leurs intérêts.

Au Royaume d’Ubu :
 deux fêtes concurrentielles de la pêche aux mêmes dates 

Dès lors, à partir de 2008, ce sont deux Fêtes de la Pêche qui sont organisées chaque année aux Saintes le week-end de la Pentecôte, mais chacune de son côté, par les deux Associations concurrentielles de marins-pêcheurs. L’une bénéficiant des subventions, des infrastructures et de la logistique de la municipalité : personnels, chapiteaux, sonori-sation, lots de tombola… tout un ensemble de moyens qui logiquement devraient être également répartis ;  l’autre, voyant ses demandes systématiquement rejetées par la mairie, obligée de ne  compter que sur ses propres moyens matériels et financiers.

Affiche de l'AMPS et celle de l'AMPTDH

Affiche de l’AMPS à gauche et de l’AMPTH

Dans ces conditions, et si rien ne change d’ici là, gageons qu’à la Toussaint 2014, avec l’appui sélectif et le concours de la mairie de Terre-de-Haut, l’AMPTH organisera elle aussi sa propre fête du lambi que clôturera comme à la Pentecôte un feu d’artifice, aux frais des contribuables toutes tendances confondues !

Refus tardif et sans appel

Lettre du maire refusant toute contribution communale à l’AMPS Doc. G. Pineau

Lettre du maire refusant
toute contribution communale à l’AMPS
Doc. G. Pineau

« Vous sollicitez différents moyens et matériels sur lesquels il m’est difficile de me prononcer dans la mesure où, vous ne pouvez l’ignorer, se tient aux mêmes dates une autre manifestation à laquelle la commune apporte son concours. »

C’est en ces termes que le maire de Terre-de-Haut affiche froidement sa position discriminatoire dans une lettre  reçue par l’AMPS  le 8 avril 2013, soit quatre mois après sa demande de janvier.

Mais ne boudons pas notre plaisir d’aujourd’hui par des considérations négatives, même si certains se demandent combien de temps il faudrait encore attendre pour voir s’instaurer dans nos communes saintoises, et chez certains élus en particulier, une mentalité et des comportements faisant honneur à la devise républicaine inscrite pourtant au fronton de nos mairies : Liberté, Égalité et surtout Fraternité.

Immeuble communal  abritant les bureaux de l'AMPTDH

Immeuble communal
abritant les seuls bureaux de l’AMPTH

Pour mémoire : L’Union Fraternelle des Marins-Pêcheurs de 1934 

Livret de 1934 ayant appartenu à P.E. Joyeux

Livret syndical de 1934 ayant appartenu à JOYEUX Paul-Émile – Doc R. Joyeux

Rappelons, pour clore cette chronique,  que bien avant l’AMPS, bien avant l’AMPTH, existait aux Saintes, voilà bientôt 80 ans, un Syndicat de Marins-Pêcheurs dénommé L’Union Fraternelle. Bien que créé à Terre-de-Haut en 1934, ce syndicat englobait déjà l’ensemble des professionnels de la mer des deux îles. Terre-de-Bas étant à l’époque peu pourvue en inscrits maritimes, l’article 3 de ses statuts stipulait cependant :

« Le syndicat a pour but de s’apprêter à la défense de ses adhérents, d’aider ceux qui chôment, de fournir à ses membres des renseignements professionnels par des publications et des conférences, de resserrer les liens de confraternité entre tous ses membres par le travail. »

Qu’ ajouter de plus à cela ? Sinon qu’aujourd’hui, au lieu de nous permettre d’avancer, il arrive (trop souvent) que certains responsables, imbus de leur pouvoir discrétionnaire, nous fassent, par intérêt personnel, délibérément reculer !

R. Joyeux

Fête de la Pêche au Pain de Sucre organisée par l'ASMPS en 2013

Fête de la Pêche au Pain de Sucre organisée par l’AMPS – Pentecôte 2013 – Ph R.Joyeux

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La Toussaint : un triple événement pour les Saintes

imagesLa découverte du 4 novembre 1493

La période de la Toussaint devrait être pour les Saintois l’occasion de célébrer un triple événement. L’anniversaire tout d’abord de la découverte de notre Archipel par Christophe Colomb voilà 520 ans cette année, la fête des Saints ensuite, la commémoration enfin de nos semblables défunts.

Si le premier de ces trois événements est généralement passé sous silence, nous n’apprendrons rien à personne en rappelant que c’est à son deuxième voyage que Christophe Colomb, parti de Cadix le 25 septembre 1493, aperçut la Désirade, après 21 jours de navigation depuis les îles Canaries ; puis Marie-Galante et la Dominique le dimanche 3 novembre 1493. Et c’est au matin du lundi 4, qu’il baptisa notre petit Archipel Los Santos en se rapprochant de la Guadeloupe proprement dite pour y faire reposer ses équipages. Nous étions en l’octave de la Toussaint et le nom se féminisa par la suite en se francisant, d’où : Les Saintes.

La fête de tous les Saints

FRa Angélico1423_24 Les précurseurs du Christ

Fra Angelico : L’assemblée des Saints
1423 – 1424

Quant aux deux autres événements, respective-ment célébrés chaque année le 1er et le 2 novembre par les catholiques, chacun sait que ce sont deux fêtes religieuses établies par l’Église de Rome aux 8ème et 10ème siècles. La première, codifiée par le pape Grégoire IV pour honorer les Saints et Martyrs, la seconde instituée en 998 par  Saint Odilon, abbé de Cluny,  pour commémorer les fidèles décédés.

Cimetière pologne rognée

Cimetière illuminé en Pologne

La célébration des morts

Si les traditions varient d’un pays à l’autre, voire d’un cimetière à l’autre, quant à la manière d’honorer les morts en rénovant et en fleurissant par exemple les tombes avec tel ou tel type de fleurs, l’usage de les illuminer, s’il n’est pas universel, n’est pas non plus l’exclusivité des Antilles et encore moins des Saintes. Dans beaucoup de pays de par le monde, la tradition de l’illumination est bien établie, comme le montre la photo ci-dessus d’un cimetière polonais un soir de premier novembre.

Le petit cimetière de Terre-de-Haut

Tombe d'autrefois rénovée

Tombe d’autrefois rénovée

Pour revenir aux Saintes, il faut bien se rendre à l’évidence : le petit cimetière de Terre-de-Haut autrefois renommé pour ses modestes tumulus de sable, entourés de conques de lambis, remplacées chaque année en cette période, a perdu depuis longtemps son cachet et son originalité. S’il subsiste encore quelques rares sépultures traditionnelles, typiquement saintoises, régulièrement entretenues par les familles des défunts, la quasi totalité des tombes d’aujourd’hui sont des caveaux de béton qui ne présentent en soi aucun intérêt culturel ou esthétique, même si les guides touristiques persistent abusivement à recommander une visite du lieu, pour, prétendent-ils, « son pittoresque et son caractère unique exceptionnel », ce qui reste à prouver aujourd’hui mais qui était parfaitement vrai autrefois.

Caveaux de béton actuels

Caveaux de béton actuels

Les tombes de marins

Ce qui fait néanmoins l’intérêt de ce cimetière devenu trop petit, mais chaque année rénové et embelli par le nettoyage, la peinture et la remise en état des tombes et des allées, c’est le fait que pas moins de vingt-huit matelots et officiers de tout grade de la Marine nationale française y ont été inhumés entre 1838 et 1941, à une époque où les navires de guerre français faisaient escale aux Saintes et y étaient bienvenus.

Mémorial des marins décédés

Mémorial des marins décédés

Un monument en leur mémoire est édifié qui porte leurs noms et l’année de leur décès. Quant aux tombes elles-mêmes de ces marins morts et enterrés aux Saintes, on peut en répertorier aujourd’hui une petite douzaine pour la plupart surmontées d’une plaque de cuivre gravée, souvent difficilement lisible, d’une croix en bois ou d’une stèle de pierre mentionnant généralement leur identité, leur qualité, leur grade, leur région d’origine parfois,  la date exacte et la cause de leur décès.

En cette année 2013 on ne peut que se réjouir de constater qu’un réel effort ait été accompli pour relever quelques-unes de ces tombes, désensabler les sépultures enfouies, entourer certaines de conques, repeindre les pierres tombales ou les stèles, allant même parfois, par excès de zèle,  jusqu’à cacher sous la peinture blanche la marque tricolore barrant le haut de leur croix.

Illuminations à Terre-de-Haut Ph R.Joyeux

Illuminations à Terre-de-Haut
Ph R.Joyeux

En attendant que les sépultures de ces marins soient totalement réhabilitées et leurs occupants parfaitement identifiés, les photos qui suivent sont un modeste hommage rendu à leur mémoire.

Tombe de marin

Tombe du Quartier-maître torpilleur LE GALLOU Paul
décédé aux Saintes en 1897

Tombe d'un marin inconnu

Un marin inconnu

Pierre tombale rénovée

Pierre tombale désensablée et rénovée

Et pourquoi ne pas imaginer qu’un jour on réunisse dans un carré qui leur serait réservé les restes et les tombes éparpillées de ces militaires ? Ce serait tout à l’honneur des autorités saintoises, et Terre-de-Haut se réconcilierait ainsi avec la Marine nationale qui a tant servi l’Archipel et ses habitants par le passé. Mais peut-être aussi qu’en les laissant mêlés  aux sépulcres de la population, on perpétue les liens qui les unissaient aux gens du pays. Cette idée n’est pas non plus finalement à rejeter ! À vous, lecteurs, de donner votre avis et d’exprimer vos suggestions.

R.Joyeux

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