À l’heure où l’actuel maire de Terre-de-Haut remplace l’ancien Président Hilaire Brudey (photo ci-contre) comme délégué régional au sein du CTIG (Comité du Tourisme des Îles de Guadeloupe), il nous est apparu opportun de présenter ici un document paru en 1990 sur le tourisme aux Saintes, intitulé « Quel tourisme pour les Saintes » et publié dans le Journal L’IGUANE de l’époque. Journal dont Hilaire Brudey fut un moment le directeur de publication, et qui reste au plan mémoriel une référence historique en même temps qu’une source inépuisable d’informations et de réflexions sur la gouvernance de nos deux territoires insulaires que sont Terre-de-Haut et Terre-de-Bas. Rappelons que les 28 numéros de ce journal parus entre 1989 et 1992 ont été déposés en double exemplaire à la Bibliothèque Nationale et sont aujourd’hui consultables aux Archives départementales de la Guadeloupe… en attendant qu’une édition en un volume de cet ensemble journalistique vienne offrir aux Saintois un pan inestimable de leur mémoire collective.
Tourisme pour tous et hôtel cinq étoiles
Apparemment antinomiques, «tourisme pour tous et hôtel cinq étoiles » sont les deux concepts énoncés publiquement par le nouveau délégué régional au tourisme de Guadeloupe dès sa prise de fonction au CTIG le 29 février dernier. Concepts qui semblent constituer la base de la politique touristique qu’il souhaite mettre en œuvre, tout en déclarant vouloir « consolider », selon ses propres termes, les acquis comptabilisés en ce domaine. (Allusion sous-entendue, donc sans oser le dire clairement, à l’excellent travail fait par son prédécesseur à la présidence du Comité). On imagine cependant que ces deux orientations majeures n’intéressent pas particulièrement l’archipel saintois puisque, de toute évidence, nos compatriotes insulaires participent déjà amplement à leur niveau au développement de cette industrie lucrative qu’est le tourisme, et qu’un établissement cinq étoiles serait mal venu sur notre territoire. Car compte tenu de son exiguïté et de l’absence d’attraits structurels significatifs comme la présence d’un casino, de magasins de luxe, d’activités culturelles, sportives ou de loisirs susceptibles d’intéresser les visiteurs les plus fortunés, on se demande comment et où cet hôtel 5 étoiles pourrait être implanté. Aussi, pour donner au nouveau délégué régional au CTIG quelques pistes sur la façon d’envisager la question du tourisme aux Saintes, voici l’article que publiait l’IGUANE il y a 26 ans et qui reste, à notre avis, plus que jamais d’actualité.
Réalité et perspective
Le tourisme est avec la pêche (nous sommes en 1990) l’un des moteurs économiques essentiels du développement saintois. Il s’ensuit que c’est une activité qu’il convient de cerner et de contrôler avec la plus grande maîtrise pour éviter, d’une part, l’anarchie et l’emballement du système, et prévoir, d’autre part, les structures d’accueil suffisantes et satisfaisantes pouvant d’abord servir à la population résidente.
Or, malgré les nombreuses déclarations d’intention de la part des responsables communaux, aucune volonté réelle, cohérente et réfléchie, n’a été définie et mise en œuvre sur le plan municipal en ce domaine. Seules la réputation géographique et les initiatives individuelles de promotion, d’accueil et de prestations ont permis jusqu’à présent une certaine expansion du tourisme à Terre-de-Haut et le maintiennent au niveau relativement correct que nous connaissons aujourd’hui. En tout état de cause, une politique touristique sérieuse, concertée et active, devra, à notre sens, tourner autour de trois axes essentiels :
1 – Le respect de l’identité saintoise
En évitant le piège de la rentabilité à outrance qui dénature les mentalités, faisant de l’âpreté au gain la motivation première des comportements ; en développant les qualités naturelles d’accueil et d’amabilité ; en privilégiant le sens des rapports humains excluant agressivité et sauvagerie.
2 – La sauvegarde et l’amélioration de la qualité de la vie
Par la conduite d’actions concrètes tendant à conserver et à accentuer ce qui a toujours fait l’attrait principal des Saintes : le calme, la tranquillité, la sécurité et le grand air. (Et ce n’est pas en laissant s’installer l’anarchie en matière de circulation motorisée, polluante et sonore, qu’on y arrivera). Par la création de structures adaptées de loisir et de détente susceptibles d’apporter un plus à la population mais aussi d’attirer et de retenir le visiteur. Rien, jusqu’à présent n’a été fait à Terre-de-Haut en ce domaine.
3 – La protection et l’aménagement de l’environnement
Comment sauvegarder la qualité de la vie dans un milieu comme le nôtre si on ne prend pas garde de protéger d’abord l’environnement ? Cette politique volontariste implique dans un premier temps le rejet impératif de tout projet d’implantation de grands complexes hôteliers inadaptés à l’échelle de nos îles minuscules, et incompatibles avec le style de tourisme et de clientèle recherché. Il convient donc de favoriser d’une part, pour aujourd’hui et pour demain, un tourisme familial avec hébergement si possible chez l’habitant, sans création supplémentaire d’hôtels que ce soit sous forme de bungalows individuels ou d’immeubles collectifs, et de réfléchir, d’autre part, à la promotion d’un tourisme de croisière, en prévoyant pour les bateaux de passage un certain nombre de services qui feraient de Terre-de-Haut une destination d’agrément doublée d’une escale technique de réparation et de ravitaillement.
Mais protéger l’environnement c’est aussi l’aménager, l’entretenir et l’embellir en instaurant une campagne permanente de propreté, de salubrité, de décoration florale, sans oublier l’aménagement efficace et discret des plages et sites, de sentiers de découverte des milieux forestiers et géologiques, mais aussi des espaces marins et sous-marins.
Conclusion
Favoriser et développer le tourisme aux Saintes, ce n’est pas entreprendre la transformation radicale ou insidieuse des modes de vie traditionnels et du milieu naturel. C’est au contraire préserver ce qui fait le particularisme humain, historique et géographique de nos îles. C’est d’abord et surtout mettre à la disposition de la population non seulement un outil de travail, mais tous les éléments d’un mieux-être social, économique, culturel et sportif dont profiteraient naturellement les visiteurs, les incitant à rester plus longtemps chez nous et à y revenir régulièrement.
Et aujourd’hui ?
Depuis la parution de cet article en 1990 dans l’IGUANE, il convient de préciser que de sérieux progrès ont été réalisés en de nombreux domaines aux Saintes pour mieux accueillir et retenir les touristes. En matière de promotion par exemple, avec la création d’un Office Municipal du Tourisme bien organisé et du CTIG sur le plan régional. Deux organismes dont le travail conjugué d’information à grande échelle, aussi bien à l’occasion de salons internationaux que sur Internet, semble porter ses fruits. En matière de transport maritime également des initiatives privées offrent actuellement une réelle facilité d’accès à l’archipel avec des horaires étalés et des conditions de navigation rapide et modernisée. D’autre part, la propreté du bourg s’est nettement améliorée et la commune offre globalement aux visiteurs une image bien plus attrayante. Une exception de taille cependant : la prolifération anarchique d’engins motorisés à fort indice de pollution atmosphérique et sonore, mettant à mal la sécurité des piétons et la tranquillité légendaire de notre île. Seule pour l’instant Terre-de-Bas échappe à cette fatalité. Gageons qu’à l’avenir, tout sera mis en œuvre par le nouveau délégué régional au CTIG dont l’un des objectifs annoncé est de « consolider l’image de la Guadeloupe » et de ses îles dont les Saintes constituent indéniablement, touristiquement parlant, l’un des fleurons les plus appréciés.
Raymond Joyeux
Hôtel 5 étoiles ? Pour Mr le nouveau président du CTIG, voir la conclusion de cet article….tout est dit !