Sécheresse

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Composé en avril 2005, ce recueil paru en mars 2008 est une combinaison de textes de Raymond Joyeux et de photographies en noir et blanc d’Alain Joyeux.
Textes et photos ayant été réalisés séparément, à des dates différentes, sans volonté commune de les réunir, les poèmes ne sont donc pas une simple illustration des images.
S’il arrive que certaines correspondances paraissent évidentes au lecteur, ce ne peut être que par l’unique jeu du hasard. Hasard qui témoigne d’une perception le plus souvent similaire, par des moyens et procédés différents, de la même réalité vécue et partagée :

la sécheresse à Terre-de-Haut.

Attente

L’air vitreux
attise
en secret
la crémation du large
en prévision
des joutes
de septembre.
Les terres
assoiffées
font provision
de bailles
et de calbombes.
Les prélarts
ruminent leur impatience
à l’étal des intempéries.
Toute sécheresse a son avers
Les trombes
qui transitent
à la douane de mer
accréditent l’adage.

                       

J’ai lu
Sécheresse
de Raymond Joyeux

Il est, parait-il, deux Sahel.
Le plus connu est ce désert de feu, où planent la mort et la désolation, où
chaque pierre, et les sables, en millions d’escarboucles, semblent s’être
donné pour tâche d’absorber, d’épuiser le soleil lui-même.

Il est un autre Sahel, où l’eau profonde et cachée permet, quand les paysans
véritables la câlinent, cajolent et doucinent, l’épanouissement de vastes
prairies, certes fragiles, où paissent encore de vastes troupeaux.
Il est aussi, de par le monde, plus ou moins vastes, des rejetons de ce Sahel-
là, d’autant plus aimés qu’est perçue leur précarité.

Telle est cette « Haute Terre », dont est issu le poète Raymond Joyeux, fils
de Terre de Haut, ce grain d’un archipel de rêve, les Saintes, au sud-est de la
Guadeloupe.

Raymond Joyeux nous livre ces jours-ci un nouveau recueil de cette œuvre
poétique qu’il développe depuis de longues années, où mûrit et s’approfondit
une pensée, une vision belle et profonde.
« Sécheresse » en est le titre lapidaire.

Nulle dureté, nulle insensibilité pourtant dans cette succession de trente
poèmes, autant de pierres infiniment précieuses, exhumées d’une terre qui ne
livre ses trésors qu’à ceux qui l’aiment, dans sa pudeur, et dans son vouloir-
vivre deviné derrière son voile de pudeur un peu sèche.

« Point de source
sur cette terre calcinée
mais le sel
qui nargue la soif
aux fontaines bréhaignes ».

Le désert n’est pas qu’un lieu de mort et de mélancolie. Il est aussi le lieu
du ressourcement d’âmes d’élite, fuyant la réplétion des outres gonflées
d’emphase et de fausses richesses. De Foucauld, les Pères du désert.

Cela, Raymond Joyeux ne le dit pas. Nulle prédication, nul prêchi-prêcha
dans son dire. Mais une suggestion non dite, parmi tant d’autres possibles,
toujours en altitude.

On sent que sa Terre de Haut est moins le débarcadère aux touristes en quête
de verroterie que les hautes terres où vont en file indienne les chercheurs de
sources pures :

« Les porteuses d’eau
en file indienne
transpirent à petites gouttes
sous le paillis saumâtre
de leur seau ».

   Ou bien encore :

 « A force d’anhéler
l’iguane
au miroir sans tain de la mare
ne reconnaît plus le peigne édenté
de sa crête ».

Qui donc oserait désormais évoquer la prétendue aridité des Saintes qui
engendrent de telles pépites, un tel sourcier ?
Il n’y a pas seulement plusieurs variétés de déserts. Il y a aussi pluralité de
paternité.

Celle d’abord qui engendre selon la chair, estimable, précieuse, mais
commune, et somme toute facile. Celle ensuite, et surtout, qui engendre
selon l’esprit : Raymond qui « genuit » Alain.

Alain, fils de Raymond, diplômé des Beaux Arts de Lyon, et en art thérapie
est partout présent dans « Sécheresse ».

D’abord parce qu’il l’enchâsse d’une préface, et d’une postface dense et
brillante, aussi parce que chaque poème du père est accompagné d’une
photographie, par le fils, de la terre maternelle saintoise.

Les uns et les autres, les poèmes et les photographies, furent pensés, conçus,
séparément, sans concertation.

D’où vient qu’elles consonnent si bien, sinon parce que la transmission
« tradere » (transmettre → tradition !!)  s’est faite dans la joie, le respect des
idiosyncrasies personnelles, et… la réussite. Dans le commentaire du fils,
derrière l’objectivité voulue, on n’a point de peine à entrevoir le respect, et
l’affection. Toujours cette pudeur discrète dont se voilent la Haute Terre et
ses rejetons qui en ont reçu l’âme.

Photographies d’abord prises en couleurs, mais dont le choix du noir et blanc
pour la publication me paraît tout à fait congruent à ce que j’ai cru entrevoir
de cette oeuvre si attachante.

Edouard Boulogne.

 

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