Quitter les Saintes…

ÉLÉVATION

Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,

Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l’onde,
Tu sillonnes gaiement l’immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.

Photo Raymond Joyeux

Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;
Va te purifier dans l’air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.

Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l’existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d’une aile vigoureuse
S’élancer vers les champs lumineux et sereins ;

Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
– Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes !

Charles Baudelaire, Les fleurs du mal

Publié par Raymond Joyeux
le Jeudi 4 avril 2024

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6 commentaires pour Quitter les Saintes…

  1. Charneau Monique dit :

    très beau texte, rempli de vérité j’adore. 👏🏼👏🏼👏🏼

  2. Alain Joyeux dit :

    Belle ôde de C.Baudelaire…

    Le grand âge, à peine entamé Insuffle t il cette élévation au voyageur paré ?

    • raymondjoyeux dit :

      Il faut être toujours ivre. Tout est là : c’est l’unique question. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve. 

      Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous. 

      Et si quelquefois, sur les marches d’un palais, sur l’herbe verte d’un fossé, dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l’ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l’étoile, à l’oiseau, à l’horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est ; et le vent, la vague, l’étoile, l’oiseau, l’horloge, vous répondront : « Il est l’heure de s’enivrer ! Pour n’être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous ; enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. » Baudelaire, Le Spleen de Paris, XXXIII

  3. Liliane CORBIN dit :

    Nostalgique, Raymond ?

  4. Ch . J dit :

    . . . Hum . . . Cela me dit kek choses . . . 🤔

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