Je propose à votre méditation cette chronique d’Alain JOYEUX publiée sur sa page Facebook et reproduite ici avec l’autorisation de l’auteur.
Une réalité préoccupante pour une population : un cimetière en friche….
Cette attention fleurie en couronnement d’un morceau cassé et profané d’une vierge sur un tas de détritus est pourtant touchante. Elle montre qu’il reste sans doute un peu de foi, de charité et d’espérance chez quelques un(e)s malgré l’asphyxie de tous ces objets superflus qui encombrent nos vies (et nos morts), qui nous submergent jusqu’à la nausée et dont nous ne savons que faire.
Le cimetière, lieu de souvenirs individuels et de mémoire collective, lieu public de recueillement pour chaque membre de la communauté, lieu sacré qui devrait être l’objet d’une attention constante et d’un entretien impeccable, propre à générer un sentiment de sérénité, malgré (et justement) la gravité du face à face avec le mystère de l’existence, quelles que soit les croyances ou les confessions, le cimetière et sa tenue montre ainsi un reflet des vivants et de leur époque.
Pour les historiens et archéologues, les rites, pratiques et monuments funéraires sont, pour chaque culture ou civilisation, les meilleurs témoins de leur spécificité et d’une certaine « qualité de vie ».
Le Cimetière de Terre-de-Haut, jadis célèbre pour ses tombes ornées de conques de lambis, fut empreint pendant longtemps de simplicité et de poésie marine. Cette image est cependant devenue une icône révolue pourtant encore vantée dans les guides touristiques (dont témoignent encore quelques tombes vestiges, « palais d’anolis » ).
Il est aujourd’hui devenu un lotissement aux concessions accordées – ou pas – à tête du client (il faut être du bon côté de l’urne pour en obtenir une rapidement !), bâti de mausolées à l’architecture cubique, aux carrelages de salle de bain, orné de fleurs de plastique. Ce choix esthétique serait-il une image fidèle de l’époque que nous traversons ?
Jusqu’à peu, ce lieu sacré restait en tout temps bien entretenu et pimpant, « propre » au recueillement. Que signifient alors ce délabrement actuel, ces poubelles débordantes et ces murs écroulés, ces bancs défoncés, ces tas d’immondices, ce jardin d’éternité laissé en friche, ces chantiers ni finis, ni nettoyés ?… Serait-il simplement à l’image de ce que vit actuellement cette communauté ?
Cette dernière se serait-elle toute entière orientée à courir sans répit vers le profit à court terme, construisant à la hâte des maisons tape à l’œil, coulées dans le béton et sans souci de finition à l’image de ses tombeaux ?
Où sont passées les belles maisons saintoises pimpantes et riantes de couleurs, fleuries et accueillantes ?… Il y a en a encore une ici ou là ! Remercions ces résistants de la vie belle ! Ce souci de la beauté encore préservée par quelques un(e)s est un véritable acte de charité et de générosité pour notre humanité blessée.
L’on peut se désoler de voir laissé ce cimetière au naufrage de son époque, abandonné, mais peut-il en être autrement lorsque l’on regarde les vivants ?
Qu’ avons nous abandonné de si important ?
Encore heureux que, parmi les vivants, quelques « bien-veillants » discrets aillent encore porter dans ce jardin de mémoires, notre cimetière communal, quelques fleurs vivantes en couronnement d’une divinité sacrifiée…
Ernesto Che Guevara a dit : « En terre opprimée, même les morts ne trouvent pas le repos »… De quelle oppression s’agit-il ici ?
Citer quelques vers empruntés à Raymond Joyeux est ici à propos pour terminer cette chronique :
CIMETIÈRE
Là tes fils sont couchés
On dirait qu’une lame
Immense depuis l’Est
Les a tous alignés
On dirait qu’une étrange
Et pâle solitude
Du profond de la mer
Les a tous enivrés
Comme un blême linceul
Le sable les recouvre
Et l’ombre de leur croix
À jamais dessinée
S’ouvre éternellement
Impuissante et sublime
Et c’est pour chaque tombe
Un mât déguenillé
Et les fleurs par instant
Rappellent encor au vent
Que leurs tiges brûlées
Que leurs pétales en deuil
Ont un jour parfumé
Au retour de la pêche
leurs cheveux aujourd’hui
À la terre mêlés.
Là tes fils sont couchés
Et leurs belles joyeuses
Au bras d’un fiancé
Ne vont plus le dimanche
Sur leur bouche fanée
Recueillir un baiser.
Elles ne pleurent plus
Comme à l’enterrement…

Pierre tombale ancienne au cimetière de Terre-de-Haut : lieu de souvenirs individuels et de mémoire collective.
Pour mémoire : ce texte d’Alain JOYEUX et le poème cité ont été publiés sur son Facebook le 9 mai 2016. Les photos sont de l’auteur.
Très émouvant !
Très triste réalité
Entièrement d’accord fleurs plastique état de délabrement poubelles débordantes …
Vraiment dommage!
Terre de Haut oubli ces anciens au profit du,,,,,,,,, profit.
Heureusement certain résiste.
Il fut un temps où un agent communal était affecté en permanence à l’entretien journalier du cimetière. C’était à la fin des années 60, et durant toutes les années 70-80. La propreté et la beauté du lieu faisaient honneur non seulement à la commune mais à nos défunts dont les sépultures étaient toujours propres et fleuries. Les temps semblent changer toujours hélas en moins bien. Et pourtant ce ne sont pas les employés communaux qui manquent à Terre-de-Haut.
Je suis l’auteur seulement de la premiere photographie de l’article publié. Les autres, très à propos du texte, ne sont pas de moi…
Alain, je ne voulais pas mettre mon nom sous les autres photographies. J’aurais dû préciser « des auteurs » : texte et poème.
Alain, je viens de passer 6 semaines aux saintes et j’ai vu tant de naufrages dans tous les coins et recoins de Terre de Haut mais également tant de naufragés. La liste serait trop longue et les réparations futures auront un prix vertigineux que ce soit affectif ou financier. Jamais je n’ai vu notre île dans un tel état de délabrement. C’est le déclin !!!
Bonjour à tous, je reviens un peu sur les coquettes maisons de Terre de Haut et pose la question suivante : Avez vous constaté que depuis l’obligation d’avoir un architecte pour construire, on aboutit à une architecture , comme le mentionne Raymond, sans esthétique et caractérisée par le béton à tout va. Tu en veux du béton en voilà !!!