Bains de mer…

LA MER QUI GUÉRIT

Alors qu’une pétition circule en France (et aux Saintes) pour demander aux autorités d’assouplir les conditions de confinement, en autorisant la population d’accéder aux plages et aux sports nautiques, avec la liberté de se baigner en mer à partir du 11 mai, tout en respectant les mesures de distanciation pour faire barrage à la propagation du Covid-19, je vous propose, légèrement modifiée et complétée, cette chronique publiée en novembre 2014 sur les bienfaits des bains de mer. Les extraits qui suivent sont tirés du livre de Daniel JOUVANCE intitulé Au nom de la mer, paru aux Éditions Robert Laffont il y a quelques années mais qui reste plus que jamais d’actualité. Extraits suivis d’un texte de Paul Morand tiré de son livre Bains de mer…

jouvance

En quatrième de couverture de cet ouvrage que, parmi d’autres, tout amoureux de la mer devrait lire et posséder, l’auteur écrit :  » On peut tout attendre de la mer. Elle a le pouvoir de guérir et d’apporter aux hommes un nouveau plaisir de vivre… Le message de la mer est de solidarité, de courage et de loyauté. La mer rapproche les hommes. Au tournant des temps que nous atteignons, il est indispensable de prêter attention à son message. »
Message de solidarité nécessaire à entendre en effet et à mettre en pratique chez nous comme ailleurs. On le constate  concrètement  à l’occasion du nettoyage des plages et des fonds marins entrepris régulièrement par des bénévoles aussi bien aux Saintes qu’en Guadeloupe. Nettoyage qui permet de sauvegarder au mieux ce précieux élément que nous, insulaires, avons la chance et le privilège d’avoir à portée de main. Car c’est seulement en en prenant le plus grand soin que nous pourrons en retour profiter de tous ses bienfaits. Comme nous le rappelle Daniel JOUVANCE dans son historique de l’hydrothérapie marine.

Depuis l’Antiquité

La première allusion au pouvoir guérisseur de la mer remonte à Platon – quatre siècles avant notre ère. Le philosophe, malade, suivit une cure d’eau de mer conseillée par des prêtres égyptiens. Il guérit. Ce qui permet de penser que les vertus de l’eau de mer étaient connues dans le delta du Nil au temps des Pharaons. Hippocrate, père de la médecine, recommandait de chauffer l’eau de mer. On peut le considérer comme le fondateur de la thalassothérapie. Ce n’est que 21 siècles plus tard, en 1750, que l’on enregistra un regain d’intérêt pour l’eau de mer. Responsable : le médecin anglais Richard Russell. On pensait alors surtout aux vertus du climat littoral. À Berck, en 1850, fut fondé le premier hôpital pour enfants « rachitiques et scrofuleux ».

79308416baigneuses-d-apres-picasso-jpg (1)

Les baigneuses – Pablo Picasso – Musée Picasso Paris

 La base de la vie

En 1906, René Quinton publia L’Eau de mer, milieu organique, et présenta sa théorie, solennellement, à l’Institut : la vie de la cellule n’est possible que dans certaines conditions qui sont l’existence d’un milieu aquatique marin, la concentration saline de ce milieu. Il posa les bases de la « loi de constance marine ». Il fut acquis désormais que l’eau de mer était à la base de la vie – et pouvait aider la vie. À Roscoff, au début du siècle, le Dr Louis BAGOT créa un établissement d’hydrothérapie marine, où il soignait les rhumatismes, certaines maladies de la femme, l’anémie, etc. avec de l’eau de mer. Des établissements analogues s’ouvrirent au bord de la Mer du Nord et de la Baltique. En Allemagne, on donnait de l’eau de mer à boire à certains malades. Bientôt apparurent les aérosols (pulvérisations) qui soignent les voies respiratoires.

Plage de Grand'Anse à Terre-de-Haut- Photo Alain Joyeux

Plage de Grand’Anse à Terre-de-Haut- Photo Alain Joyeux

La parenthèse des deux guerres mondiales

Entre les deux guerres mondiales, l’intérêt pour les cures marines faiblit – bien que les travaux de Quinton aient inspiré de nombreux chercheurs. C’est une période où triomphèrent les chimiothérapies. Pendant la dernière guerre, l’institut de Roscoff fut transformé en dépôt de munitions. Après la Libération, il accueillit des malades ou des accidentés, parmi lesquels le populaire champion cycliste Louison BOBET, dont la rééducation fut si brillante qu’il décida de créer son propre institut. Ce fut l’occasion de médiatiser la thalassothérapie qui, avec ses nouvelles méthodes de soin, mérite tous les jours ses lettres de noblesse. L’eau de mer, les algues, le plancton, le phytoplancton, etc., font aujourd’hui l’objet d’analyses très pointues et on découvre, non sans un certain émerveillement, l’étendue de leur pouvoir thérapeutique.

mer-alex

« La mer, la mer, toujours recommencée » (Paul Valéry) – Photo Alexandre Joyeux

La recherche continue

On en est à la troisième génération des centres de cure marine. Les traitements sont de plus en plus spécifiques, les méthodes de soins ne cessent de se perfectionner. La connaissance des végétaux et actifs marins a enrichi l’arsenal des thalassothérapeutes, ouvrant même des perspectives médicales nouvelles en dermatologie, dans le traitement des insuffisances organiques, des maladies nerveuses, respiratoires, la prévention des accidents cardiaques, etc. Les molécules marines s’avèrent des alliées précieuses et efficaces dans le domaine de la beauté. La recherche continue : en matière de santé et de beauté, la mer a encore beaucoup à nous offrir.

Vague - Ph. Henri Migdal

Vague – Ph. Henri Migdal

La transminéralisation

Comme disent les dermatologues, la peau a de multiples fonctions organiques. Elle est une ombrelle pour s’opposer aux effets néfastes du soleil ; elle est également un parapluie pour nous rendre imperméables. Elle est cette interface entre nous et le monde extérieur et est plus tolérante qu’on ne veut le penser… En réalité la peau est perméable, même si elle assure notre isolement corporel fondamental. C’est un véritable filtre. Un filtre « intelligent » même, puisqu’il sélectionne les substances dont le corps a besoin. Le professeur Daniel (USA) a démontré que la peau était capable de recharger de façon sélective l’organisme en sels minéraux et particulièrement en oligoéléments. L’immersion marine est l’occasion pour le corps de capturer les éléments dissous dans l’océan. La thalassothérapie n’est pas seulement l’occasion d’une simple baignade, avec le plaisir ludique que cela représente ; il s’agit de se ressourcer, de raviver sa« mer intérieure »... Un bain de mer, un enveloppement d’algues, une eau marinisée, un cosmétique riche d’océan ressourcent naturellement nos cellules, notre sang, notre vie qui, rappelons-le cent fois, est née de la mer. Il ne faut pas l’oublier. Notre corps et sa peau, eux, savent naturellement se souvenir de notre maternité marine.

Plage Alain

Précieuse miniature d’Alain Joyeux – 14cmx6 – sur feuille de bananier séchée. 

Texte complémentaire :
extraits de Bains de mer de Paul Morand – Lausanne 1960

« L’eau de mer a des vertus souveraines. Le plongeon nettoie les fosses nasales, les cautérise, les assainit… On ingurgite aujourd’hui l’eau de mer comme une eau thermale ; des pur-sang, j’ai pris la voluptueuse habitude de me frotter de sable chaud, ce que les anciens Grecs nomment ammochosie ; mon chien, le l’ai imité en mâchant des algues. Si le bain trop froid est mauvais pour la partie dorsale où passe le nerf sciatique, il est décongestionnant pour la face antérieure car il fouette nos régions molles, viscérales ; c’est pourquoi je choisis de tremper à fleur d’eau, sur l’extrême bord du rivage ou dans les mares, entre les rochers, le ventre immergé, le dos au soleil…. Dans ma jeunesse, je restais interminablement dans la mer, chaque brasse joignant l’autre, nageant d’une plage à une baie voisine, allant visiter, au large, des bateaux bien étonnés de me rencontrer loin du rivage et qui s’offraient à me hisser à bord ; ma mère, effrayée de voir ma tête n’être plus à la surface qu’un point à peine discernable, s’était accoutumée à ces disparitions du ludion insubmersible qu’était son fils, et qui duraient des heures. Je préfère aujourd’hui les bains courts et fréquents, plusieurs dans la journée, pendant la canicule, semblables aux brusques plongeons des phoques et des ours blancs, suivis d’un séchage au soleil. Cela suffit pour se sentir bien dans sa peau, to be on deck, comme disent les marins anglais.  Les bains de mer chauds sont réjuvénateurs…. »

Pour finir en poésie avec Saint-John Perse 

Ainsi louée, serez-vous ceinte ô Mer, d’une louange sans offense.
Ainsi conviée serez-vous l’hôte dont il convient de taire le mérite.
Et de la Mer elle-même il ne sera question, mais de son règne 
au cœur de l’homme :
Comme il est bien, dans la requête du Prince, d’interposer
l’ivoire ou bien le jade
Entre la face suzeraine et la louange courtisane.
Et de salutation telle serez-vous saluée
Ô Mer, qu’on s’en souvienne pour longtemps
Comme d’une récréation du cœur.
(Amers, Éditions Gallimard)

******

En espérant que les pétitionnaires obtiennent gain de cause et que bientôt les plages seront ouvertes aux baigneurs, je souhaite à tous de garder patience et de se protéger
des virus, quels qu’ils soient.

plage-rognc3a9e-copie-ret-1

Plage du Fond Curé à Terre-de-Haut- Ph. Raymond Joyeux

Posté par Raymond Joyeux, le mercredi 29 avril 2020

Cet article a été publié dans Uncategorized. Ajoutez ce permalien à vos favoris.

2 commentaires pour Bains de mer…

  1. Jules Nora dit :

    Cc Raymond je me ferai un réel plaisir de te lire après le sport et une bonne douche ! Je suis impatiente de découvrir ton nouvel article ! Gros bisous à tous !

    Envoyé de mon iPhone

    >

  2. Dario dit :

    Bonjour Raymond, c’est certain que l’eau de mer procure des bienfaits à tous les êtres mais faut-il encore que l’eau de la baignade ne soit pas polluée par les staphylocoques !!!!! Une analyse de cette eau de baignade serait bienvenue aux saintes actuellement.
    Bon 1er mai

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s