Une nouvelle publication aux Ateliers de la Lucarne

Nautiques

Paysages

J’ai le plaisir de vous informer de la parution de mon nouveau recueil de poèmes intitulé Nautiques (Paysages). Il comprend en tirage limité une trentaine de textes inspirés de lieux-dits de Terre-de-Haut qui figurent sur une carte au début de l’ouvrage et reproduite ci-dessous.

Document5Avant propos

Hommage aux lieux-dits adulés de mon île natale, comme autant de jalons toponymiques d’une enfance heureuse, ces textes ne sont pas de simples illustrations des paysages évoqués dans ce recueil. Ils ne procèdent donc pas, à la manière objective de la photographie, de l’unique perception visuelle ou géographique, bien qu’ils s’y réfèrent de façon immédiate. Ma démarche a consisté à m’inspirer librement de données géologiques, historiques, sociologiques au sens large de ces termes, et bien entendu psychiques au sens où le sentiment exprime ici ce qui reste du vécu intime de tout individu. Vécu qui façonne à son insu son imaginaire et sa sensibilité. Le présent se mêle ici au passé pour traduire une révolte pas toujours implicite face aux saccages volontaires imposés à la terre impuissante mais qui prendra à coup sûr sa revanche à plus ou moins long terme. Le cadre de l’enfance, omniprésent, a le plus souvent conditionné le choix du vocabulaire et des procédés métaphoriques, indissociables des images conscientes ou inconscientes, mais toujours spontanées, générées par la mémoire. C’est en ce sens qu’il conviendra d’appréhender les éventuelles hésitations d’interprétation qui pourraient surgir ici ou là de l’emploi de termes que le langage ordinaire a relégués aux oubliettes, se délestant ainsi imprudemment d’un bagage précieux qui faisait avec d’autres sa richesse et sa précision.

L’élément déclencheur

Pour ceux qui s’intéressent à la poésie, qui en sont passionnés et qui vont jusqu’à tenter, et parfois publier, l’exégèse d’une œuvre, sans doute, pour éviter de fausses interpré-tations, souhaiteraient-ils connaître de l’auteur lui-même, le point de vue sur la question. C’est ce que je vais tenter de faire ici.

***

TDH pour Nautiques - copie (2)Comme la plupart des rêves, une œuvre littéraire (poétique ou romanesque) naît très souvent d’un élément déclen-cheur. C’est le cas pour ce présent recueil. C’est en observant un tableau chez une amie que j’ai eu l’idée d’écrire les poèmes de ce recueil. Ce tableau, de petites dimensions, mais très coloré, aux larges traits hachés, représentait un paysage. Un paysage typique, connu de moi depuis toujours, prétendait mon amie, mais que je n’arrivais ni à reconnaître ni à situer. Pour la simple raison que les contours et l’aspect général en étaient tellement stylisés, tellement simplifiés, que sans l’aide de mon hôte, j’aurais été incapable de le reconnaître. Et pourtant, c’était bien le Pain de Sucre de Terre-de-Haut, mon île natale, qui était représenté sur ce tableau. Mais pour en être sûr et le retrouver sans équivoque, il m’avait fallu faire une reconstitution mentale. À partir du souvenir très précis que j’en avais et les lignes déstructurées du tableau présent sous mes yeux, j’ai établi une correspondance et l’évidence m’est subitement apparue. Alors que j’avais en face de moi une reproduction non pas de la réalité objective, telle que tout un chacun peut l’appréhender directement et comme l’aurait fixée une photographie, mais une déconstruction totale du sujet, j’avais remis, par le biais de la mémoire, les lignes et les couleurs à leur place et l’avais reconstruit. Cette déconstruction-reconstruction est la définition même de la poésie. Et à ce titre, il convient de rendre hommage au peintre Didier Spindler-  (http://didierspindler.com) – d’avoir su, magistralement dans le cas présent, mettre en œuvre ce principe.

Bois joli 2

Le Pain de Sucre – Dessin d’Alain Joyeux

À partir de là, m’est venue l’idée de tenter d’élaborer une poésie à l’image de ce tableau. Des textes courts le plus souvent, avec un sujet précis en titre et un sous-titre résumant la représentation mentale globale que j’avais de chacun de ces sujets au moment de leur composition. Le développement fournissant au lecteur des éléments pour lui permettre de reconnaître – ou de découvrir – le paysage en question, tels que l’imagination, le vocabulaire et le ressenti de l’auteur l’interprètent et le traduisent. L’effet recherché étant avant tout la surprise, sans le titre qui le met d’emblée sur la voie de la reconnaissance, l’égarement du lecteur peut être total ou presque. S’ensuit pour lui une nécessaire reconstruction du sujet-paysage s’il accepte de faire abstraction dans un premier temps de sa propre représentation, afin de la reconstruire au fur et à mesure de sa lecture, et de la retrouver au final en confrontant le texte à la mémoire qu’il a de la réalité objective du sujet.

rade bleue

GA

La démarche est loin d’être évidente d’autant plus qu’un vocabulaire inhabi-tuel peut à tout moment le dérouter ou le mettre dans l’embarras quant à la signification des termes utilisés et leur rapport avec le sujet du poème. Mais sitôt cette barrière franchie, on peut supposer que le lecteur, comme pour une œuvre picturale, procède à une reconstruction de la même nature que celle mise en œuvre pour la reconnaissance d’un tableau abstrait comparé à ce que le peintre a représenté ou voulu représenter.

Dans l’avant-propos du recueil, j’ai justifié l’emploi de la sémantique, des images et des métaphores, regrettant que des termes qui peuvent paraître précieux aujourd’hui aient déserté la langue au profit d’un vocabulaire plus banal, moins précis, alors qu’ils traduisent parfaitement, et plus poétiquement à mes yeux, la réalité qu’ils évoquent. C’est en fin de compte au lecteur de faire l’effort de s’informer, via le dictionnaire, de leur exacte signification, sans cependant se démarquer trop souvent de la linéarité du poème.

À côté de l’importance donnée à la séman-tique et aux images, la plupart de ces textes mettent en lumière l’aspect mémoriel, historique et sociologique des paysages décrits. Évoquer par exemple Petite Anse et oublier ce qu’a été autrefois ce site, aussi bien du point de vue écologique qu’humain, serait négliger l’essentiel de ce que représentait autrefois pour les Saintois ce lieu mythique d’explorations halieutiques et de bains enjoués d’enfants dans le bassin des sœurs. Enfoui aujourd’hui sous le béton inerte et impersonnel d’une place, l’estran de la Petite Anse ne parle plus qu’aux anciens et la réalité de ce qu’il a été pour nombre de générations disparaîtra fatalement avec le temps. D’où la nécessité d’un rappel ne fût-ce que par le biais d’un texte poétique, aussi maladroit qu’il puisse paraître. Et ainsi des poèmes comme Morel – Pavillon – Grand-Îlet – La Coche – Bois Joli… etc, qui ne se contentent pas d’en évoquer simplement la géographie mais aussi, par allusion, l’impact historique que ces hauts lieux de l’enfance ont imprimé dans la mémoire collective, impact inconnu le plus souvent des jeunes générations.

***

Poésie de l’insularité, les textes de Nautiques se veulent comme une modeste contribu-tion à la re-connaissance et à l’éloge de notre exceptionnel environnement. S’ils réveillent chez le lecteur le sentiment légitime d’appartenance à cet environnement et suscitent chez lui un infime tourbillon d’émotion et de curiosité, ils auront rempli leur rôle. Un tourbillon  d’émotions, à l’image même de l’île qui, selon la poétesse bretonne Denise Le Dantec (1), « s’apparente à la génération circulaire. La spire qu’elle manifeste résulte de la contrainte des éléments et de leur violence : tout tourne sous l’effet de la rotation de la houle, mêlant à la transparence marine une clarté atténuée, presque violente, qui la charge d’ombre. D’autres éléments se rencontrent, dans leurs mouvements contraires, qui élargissent le regard. »

1 – Denise Le Dantec – L’estran – Autour d’Île Grande – Éditions Flammarion mars 2002

Spire – Alain Joyeux – 2018

Nautiques a été imprimé chez Speedyprint en mai 2018 – Immeuble Orlando – Jarry  –
97122 –  Baie-Mahault (Guadeloupe)
Illustrations et logo : Alain Joyeux

Pour toute information sur le recueil, contacter l’auteur : raymondjoyeux@yahoo.fr

Raymond Joyeux – 21 Juin 2018

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2 commentaires pour Une nouvelle publication aux Ateliers de la Lucarne

  1. Dario dit :

    Bonjour Raymond, pourrais-tu me réserver un exemplaire STP ?

  2. Duval Michel dit :

    Pour apprécier toute la profondeur de ce récent recueil de poèmes de R.Joyeux, il faut tout d’abord se munir d’un « Petit Robert » ou équivalent, pour « traduire » certains mots totalement français mais peu utilisés aujourd’hui.

    Fidèle à son habitude, l’auteur est en effet d’une érudition stupéfiante dans le choix des mots de ses poèmes, qu’il cisèle avec affection et délectation, comme un amateur d’objets anciens pénétrant chez un antiquaire !

    Ce recueil est un peu une autobiographie où il nous révèle les différentes étapes de sa vie, heureuse ou tourmentée, illustrées par les lieux-dits de l’île qui l’ont inspiré le plus ;

    -son immense respect pour la nature omniprésente, source de vie (avec un clin d’œil à Courbet !), forteresse rassurante, souvent dangereuse (la mer et ses tempêtes), avec ses mystères (cathédrale engloutie aux portes de l’enfer), son passé et son présent géologiques violents ;

    -son enfance merveilleuse sur l’île, qui lui appartenait alors totalement, avec ses rochers-îles-refuges accessibles à lui seul, la nostalgie du paradis perdu, ou plutôt de l’enfance perdue qui ne reviendra jamais ;

    -l’exil forcé et terrible, la douleur de voir son île se dégrader inexorablement sous ses yeux, le sentiment que nous ne la méritons pas en la détruisant. Lui faudra-t-il venir, tel Frémonville, sauver son île-Caroline, la libérer de sa prison ?

    -malgré tout, le recueil se termine sur une note d’espoir : la noblesse et la beauté de l’île sont encore présentes dans quelques lieux préservés, y faisant revivre l’éblouissement de l’enfance.

    J’aurais quelques questions :
    -la « Petite Anse » se situe-t-elle à l’actuelle « Colline » ou au « Plan d’eau »?
    -la « Chapelle » et le « Jardin à la Vierge » se situent-ils à l’actuel « Fonds Curé » (qui aurait été détruit selon certains récits par un tsunami venant de Figuier ?), ou à l’actuel « Calvaire » et église du village ?
    -le « Pavillon » se situe-t-il à l’ancien « Pré Cassin » ?
    -où se situent la « Roche des Mauves » et la « Maison Blanche » à Marigot « ?
    -y-a-t-il eu jamais un chien à la Coche, ou bien est-il imaginaire ?
    -y-a-t-il eu déjà un faucon gerfaut sur l’île (c’est plutôt un oiseau du Grand Nord), et des « éperviers de mer » ?
    -quelle est cette « amazone aphteuse » ?
    -pas trouvés dans le Petit Robert les mots : flangue, ranelle, vrieg, tègue, zavé, marginelle.

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