Un document historique exceptionnel : le manuscrit du premier syndicat saintois

1905 : création du premier syndicat de marins-pêcheurs aux Saintes

Dans une chronique datée de novembre 2013 intitulée Terre-de-Basune fête du lambi réussie, j’avais évoqué la création en 1934 du syndicat des Marins-pêcheurs de Terre-de-Haut L’Union fraternelle. En réalité ce n’était pas le premier du genre créé aux Saintes. Le 17 décembre 1905, voilà donc bientôt 110 ans, nos pêcheurs avaient senti le besoin de se rassembler et de s’unir pour défendre leur profession. Je vous présente en effet, en exclusivité, l’original du manuscrit des statuts de ce que l’on peut considérer aujourd’hui comme étant le tout premier syndicat des marins-pêcheurs ayant vu le jour dans notre île.

Syndicat ret 2 - copie 2

En 18 articles rédigés en un français parfait, et une calligraphie particulièrement travaillée, nos aînés avaient défini les règles de leur association dont l’objet comme indiqué ci-dessus consistait en « l’étude et la défense des intérêts économiques de ceux qui exercent la profession de pêcheurs et qui donneront leur adhésion à la société. » Initialement prévue pour les seuls marins-pêcheurs de Terre-de-Haut, l’association, lors de sa séance plénière du 25 novembre 1906 – soit un an après sa création – vote une modification de ses articles I – V et X pour ouvrir ses portes aux professionnels de Terre-de-Bas, Petites Anses et Grande Anse, formant chacune une section au sein du syndicat, lequel se donne alors pour titre : Syndicat des marins-pêcheurs.

Syndicat 3

Malheureusement, le document, s’il indique bien la composition du bureau – Président, Vice-Président, Secrétaire, Trésorier – celle-ci n’est pas nominative. Nous trouvons néanmoins la signature du Président et du Secrétaire au bas des statuts, respectivement Messieurs P.François CÉLESTINE et LAROTTE. Ce dernier patronyme, qui a disparu chez nous, serait apparenté à la famille Jacques. Quant à celui de Célestine, il est bien représenté à Terre-de-Haut par les descendants directs de ce P. François, qui ne doit pas être confondu avec son homonyme, François Célestine, vraisemblablement son petit-fils, lui-même fils d’Yves Célestine qui fut conseiller municipal sous Eugène Samson, de 1963 à 1971.

Syndicat 2 rogné

Le syndicat de 1934

Livret de 1934 ayant appartenu à P.E. Joyeux

Livret de 1934 ayant appartenu à P.E. Joyeux

Bien que l’ayant déjà présenté, comme mentionné, en novembre 2013, voici reproduite à nouveau ci-contre la couverture du livret syndical de L’Union fraternelle, association des Marins-Pêcheurs de Terre-de-Haut datant de 1934, livret ayant appartenu à mon grand-oncle, Paul-Émile Joyeux, l’un des deux vice-présidents de l’époque. Ce syndicat, ayant sans doute plus de moyens que celui de 1905, avait fait imprimer ses statuts en bonne et due forme à Pointe-à-Pitre et contient la composition nominative du bureau.

Dans l’ordre, Il s’agit de messieurs :

– Benoît CASSIN, président
– Paul-Émile JOYEUX et Bermont QUINTARD, vice-présidents
– René SAINT-FÉLIX, secrétaire
– Gerville JACQUES, secrétaire adjoint
– Léon BELMONT, trésorier
– Émilien AZINCOURT, trésorier adjoint
– Joseph FRAGILE, assesseur
– Joseph VINCENT, assesseur
– Iréné AZINCOURT, assesseur.

Bureau syndicat ret

Deux de ces patronymes ont disparu depuis à Terre-de-Haut, il s’agit des familles BELMONT et FRAGILE. Les autres ont tous des descendants encore vivants aux Saintes. Comme le premier syndicat, L’Union Fraternelle incluait également dans ses sociétaires les marins-pêcheurs de Terre-de-Bas, sans pour autant prendre le titre de Marins-pêcheurs saintois. À noter, en 1905, le droit d’entrée et la cotisation mensuelle sont chacun de 0,50 centimes, alors que 30 ans plus tard, inflation sans doute oblige et la guerre de 14-18 étant passée par là, le droit d’entrée est porté à cinq francs et la cotisation mensuelle à 2 francs (de l’époque, bien entendu !)

Pour mémoire : aujourd’hui, deux associations rivales

Aujourd’hui, contre toute logique, il existe aux Saintes deux associations de marins-pêcheurs qui ont banni de leur titre le terme de syndicat : l’Association des Marins-Pêcheurs Saintois, regroupant les professionnels de Terre-de-Haut et de Terre-de-Bas, dénommée l’AMPS, créée en 2002, en dehors de toute obédience politique, ayant à sa tête M. Georges PINEAU ; et l’Association des Marins-Pêcheurs de Terre-de-Haut, l’AMTH, n’incluant comme son nom l’indique que les pêcheurs de cette commune, créée en 2007 pour des raisons politiques, à l’initiative du maire – qui, rappelons-le, est agent douanier et non marin-pêcheur -, et présidée par M. Félicien BÉLÉNUS. Si bien qu’à la Pentecôte de chaque année, les Saintois ont droit à deux fêtes simultanées de la pêche, organisées par l’une et l’autre des associations, en deux lieux différents…

Pécheurs de Terre-de-Bas préparant leur senne- début 20e siècle.

Pécheurs de Terre-de-Bas préparant leur senne- début 20e siècle.

En conclusion, si nos aînés du siècle passé avaient le sens de l’union et de la fraternité, certains de nos responsables d’aujourd’hui auraient plutôt celui de la discorde et de la division. L’histoire saintoise des mentalités, non seulement ne se répète pas mais évolue à l’évidence dans le mauvais sens. C’est, malheureusement, selon nous, la triste leçon à tirer de la réalité comparée d’hier et d’aujourd’hui. Benoît CASSIN, président du syndicat de 1905 et P.François CÉLESTINE, celui de 1934, doivent se retourner dans leur tombe respective.

Pêcheurs ravaudant leurs filets - Plage de Petite Anse

Pêcheurs de Terre-de-Haut ravaudant leurs filets – début 20e siècle

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11 commentaires pour Un document historique exceptionnel : le manuscrit du premier syndicat saintois

  1. Daniel BRIDE dit :

    Merci Raymond pour cette page d’histoire des Saintes méconnue par beaucoup y compris moi le premier. Un grand encouragement dans tes recherches .
    Daniel BRIDE

  2. dario dit :

    Bravo Raymond pour cette recherche, comme tu le soulignes c’est bien dommage de voir l’évolution des mentalités aujourd’hui.
    Dario

  3. Marie-José GARAY dit :

    Oui, il est toujours bon de se remémorer le temps passé surtout lorsqu’il peut rectifier les mauvaises directions prises aujourd’hui….. L’unité serait tellement profitable..

  4. alain thouret dit :

    Passionnants ces faits historiques dans lequel tu y a ajouté un peu de généalogie. Il y a 110 ans les gens s’organisaient pour se défendre et il y avait de quoi faire.J’ai eu l’occasion de participer à la fête de la pêche à Terre de Bas, une superbe journée. Dommage que votre élu/voyou ne brise cette unité.

  5. raymondjoyeux dit :

    L’enlèvement de Rose

    À propos du patronyme LAROTTE, secrétaire du syndicat de 1905, j’ai pu glaner quelques précisions chez mon cousin et ami Félix FOY, source inépuisable de souvenirs et d’informations sur les Saintes d’autrefois et Terre-de-Haut en particulier. Voici ce que Félix m’a raconté, sauf omission ou méconnaissance, m’a-t-il précisé, de sa part.

    M. LAROTTE, dont Félix a oublié le prénom, était originaire de Terre-de-Bas mais avait élu domicile à Terre-de-Haut où il exerçait la profession de marin-pêcheur. À cette époque, une famille bourgeoise, grands propriétaires terriens de Capesterre, les De FRÉMONT, se rendaient régulièrement en villégiature à Terre-de-Haut avec leur fille Rose.

    LAROTTE et Rose De FRÉMONT se rencontrent et tombent amoureux l’un de l’autre. Mais la famille de Rose est opposée à cette union. Qu’à cela ne tienne, LAROTTE et ses amis pêcheurs se rendent en canot à Capesterre et enlèvent ni plus ni moins la jeune fille consentante à la barbe de ses parents qui, par dépit, vendent tous leurs biens et s’embarquent pour la métropole. Le mariage de Rose et de Larotte aura lieu quelques jours plus tard aux Saintes.

    De leur union naîtront deux filles, Événide et Louise. Événide va épouser Octave JACQUES, douanier et géniteur de tous les JACQUES de Terre-de-Haut dont Gerville, le trésorier du syndicat de 1934 et petit-fils de LAROTTE.

    Quant à Louise LAROTTE, elle va épouser Léon JULES. Mais, avant son mariage, elle aura de mon grand-père Jean-Marie JOYEUX, une fille prénommée Rachelle, qui épousera André FOY. Rachelle était donc ma tante (demi-sœur de mon père) et la mère de notre ami Félix FOY, avec qui je suis cousin par grand-père commun interposé… Vous suivez ? Jean-Marie JOYEUX n’ayant pas reconnu Rachelle, celle-ci va prendre le patronyme de JULES, nom de famille du mari de sa mère, Léon, qui va la reconnaître.

    Si bien qu’en fin de compte les JULES, les JOYEUX, les FOY et les JACQUES de Terre-de-Haut, pour ne citer que ceux-là, sont apparentés à des degrés divers à ce M. LAROTTE, secrétaire en 1905 du premier Syndicat des marins-pêcheurs, comme indiqué sur la dernière page des statuts.

    Concernant l’Union Fraternelle créée en 1934, mon propre père, Joubert JOYEUX en deviendra le président de 1939 à 45… Pour la petite histoire, je dois mon prénom Raymond à un officier gaulliste de la Marine Nationale de la Jeanne d’Arc, Raymond CLAYSSEN, responsable du matériel, avec qui mon père était en relation et qui fournissait clandestinement au syndicat matériel et engins de pêche à distribuer aux adhérents. (La Jeanne d’Arc, aux ordres de Vichy, était alors consignée à Pointe-à-Pitre et les Saintois, dont beaucoup sont partis en dissidence, étaient partisans du Général De Gaulle…)

  6. raymondjoyeux dit :

    Le père Georges MAGLOIRE, premier prêtre saintois, originaire de Terre-de-Bas, – 1901- 1982 -, précise dans ses mémoires qu’à la mort de son père en 1904, sa mère a obtenu en 1905 ou 1906, du Syndic des Gens de Mer basé à Terre-de-Haut, une petite pension de 30 francs pour veuve et orphelin de marin. Je suppose que ce Syndic était celui dont nous publions ci-dessus les statuts. Ce qui confirme bien que la solidarité à cette époque n’était pas un vain mot.

  7. Dario dit :

    Bonjour Raymond, j’apporte quelques précisions sur la Famille LAROTTE, Il faut distinguer
    Louis Victor LAROTTE •Né le 24 octobre 1854 – Les Saintes Terre de Haut
    •Décédé le 18 septembre 1889 – Terre de Haut , à l’âge de 34 ans
    •Secrétaire municipal et commissaire de police adjoint
    Il a eu 5 enfants :
    Louis Germain Hilarion LAROTTE 1872-
    Erotis Marie Hermance Isménine LAROTTE 1874-
    Paul Emile LAROTTE 1877-1925
    Louise Marguerite Elvire LAROTTE 1882-
    Marie Mathilde Germaine Lémoza LAROTTE 1884-1948

    Le syndicat de pêche datant de 1905 je pense donc que c’est Paul Emile LAROTTE qui a rédigé les statuts son père étant déjà décédé.
    Rose FREMONT a épousé Louis Victor qui était Secrétaire municipal et commissaire de police adjoint. Mais Louis Victor est décédé très jeune à l’âge de 34 ans (le 18/09/1889).
    Mon arrière Grand mère Isménine a épousé Jean dit Octave JACQUES.
    Louise Marguerite Elvire était la petite sœur d’Isménine.
    Il n’y a pas eu d’enfant nommé Evénide mais bien Isménine (j’ai une photo d’elle que m’avait donné mon grand père Jean. Son prénom est inscrit au verso).
    Paul Emile était écrivain municipal mais je présume que cela signifie Secrétaire de mairie !!!! D’où cette jolie calligraphie.
    Pour terminer le père de Louis Victor se nommait Germain LAROTTE et il était charpentier de marine à Terre de Haut , d’où le prénom Louis Germain le 1er fils de Louis Victor.

  8. raymondjoyeux dit :

    Un grand merci, Dario, pour toutes ces intéressantes précisions. Sur l’origine des patronymes saintois, sans doute connais-tu le livre de Jouveau Dubreuil que l’on peut se procurer à l’adresse suivante :
    https://www.ghcaraibe.org/livres/ouvadh/berantille.html
    Patrick Péron le cite très souvent et c’est mon cousin Bernard Molinié, féru de généalogie, qui m’a communiqué ce lien. J’ai l »intention de me le faire envoyer cet été à mon adresse de métropole.
    Pour mon dernier ouvrage : Nautiques, bien évidemment je te réserve un exemplaire. Je connais ton intérêt pour mes modestes écrits et sais surtout que chez les grands scientifiques comme toi bat un cœur de poète…

  9. raymondjoyeux dit :

    Dario, enfant je n’ai aucun souvenir de ton arrière-grand’père Octave, mais j’ai bien connu ton arrière-grand-mère qu’on appelait « Man Jacques ». C’était une toute petite femme qui ne sortait pas beaucoup et arpentait sa maison avec une canne. Nos deux maisons étant contiguës, nous nous y rendions souvent. En décembre nous allions chanter Noël sous la conduite de Graziella, ta grande tante. Avec ton père Robert, et un de ses cousins Gérard Théophile qui venait en vacances, j’ai beaucoup de souvenirs dans cette maison. Pour aller dans les chambres qui donnaient sur la rue, il y avait des marches depuis la partie basse qui était en réalité un grand couloir au bout duquel se trouvait la cuisine. Une des chambres servait de dépôt de matériel pour la Belle Saintoise. La porte d’entrée de ce couloir se situait latéralement par rapport au rivage et la maison était protégée de la mer par un mur épais construit obliquement et surmonté de nombreuses fenêtres donnant sur le couloir. Je pense que notre maison qui en réalité appartenait à mon grand-père Jean-Marie Joyeux, était plus ancienne que celle des Jacques. Peut-être que cette dernière a été construite après le cyclone 28 puisque sur une photo datant du début du XXème siècle, on voit très bien notre maison et pas celle de ta famille paternelle. Les murs laissent supposer que l’expérience du cyclone 28 à été mise à profit pour mieux protéger la maison de la montée de la mer.

  10. Bernard MOLINIE dit :

    Bonjour Raymond et à tous,
    Toujours dans les précisions généalogiques de la famille LAROTTE,
    Louis Victor LAROTTE se marie avec Rose FREMONT le mardi 13 octobre 1874 et le maire célébrant celui ci est Jean Pierre LOGNOS. Il est dit dans cet acte que Louis Victor est le fils mineur (19 ans) de Germain LAROTTE et de MARTIAS elise Maine tous les deux décédés en 1872.
    Il est également précisé que les parents de Rose FREMONT sont présents et consentants.
    Louis Victor étant mineur son tuteur est le sieur LAURENT Charles, 34 ans et surveillant du pénitencier, selon acte établi par PAYEN.
    Il n’est pas mentionné la particule de FREMONT mais simplement FREMONT ????
    Rose FREMONT est agée de 25 ans (me semble t-il car l’age est dans la pliure du registre et la numérisation est un peu tronquée).
    Lors de cette célébration les époux ont légitimé la naissance de leur fils Louis Germain Hilarion.
    Les témoins sont ;
    – LOGNOS Jean Isidore,
    – FOY Charles,
    – CELESTINE Eugène,
    – DAMAZY Auguste habitant Capesterre

    Bien cordialement
    Bernard MOLINIÉ

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