Jean-Pierre Lognos, l’oublié de l’histoire des Saintes

Le dernier fantôme
ou la machine à effacer

Bataille des Saintes

Bataille des Saintes : 12 avril 1782

Depuis sa découverte par le navigateur génois Christophe Colomb en novembre 1493,  depuis sa première colonisation par le sieur Du Mé en 1648, depuis le Traité de Paris le 30 mai 1814 qui en déposséda les Anglais, jusqu’à son attribution définitive à la France en 1816, l’archipel des Saintes – baptisé Los Santos par Colomb – a connu par le passé maintes batailles et péripéties ainsi qu’un important lot d’hommes célèbres. Le nom de certains de ces hommes est passé à la postérité alors même que pour la plupart d’entre eux –  Du Lion, Hazier du Buisson, Houel, Rabès, Jean Calot, Fréminville… – beaucoup de Saintois ignorent qui ils étaient et quels hauts faits ils ont accomplis. S’ils ont marqué l’histoire de notre commune et qu’ils méritent d’être honorés en laissant leur nom à une rue ou une place de Terre-de-Haut, c’est sans doute justice, mais que l’on explique au moins à la population qui ils furent et ce qu’ils ont fait pour mériter cet honneur !

Mémorial de la colonisation de Terre-de-Haut   1648-1998

Mémorial de la colonisation de Terre-de-Haut
1648-1998

Concernant la première  prise de posses-sion de Terre-de-Haut par les Français, le 18 octobre 1648, on trouve aux archives de l’évêché de Basse-Terre, une précision en latin fort intéressante, rapportée par le père Jean-Baptiste Du Tertre, religieux dominicain, à propos de cet événement, précision dont la traduction française est la suivante :

« Le R.P. Mathias du Puy, dit de Saint Jean, religieux dominicain, a planté la croix de notre Rédemption dans l’île adjacente à la Guadeloupe qui s’appelle Les Saintes, en compagnie de M. du Mé, ancien commandant, électeur et délégué de la dite île. »  L’alliance en quelque sorte du sabre et du goupillon pour la conquête des Isles !

Armoiries de Terre-de-Haut

Armoiries de Terre-de-Haut

Pour revenir à l’histoire plus récente de l’administration de Terre-de-Haut en tant que collectivité territoriale rattachée au département de la Guadeloupe, nous connaissons tous aux Saintes le nom des maires qui se sont succédé à la tête de la commune depuis 1882 jusqu’à la date d’aujourd’hui. Et nul besoin de consulter les archives pour en retrouver la liste, elle est souvent reproduite régulièrement ici et là dans des brochures officielles ou non et nombre de rues portent leur nom. Encore faudrait-il que les plaques soient de bonne qualité et qu’elles ne s’effacent pas avec le temps, ce qui est souvent le cas. Voici pour mémoire la liste de ces maires successifs :

Liste

Place de la mairie  Terre-de-Bas

Place de la mairie
Terre-de-Bas – Ph. H. Rossignol

Ce que beaucoup de Saintois d’aujourd’hui ignorent cependant, car rien n’existe officiel-lement à Terre-de-Haut pour le leur rappeler, c’est que  jusqu’au 9 août 1882, Terre-de-Haut et Terre-de-Bas ne formaient qu’une seule collectivité administrative appelée Commune des Saintes. Laquelle  ne  disposait donc que d’un unique conseil municipal, constitué pour moitié d’élus de chacune des deux îles, et ayant à sa tête un maire pour les deux communautés. De 1871 à 1882, ce maire avait pour nom Jean-Pierre LOGNOS.

La maison communale se trouvant à Terre-de-Haut, les conseillers de l’île sœur devaient à chaque réunion du Conseil municipal s’y rendre en barque pour prendre part aux débats puis regagner, souvent de nuit, leurs foyers éloignés de Terre-de-Bas. Cette situation ne pouvant que difficilement se perpétuer pour les raisons que l’on imagine, il arriva qu’à l’instigation de Jean-Pierre LOGNOS et à la demande des conseillers de Terre-de-Bas, le conseil municipal des Saintes sollicita officiellement auprès des hautes autorités de l’époque la séparation des deux îles en deux communes distinctes, indépendantes l’une de l’autre, créant ainsi la Commune autonome de Terre-de-Haut d’une part, celle de Terre-de-Bas d’autre part. C’est ce qui advint le 9 août 1882 par décret du Président de la république, Jules Grévy.

emblème terre de bas rogné (Copier)Si à Terre-de-Haut rien ne commémore, ni n’a jamais commémoré cette date historique de la création de nos deux communes saintoises respectives, les responsables municipaux de Terre-de-Bas ont su s’en souvenir puisqu’ils ont fait inscrire la date de la création officielle de leur commune directement sur ses armoiries et ont tout naturellement baptisé la Place de la Mairie Place du 9 août 1882.

Mais qui était Jean-Pierre LOGNOS ?

Victor Lognos - 1884-1958 arrière petit-fils de J.P. LOGNOS

Victor Lognos – 1884-1958
petit-fils de J.P. LOGNOS
Archives familiales

Cordonnier de son état, Jean-Pierre LOGNOS était né le 25 avril 1812 à Saint Nazaire-de-Ladarez, près de Béziers. Arrivé en Guadeloupe à l’âge de 27 ans, il s’installa d’abord au Mont-Carmel de Basse-Terre avant d’élire domicile à Terre-de-Haut, au quartier de Petite-Anse. Le 11 mai 1841, il épousa aux Saintes Marie-Antoinette DÉHER qui lui donna 7 enfants, dont Casimir André qui occupa le poste de gardien-comptable du Lazaret de l’Îlet à Cabris jusqu’en 1909. Succédant à un certain Desnoyers, il fut élu maire en 1871 et dirigea la commune des Saintes jusqu’au 9 août 1882, date à laquelle il laissa la charge municipale à Charles FOY, lequel devint premier maire de Terre-de-Haut. À l’origine de la création de notre commune, Jean-Pierre LOGNOS, dont aucune rue, place ou impasse à Terre-de-Haut ne porte le nom, mourut à son domicile le 27 mai 1891, à l’âge de 79 ans. Et, à moins d’un sursaut mémoriel de reconnaissance collective et de gratitude, il restera sans nul doute l’éternel oublié de l’histoire des Saintes et singulièrement de Terre-de-Haut.

Mais qu’importe après tout
une plaque qui s’effrite ou s’efface
si l’histoire reste l’histoire
et qu’aujourd’hui nos enfants
savent que tu fus
le dernier maire des Saintes réunies
même si nulle rue
nulle place
nulle impasse
ne porte aujourd’hui ton nom
Jean-Pierre LOGNOS !

Raymond Joyeux

décret bo

Bulletin des Lois de la République Française
N° 735 – page 1126

PLace du 9 août 1882 et Mairie de Terre-de-Bas Ph. Hélène Rossignol

PLace du 9 août 1882 et Mairie de Terre-de-Bas
Ph. Hélène Rossignol

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10 commentaires pour Jean-Pierre Lognos, l’oublié de l’histoire des Saintes

  1. Chrysos dit :

    Depuis des lustres, l’histoire officielle des saintes est marquée du sceau de l’ostracisme, dans le choix de nos figures et faits mémoriels:

    -L’élévation de CALO ‘(qui ne savait pas nager) et la relégation de COINTRE et SOLITAIRE dans les bas-fonds de notre mémoire collective.

  2. Chrysos dit :

    Suite…
    -La mystification du saintois descendant des bretons et la césure de l’abolition de l’esclavage de 1848. Comme si les patronymes BELENUS ,BONBON, AZINCOURT etc etaient d’origine européenne.

  3. Chrysos dit :

    Suite…
    -La légion d’honneur à titre personnel au prévôt en 2006 ( à peine sorti du congres des maires à PARIS) en lieu et place de la population meurtrie par le séisme de Novembre 2006.

    Je m’excuse pour la multiplication de ce message , mon PC bugue.

  4. chrysos dit :

    Pour compléter l’article du webmaster Raymond sur Jean Pierre LOGNOS ,je saurais gré aux lecteurs de lire:

    De l,Hérault aux saintes, daté du 16 septembre 2009
    Chansonnier maître chez lui, daté du 17 Mars 2010.
    Tous deux sur l,avant dernier blog en liens.

  5. raymondjoyeux dit :

    Mon cher Chrysos, tes commentaires sont pertinents et toujours bienvenus. Je corrigerai simplement la date du séisme, ce n’est pas le 26 novembre 2006 mais, si j’ai bonne mémoire et que nous parlons du même, le 21 novembre 2004.

    Concernant le sujet de ma chronique, je suis d’accord avec toi et ne vois pas pourquoi « on » a privilégié Calot au lieu de Cointre et Solitaire. Si leur histoire est véridique, (celle qu’on nous raconte) ils auraient tous trois sauvé ensemble la flotte française des Anglais, donc ils méritaient d’être honorés ensemble ou pas du tout.

    Pour ce qui est de « l’oubli » de Jean-Pierre LOGNOS, j’ai ma petite idée. On imagine en effet aisément ce qui était en jeu à l’époque – pas si lointaine – où il a été décidé de nommer les rues et places de TDH, à la demande des services postaux. Cet « oubli » volontaire est le fruit de l’obscure et imbécile rivalité résultant d’une mesquine politique politicienne tendant non seulement à rayer de la mémoire collective le nom et l’existence d’une personnalité capitale de notre histoire, mais à tenter d’exclure de la communauté – considérée par les différents « prévôts » comme un bien personnel – toute une lignée de familles non conformes au diktat d’un agissement municipal intolérant – qui continue hélas de se perpétuer -, agissement dénué de la moindre ouverture d’esprit et du sens des valeurs républicaines.

    Je signale pour finir que lors de la dénomination des rues et places de la commune, non seulement la population n’a pas été consultée, mais il n’a pas du tout été tenu compte des habitudes établies d’appellation, ce qui a eu pour effet de décontenancer une grande partie des habitants qui se sont demandé d’où venait toute une série de noms inconnus qu’on leur imposait.

  6. chrysos dit :

    Mea culpa ,il s’agit bien de 2004 et non 2006 comme mentionné ; j,ai beau chercher , je ne trouve pas ce qui pourrait expliquer mon erreur.Que les victimes me pardonnent.Contrit , je poursuis mon introspection ( sait on jamais, l’inconscient se moque de tout) depuis le P.C du marigot , à la rue du gouverneur Houel ,appartement PINEAU Anne. 97137 Terre de haut.

    Pour une postérité combien de Pestiferé ?

  7. igor Schlumberger dit :

    Merci de m’avoir conté l’histoire de Jean-Pierre Lognos.

  8. LOGNOS Nathalie dit :

    Bonsoir,
    Je souhaite apporter une rectification à l’histoire des LOGNOS, notamment sur les origines.
    En effet, le berceau des LOGNOS n’est pas Saint-Nazaire-de-Ladarez, où est né Jean-Pierre, mais Laurenque, un petit hameau qui dépend de la commune de Roquebrun, à quelques kilomètres de Saint-Nazaire-de-Ladarez.

    • raymondjoyeux dit :

      Bonsoir Nathalie et merci pour cette précision. Si tu as une photo de ce village, je suis preneur. Je pourrais alors rectifier sur une autre chronique où j’avais posté une vue de Saint-Nazaire-de-Ladarez en indiquant que c’était le berceau des Lognos. Cordialement.

  9. Daniel Juric dit :

    Bonjour,
    Afin d’agrémenter mon site armorialdefrance.fr je souhaiterais avoir votre autorisation pour y faire figurer vos images de blason.
    Félicitations pour votre site!
    Bien cordialement,
    Daniel Juric

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