Ouverte en Guadeloupe du 1er octobre au 31 décembre, jusqu’à 25 mètres de profondeur, puis du 31 décembre au 31 janvier au-delà de 25 mètres, la pêche au lambi, très réglementée chez nous pour éviter la raréfaction de l’espèce, est réservée aux seuls pêcheurs professionnels. Aux Saintes, comme dans toute la Caraïbe, nous sommes très friands de ce mollusque marin, le Strombus gigas, apprécié aussi bien pour sa chair que pour son coquillage, cette splendide conque vernissée qui ornait jadis les tombes et les allées de nos cimetières. Mais combien d’entre nous savent avec précision comment il se reproduit, naît et se développe dans nos eaux cristallines ? Dans une superbe brochure publiée sous l’égide de l’Archipel des Sciences et abondamment illustrée de dessins et schémas, les auteurs Liliane Frenkiel et Dalila Aldana Aranda nous apprennent tout de la vie à hauts risques du lambi, de sa naissance à l’âge adulte en passant par les différents stades de son évolution. C’est donc dans cette brochure que nous avons extrait, parmi d’autres, ce chapitre de la reproduction du lambi, en complément de notre précédente chronique publiée le 25 septembre 2013 et qui, depuis, est très souvent consultée par les internautes sous le titre suivant : le lambi, une espèce sous haute surveillance.
Une coquille indifférenciée
Comme la plupart des animaux, il y a des mâles et des femelles mais on ne peut pas reconnaître les lambis mâles des lambis femelles sans les sortir de leur coquille car leurs coquilles ne sont pas assez différentes. Lorsque les lambis ont fini de grandir et sont devenus adultes, la femelle a développé son appareil génital qui se termine par un sillon qui court le long du côté droit du pied et qui lui permet de pondre ses œufs. L’appareil génital du mâle se termine par un grand pénis noir placé à droite en arrière de la tête et au-dessus du pied. Il est devenu capable de fabriquer des spermatozoïdes nécessaires pour féconder les œufs et leur permettre de se développer.
Quand les lambis s’accouplent, ils se mettent tout près l’un de l’autre jusqu’à ce que leurs coquilles se touchent. Le mâle se met derrière la femelle ; le pénis du mêle s’allonge sous le manteau de la femelle pour déposer le sperme et féconder les œufs. Chaque femelle adulte est capable de pondre 8 fois chaque année et dans chaque ponte il peut y avoir 400 000 œufs.
Alors on peut se demander ce que deviennent tous ces petits lambis pour qu’il y ait de moins en moins de lambis dans la mer.
Qui mange les lambis ?
Qui mange les petits lambis dans le plancton, qui mange les petits lambis quand ils se métamorphosent et qui les mange quand ils ont grandi ? Et surtout combien, des millions de bébés lambis qui naissent chaque année, survivront jusqu’à devenir des adultes capables de se reproduire ?
Beaucoup de petits animaux carnivores du plancton mangent les bébés lambis qui ne sont pas encore protégés par une coquille solide. Quand ils se métamorphosent et jusqu’à ce qu’ils aient un an, ils se cachent dans le sable et ne sortent manger que la nuit mais beaucoup sont quand même mangés par les poissons et par de nombreux animaux carnivores.
Quand ils ont un an et une coquille assez solide, ils sortent plus souvent mais ils sont obligés de se défendre contre leurs cousins carnivores les conques (1), contre les langoustes (2), les bernard-l’ermite (3), les autres crabes carnivores (4), les poissons carnivores (5) et tous les animaux qui, dans la mer, sont leurs prédateurs naturels. Ceux qui ont survécu jusqu’à deux ans sont presque sauvés car leur coquille est devenue assez dure pour bien les protéger.
Les tortues (6), les poulpes (7) et les raies (8) arrivent encore à manger les jeunes lambis de deux ou trois ans et même des lambis adultes. Mais plus encore que tous ces animaux, l’homme (9) est le plus grand ennemi des lambis lorsqu’ils sont assez gros pour se défendre contre leurs prédateurs naturels. Un lambi peut se défendre en se retournant brusquement et en donnant un bon coup de pied aux agresseurs. Il peut aussi rentrer dans sa coquille et fermer l’opercule.
Évolution de la coquille
Quand on commence à voir les petits lambis de 8 ou 10 centimètres dans les herbiers, ils ont déjà à peu près un an. Leur coquille forme des épines pointues, une vraie forteresse ! Quand le lambi grandit, sa coquille s’allonge et continue à s’enrouler en spirale. À deux ans, il est toujours enroulé en spirale avec un bord coupant. Quand il a 3 ans, sa coquille commence à former un large pavillon étalé qu’on appelle aussi lèvre. Ce pavillon montre que le lambi a fini de grandir et qu’il sera bientôt mûr c’est-à-dire capable de se reproduire. Le lambi est comme un adolescent ; le pavillon de sa coquille est encore fin et fragile. Il s’épaissit et atteint sa taille adulte à peu près entre trois ans et demi et quatre ans. Après 4 ans, la lèvre est épaisse.

Lambis adultes – Photo Raymond Joyeux
Quand il vieillit, sa coquille devient de plus en plus épaisse et plus lourde. Les épines qui étaient longues et pointues deviennent émoussées, usées ou cassées. Souvent la coquille se couvre d’algues et des petits animaux se fixent dessus comme si c’était un rocher. Sa coquille épaisse est souvent plus petite que celle du lambi adulte parce que le bord est usé. On appelle ces vieux lambis « Samba Conch » dans de nombreuses îles de la Caraïbe, dans d’autres on les appelle « stone conch », ce qui veut dire « lambi de pierre. »
Pour rappel
Ce texte est extrait de la brochure La vie du Lambi, éditée en 2005 sous l’égide de l’Archipel des Sciences, dont les auteurs sont Liliane Frankiel et Dalila Aldana Aranda.
Hormis la dernière photo, les illustrations sont de Vonic Laubreton. La publication de cette chronique à des fins non lucratives et strictement éducatives a été autorisée par la direction de L’Archipel des Sciences que nous remercions vivement pour son aimable contribution et dont vous pouvez consulter le site en cliquant sur le lien suivant : https://www.archipel-des-sciences.org
Raymond Joyeux