La ballade de Pompierre

Privés de téléphone et d’Internet à Terre-de-Haut depuis la colère de Maria, je vous propose en urgence ce poème-méditation d’Alain JOYEUX sur la plage de Pompierre. Poème d’éloge de ce site mythique, écrit en 2016, bien avant le passage de l’ouragan dont la violence saccagea la cocoteraie et la plantation de raisiniers bord-de-mer dans la nuit du 18 au 19 septembre de cette année 2017. On sait que des initiatives se sont depuis fait jour pour restaurer cette admirable végétation qui faisait le charme et la beauté de ce site inégalable. Mais si on ne peut que louer sans réserve les bonnes volontés animées de cette belle intention, on sait aussi qu’avec ou sans sa végétation, Pompierre est et restera avant tout un lieu d’inspiration pour qui aime la beauté et l’harmonie des couleurs et des paysages, surtout lorsqu’ils nous sont familiers. Cette inspiration, Alain JOYEUX nous la fait partager avec ce poème, illustré de ses propres photographies mêlées à celles de Raymond Joyeux à qui le poème est dédié. Une histoire de famille en quelque sorte !

Voici l’ombre hospitalière des raisiniers bord-de-mer
et de ses cocotiers dont tu fus l’un des planteurs.

Pompierre 
Ton courant d’air permanent, douceur du jour et souvent froid la nuit
Silices douces aux pieds et farines de basalte
Sur ton rivage, le noir volcanique se mêle au blond marin.

 

Pompierre, accueil d’océan, ondes du large houleux qui s’épuisent en tes sables
Pâturages marins ondulant sur les fonds troublés par le courant
Anse de coraux morts immergés, agglomérés en cayes vertes et brunes, rugueuses et inquiétantes
Supports de chadrons, refuges de diodons, de langoustes, passages de bécunes, antres de congres
Tes oursins blancs nonchalants…

Pompierre et tes cendres refroidies
dans les nids de roches parsemés de capsules
témoins silencieux des nocturnes grillades au boucan et restes de cocos fendus

Et tes remplisseurs de poubelles, les entends-tu vrombir ?
Campeurs-zouk de Pâques, prédicateurs en sono de campagne et couleurs de Bologne…

Et voici à Pompierre la bête à mille pieds, squatteurs alignés en bivouacs-cocons
Voici le régiment-fourmis-vertes, voici le SMA… un jour, une nuit seulement ?
OK, adieu bérets.

Pompierre, adulée des touristes ensoleillés
qui regardent leur montre, inquiets de la corne du bateau
appel du retour du soir

Avec tes ouvriers râtisseurs de varech au matin
Avec tes chèvres errantes descendues des mornes 
mendiantes de sandwichs et profiteuses de reliefs

Avec les autres cabris, sur le dos de leur porteur à gué
dans la passe du banc de sable traversant
vers le vert versant de La Roche en novembre

Avec ton coureur de cinq heures, avant-dernier humain du jour
sur la plage en petites foulées, allers et retours

Pompierre et ta beauté, apaisée, révélée une fois le soir venu
Pompierre enfin désertée des plagistes et autres bavards-buveurs de paillottes
Pompierre enfin libérée des bécanes en grappes à son portail

Grand calme surligné de lointains agités :
vagues bruits de scooters vers le chemin du stade
Pompierre dans la lumière dorée où se promènent maintenant des poules et une famille de chats.

Horizon profondeur d’indigo
sur la baie le pélican qui pique sur sa proie

Enfin le voici apparaître
le contemplatif de tout cela. Celui-là :
un va-nu-pieds extasié explorateur des confins innommés
un familier de Pompierre : de ses matins roses, de ses jours longs à hamac
(lecture attentive des graffitis d’égos sur les bois des abris)
un familier des randonnées marines, des bains de bulles-champagne au trou isolé de
La Roche
Un adorateur de ses jours de pluie et de ses crépuscules intimes.

Celui-là de tout ceci et ceux-là, à peine visibles et quelques fois vu-voyant
Des pages de croquis, aquarelles en carnet dans le sac de marche
Savoure au couchant les quelques volutes bleues de son unique spliff et médite sur l’ivresse du beau

Puis il regagne le bourg, chemin trop éclairé,
Celui-là, lorsqu’il les a, remet parfois ses sandales au retour
au croisement du Marigot

Les cheveux salés
et le cœur ébloui.

Merci Alain pour ce poème. Puisse-t-il mettre du baume au cœur de tous les amoureux de Pompierre, dont tu es l’un des plus fervents depuis ton enfance saintoise.
R.J.

 

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