Le lundi 18 mars était le dernier jour pour présenter sa contribution sur le site Internet gouvernemental du grand débat national. Sans trop y croire, j’ai donc posté la mienne sur le thème Démocratie et citoyenneté, en ne publiant que le paragraphe sur la nécessaire égalité d’obligations légales des élus. Ceux des grandes comme des petites communes. Si j’avais eu l’opportunité de le faire sur un éventuel cahier de doléances de la mairie de Terre-de-Haut voici, en ma qualité de citoyen, ce que j’aurais écrit.
Pour une démocratie égalitaire participative
Depuis 1965 que, sur le plan local, je me suis engagé en politique, jusqu’en 2014 où je me suis définitivement retiré de toute compétition électorale, à part aux municipales de 1971 qui ont vu l’équipe dont je faisais partie arriver à la mairie, pas la moindre de mes idées ou de mes propositions n’a triomphé de quelque manière que ce soit en ma commune de Terre-de-Haut. C’est dire que c’est avec circonspection et incrédulité quant à sa portée et sa prise en compte, ne serait-ce que partiellement, par les instances ad hoc, que je livre aujourd’hui ma contribution à ce qu’il est convenu d’appeler le grand débat.
En analysant la pratique politique saintoise depuis près d’un demi siècle et les multiples déboires qu’elle a générés pour notre communauté, collectivement et individuellement, on arrive à la conclusion que peu de choses auraient pu suffire à les éviter. La première étant de modifier radicalement les rapports exécrables qui sont encore les nôtres aujourd’hui entre les élus des deux bords d’une part, et entre ces mêmes élus et la population d’autre part.
Ce que je préconise
I – Sur le plan national
On peut regretter qu’en dépit du principe d’égalité qui devrait s’appliquer à tous, les petites communes comme la nôtre aient toujours été tenues à l’écart dès l’origine de toutes les lois électorales qui ont régi le fonctionnement de la représentativité démocratique jusqu’en 2014. Ce n’est qu’à cette date en effet que l’opposition chez nous a pu envoyer au Conseil Municipal des élus issus de sa mouvance. Pourquoi avoir attendu jusque là pour instaurer le respect de ce qui constitue depuis toujours l’essence même de la démocratie ? Peut-être que, si pendant d’interminables décennies, les représentants de la moitié de la population n’avaient pas été exclus de la conduite des affaires communales, nombre de dysfonctionnements et leurs désastreuses conséquences nous auraient été épargnés !
Mais si, en l’exemple cité, on peut dire qu’il vaut mieux tard que jamais, ce que nous réclamons aujourd’hui à l’État c’est, une fois pour toutes, de placer toutes les collectivités sans exception sur la même ligne. C’est-à-dire, appliquer à tous les élus communaux, quelle que soit l’importance de la communauté qu’ils administrent, les mêmes obligations et responsabilités. À savoir :
1 – limiter à deux, en plus du nombre de mandats, celui des candidatures à une même élection. (Actuellement les maires des petites communes – contrairement à ceux des grandes agglomérations – peuvent se représenter autant de fois qu’ils le veulent aux élections municipales, et ce jusqu’à leur mort.)
2 – appliquer le principe de la déclaration de patrimoine à tous les candidats avant toute élection. (Actuellement les maires des petites communes en sont exemptés et peuvent s’enrichir sans contrôle sur le dos des contribuables.)
3 – rendre les élus personnellement responsables des délits de détournements, malversations et faillites budgétaires dont ils se rendraient coupables par négligence ou mauvaise gestion avérée, avec démission immédiate d’office, inéligibilité à vie et comparution devant les tribunaux en vue d’une éventuelle condamnation pénale.
Voilà trois mesures, faciles à prendre, nous semble-t-il, au plan national et qui, selon nous, en plus de mettre tout le monde sur un même pied d’égalité feraient réfléchir tout candidat aux élections municipales et éviteraient qu’un même maire reste indéfiniment au pouvoir pour finir par considérer la commune comme un bien personnel, s’en accaparer et l’administrer comme sa propriété privée… et la conduire en fin de compte au précipice. Ce qui est, hélas ! le cas pour nous aujourd’hui.
II – Sur le plan communal
Les élections municipales n’ont pas pour objectif d’investir le maire et son conseil de pouvoirs discrétionnaires illimités qui les autoriseraient à agir et à décider sans en référer à la population souveraine qui les a élus. Le mandat scellé par les élections n’est pas tant d’ailleurs une affaire de pouvoirs que de responsabilités partagées dont il convient constamment de rendre compte aux électeurs-citoyens.
Je préconise, sur ce plan, qu’il doit être fait obligation aux maires de :
1 – Partager et répartir par délégation les responsabilités au sein du Conseil Municipal. Ainsi, plutôt que de se concentrer entre les mains d’un seul, les compétences municipales seront assumées par l’ensemble du corps des conseillers opposition comprise, qui, sous la conduite d’adjoints délégués, étudient et traitent en équipes les dossiers qui leur sont confiés. Cette méthode de fonctionnement présente le triple avantage d’éviter la confiscation par un seul d’un pouvoir discrétionnaire occulte dont il deviendrait le maître absolu ; de se répartir les tâches, devenues administrativement de plus en plus lourdes et complexes ; d’impliquer enfin personnellement chacun des élus dans la gestion des affaires communales.
2 – Rendre compte systématiquement à la population. Cette pratique des responsabilités partagées au sein du conseil ne peut que déboucher naturellement sur une transparence absolue de la gestion municipale et sur une information régulière aux administrés. Budget, projets, décisions prises ou à prendre doivent être impérativement rendus publics par tous les moyens à disposition du conseil : affichage systématique, presse, bulletin municipal…
3 – Susciter la participation citoyenne aux affaires. Comment imaginer que des décisions importantes qui engagent le présent et l’avenir des administrés et de leur commune soient prises à leur insu, sans aucune consultation populaire préalable ni échange ? À ce propos, l’exemple calamiteux parmi d’autres du ridicule et ruineux aménagement de la plage du Fond Curé est emblématique de la dérive autocratique et du manque condamnable de concertation.
Sans se départir de son pouvoir décisionnel, une assemblée municipale respectueuse de ses administrés a le devoir et l’obligation morale d’associer, sans préjugé ni exclusion, l’ensemble de ses membres à la gestion de la cité. Elle doit régulièrement lors des séances du Conseil Municipal donner la parole au public, aux associations, à toute personne qui le souhaite, en rompant avec l’habituel silence imposé aux participants à l’occasion de ces séances. Cela s’appelle la démocratie participative. Solliciter, entre autres, le concours de citoyens volontaires dans des commissions de réflexion extra-municipales ne peut qu’enrichir et éclairer le choix des élus tout en responsabilisant la population.
Un contexte insulaire favorable à la mise en place de ces mesures
De par sa configuration géographique, démographique et sociale, Terre-de-Haut est par excellence la collectivité où l’expérience d’une démocratie participative exemplaire devrait s’exercer sans problème. C’est ce que pendant plus de 30 ans mes amis partenaires et moi nous nous sommes efforcés, à chaque échéance électorale, de proposer sans succès à nos compatriotes. Mais les temps n’étant plus les mêmes, ce projet peut être rendu possible demain. À condition que ceux qui aspirent aux responsabilités communales mettent fin à leurs stériles querelles partisanes, fassent taire leurs ambitions personnelles et, sans se soustraire à leur louable volonté de servir, se laissent guider par l’esprit d’ouverture et de fraternité. Ils pourront ainsi, ensemble, actualiser cette déclaration du Président Chirac faite au lendemain des élections présidentielles de mai 2002 et qui est la définition même de l’engagement politique : « J’ai compris votre appel pour que la politique change. Pour que tout dans l’action qui doit être maintenant conduite doive répondre à cet appel et s’inspirer d’une exigence de service et d’écoute pour chaque Française et chaque Français. »
Terre-de-Haut, le 20 mars 2019
Raymond Joyeux
Simple citoyen
PS. Revoir sur le même sujet les chroniques précédentes :
https://raymondjoyeux.com/2018/02/19/terre-de-haut-le-necessaire-retour-a-la-fraternite/
Vous ne vous découragez pas Raymond. Bravo !
Ce que vous écrivez me paraît tellement logique !
Très bien ! J’espère voir cela de notre vivant . . .
Je ne vis pas à Terre de Haut, et je pense qu’il ne me sera pas reproché en tant que natif de donner mon avis sur ce qui vient d’être proposé dans le cadre du Grand Débat.
Tout ce que tu préconises mon cher Raymond découle tout simplement du bon sens et tes doutes sur l’opportunité de tes propositions, sur ses chances d’aboutir et de faire réagir les consciences, aussi bien individuelles que collectives, n’ont pas lieu d’être.
Comme tu le dis, les temps changent, et les mentalités aussi, surtout que l’on est plus facilement de nos jours à l’écoute du monde par l’intermédiaire d’internet et des réseaux sociaux, même si tout n’est pas toujours bon à prendre, mais donne à réfléchir.
Dans tout les cas tu as l’expérience et la sagesse des anciens. J’adhère totalement à tout ce que tu préconise et j’espère bien que tes propos aboutiront, que tu obtiendras l’approbation du plus grand nombre et notamment de ceux qui détiennent le pouvoir de décision, dans le cadre de ce Grand Débat National.
Gageons que tu réussiras à te faire entendre et qu’une suite positive suivra.
Le simple fait d’y avoir contribuer avec le sérieux que l’on te connaît est déjà une réussite en soit.
Moi, si tu le permets, je te félicite d’ores et déjà TRÈS sincèrement
Très amicalement
Bernard
J’ai oublié d’ajouter à » sagesse et expérience », la « conviction » qui ne se dégage pas seulement dans tes propos superbement structurés et explicites (les qualités profondes et innées du pédagogue), mais aussi dans tes actes et engagements au quotidien.