Évolution des services de santé aux Saintes de 1853 à nos jours

Aux temps (pas toujours bénis) des Colonies

fabre rogné

Un document exceptionnel

Dans un rapport sur l’état de la paroisse de Terre-de-Haut, datant de 1853 et reproduit intégralement par le Père Camille FABRE dans une brochure parue en 1979, intitulée de clochers en clochers, il est indiqué que  « le bourg ressemble à une petite ville et constitue toute la paroisse. Il y a environ six cents habitants. L’esprit religieux y est assez mauvais. Le prêtre y a peu de consolations. Cependant il y a une école tenue par les frères de Ploërmel et un hôpital tenu par les Sœurs de Saint-Paul « . (1) C’est, à ma connais-sance, la première mention de l’existence de ce type d’établissement aux Saintes auquel survécut, pendant un certain temps, une petite infirmerie où tous les Saintois et Saintoises de ma génération et moi-même avons été vaccinés lorsque nous étions écoliers.

De son côté, dans une monographie sur l’archipel publiée à Bordeaux en 1901, le docteur Sauzeau de Puyberneau (2), affecté aux Saintes, précise : « En face de la caserne se trouve l’hôpital, qui serait en mesure de redevenir hospitalier s’il lui était accordé les quelques réparations nécessaires. Par un décret spécial, le Médecin des Colonies chargé du service aux Saintes est autorisé à habiter le pavillon des officiers. » Lequel médecin, payé, selon Félix Bréta (3), par le budget local, a été supprimé en 1903.

Les services de Santé du navire-école Jeanne d’Arc

La Jeanne d'Arc en rade des Saintes - 1960 Carte postale Catan

La Jeanne d’Arc en rade des Saintes – 1960. Carte postale Catan

À partir de cette date et jusqu’au milieu du siècle dernier, Terre-de-Haut, privée de la présence sur son sol de médecin résident et de service hospitalier, dut se contenter de la seule assistance de deux sages-femmes qui pratiquaient les accouchements à domicile. L’une originaire de la commune, Mme Jacques-Quintard Éléonore, l’autre, épouse d’un médecin guadeloupéen, Mme Monrose. Un docteur généraliste, venant de Trois-Rivières, une ou deux fois par semaine, assurait les consultations et les soins qui ne nécessitaient pas un transfert des patients en Guadeloupe. En cas d’urgence, ce transfert s’effectuait par les moyens de l’époque, c’est-à-dire en canot à voile, quels que fussent l’heure et le temps. Dans ces conditions, beaucoup de Saintois se contentaient d’attendre le passage annuel du navire-école Jeanne-d’Arc, à bord duquel consultations, radiographies, bilan de santé, soins dentaires et parfois opérations chirurgicales se faisaient gratuitement.

 Le Bateau des Îles : « maison du docteur »

"Maison du docteur" - Ph. R.Joyeux

« Maison du docteur » – Ph. R.Joyeux

Pour pallier les réticences compréhensibles du corps médical à venir s’installer aux Saintes, un photographe de Basse-Terre, M. Adolphe CATAN, propriétaire de la célèbre maison Bateau, céda ou vendit, selon les sources, son bien à la commune de Terre-de-Haut en 1949. À charge pour cette dernière d’y loger gratuitement les docteurs successifs qui voudraient y venir exercer, et à celle du Département d’octroyer une subvention aux volontaires. À ma connaissance, le premier qui bénéficia de ces deux opportunités, fut le docteur Hourtiguet, un breton, amateur de navigation, qui, logé et subventionné, assura la desserte des deux îles jusqu’en 1957-58. Aujourd’hui, cette « maison du docteur », comme on la nomme aux Saintes, est occupée en permanence depuis de nombreuses années par la même praticienne qui y a également installé son cabinet médical.

 Années 48-50 : création d’un dispensaire

Le dispensaire et son frangipagnier

Le dispensaire et son légendaire frangipagnier- Ph R. Joyeux

Selon un petit carnet retrouvé de mon père, déjà évoqué sur ce blog, c’est à la fin de février 1951, que fut inauguré le Dispensaire public du Fond-Curé. Cet établissement,  propriété du Département et géré par la  Direction de l’Action Sani-taire et Sociale de Basse-Terre, a été édifié à l’emplacement de l’ancienne Prison cantonale, (4) sur un terrain ayant appartenu, semble-t-il, à un certain Jules Corbin. Sa création allait apporter un confort certain et une sécurité non négligeable  à la population saintoise en matière de structure sanitaire de proximité. Outre de remplir sa fonction de Protection Maternelle et Infantile, (PMI), il était également, et est encore aujourd’hui, centre de soins, de vaccinations pour les scolaires,  de consultations et d’obstétrique, autant d’actes médicaux spécialisés assurés par des professionnels venant à intervalle régulier de Guadeloupe, sous l’égide du Conseil Général.

Entre 1964 et 67, Yves Espiand, jeune docteur originaire de Pointe-à-Pitre, a été le premier à aménager son cabinet de consultations dans une des salles de ce dispensaire et avoir été autorisé à y ouvrir une officine de propharmacie, avec les médicaments de première nécessité. Par la suite plusieurs dentistes s’y sont succédé sans lendemain, jusqu’à l’arrivée de leurs confrères installés aujourd’hui dans le bourg. L’officine pro-pharmaceutique a également disparu au profit d’une véritable pharmacie indépendante, qui a ouvert ses portes en 1979.

Étonnante destruction du frangipagnier et aux autres flambloyants

Il ne reste que des souches - Ph. R. Joyeux

Il ne reste que des souches – Ph. R. Joyeux

Concernant la gestion et l’entretien de ce Dispensaire départemental dont tout le monde reconnaît unanimement la nécessité et l’importance pour une petite commune insulaire, on peut s’étonner que les responsables, sous couvert de nettoyage, aient autorisé récemment (octobre 2013) l’abattage de tous les flamboyants de l’arrière-cour et surtout d’un magnifique frangipanier donnant sur la rue (voir photo précédente). Tous les arbres existants ont été scrupuleusement coupés, mais à ce jour, le grand nettoyage-prétexte reste encore à intervenir !

Des containers de tri ont remplacé le frangipagnier- Ph. R. Joyeux

Containers de tri et palettes ont remplacé le frangipagnier

Quant aux autorités municipales, nous ne doutons pas qu’elles ne tarderont pas à trouver de leur côté un emplacement plus adéquat pour entreposer des containers de tri qui, en plus d’enlaidir le site, n’ont pas du tout leur place à proximité immédiate d’un établissement public d’accueil et de soins.

Et aujourd’hui ?

Tout compte fait, aujourd’hui, et depuis bon nombre d’années, les Saintes, et Terre-de-Haut en particulier, sont globalement bien desservies en matière de structures et de personnels médico-sanitaires. Sont en effet à la disposition de la population : deux cabinets médicaux, un couple de chirurgiens-dentistes, plusieurs kinésithérapeutes, une pharmacie, un véhicule du SAMU, un hélicoptère d’évacuation sanitaire, et depuis 2007, pour les personnes âgées dépendantes, un service d’infirmières et d’aides médicales d’hospitalisation à domicile (HAD), qui font à leur niveau un remarquable travail d’assistance et de soins, et qui méritent, avec tous les autres praticiens, d’être salués !

Un progrès considérable

L’implantation d’une pharmacie : un progrès considérable

Que demander de plus ? sinon peut-être l’aménagement des caniveaux à ciel ouvert pour éviter qu’ils déversent à la mer leur bouillon de culture infesté de bactéries fécales et de staphylocoques ; l’installation de sanisettes modernes et gratuites pour éradiquer définitivement les habitudes moyenâgeuses de mictions et défécations humaines intempestives  en milieu naturel ; un  suivi plus sérieux enfin, et une fréquence régulière des campagnes de démoustication et de dératisation pour mettre la population à l’abri de la leptospirose et de la dengue hémorragique, deux affections parfois mortelles dont la Guadeloupe et ses îles ne sont pas du tout exemptes…

510HKCV1XPL._SY445_Mises à part ces dernières suggestions qui restent à réaliser et qui sont à nos yeux d’importance,  nous sommes en définitive, aujourd’hui, concernant l’état sanitaire de la population saintoise et les équipements médicaux, bien loin, heureusement, des observations apocalyptiques, (qualifiées à juste titre par Jean-Luc Bonniol de hautement fantaisistes) (5), observations grotesques, à la limite du comique s’il ne s’agissait pas d’êtres humains, faites par l’écrivain-voyageur britannique Patrick Leigh Fermor (6), qui dresse dans son livre Vents alizés, paru en 1950, le terrifiant tableau ci-dessous, que je vous laisse néanmoins le soin d’apprécier avec toute la distance nécessaire :

v.alizés

Raymond Joyeux

Bibliographie :
Biblio 2

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13 commentaires pour Évolution des services de santé aux Saintes de 1853 à nos jours

  1. cathy dit :

    Encore chronique bien intéressante, il faut aussi rendre hommage à la SNSM (Société Nationale de Sauvetage en Mer) qui s’est dotée d’un bateau tout neuf et dont les bénévoles rendent de grands services à tout heure du jour et de la nuit !

    • raymondjoyeux dit :

      Effectivement, j’ai malencontreusement oublié ce service de sauvetage très important pour nous, population insulaire, pour les professionnels de la mer et les plaisanciers. Je vous remercie de l’avoir évoqué. J’en ferai certainement un sujet de chronique, si les responsables sont d’accord pour me fournir toutes les informations nécessaires, ce dont je ne doute pas.Très cordialement.

  2. vonvon dit :

    d’après certaines sources les arbres du dispensaire ont été coupés car:
    – l’étanchéité de la toiture du bâtiment avait été refaite, des branches d’arbres sont tombées sur ladite toiture, ont crevé l’étanchéité ce qui a engendré des infiltrations d’eau qui ont provoqué des problèmes électriques dangereux. Ceci pour les arbres de l’arrière du bâtiment. Pour le frangipanier c’est plus pour permettre l’entrée de la broyeuse de bois qu’il a fallu le couper. Tous ces travaux nous permettent de voir qu’hélas, pour certains, cette cour est un véritable dépotoir à canettes et bouteilles diverses, c’est si facile bien que 2 containers de récupération soient à l’avant et à l’arrière dudit bâtiment ! Si les travaux de déboisement incombent au département, le nettoyage du terrain devrait être fait par la commune c’est elle la responsable de ses concitoyens, et pour les containers de récupération il ne faut pas oublier que certains riverains les + proches ne sont pas en odeur de sainteté donc c’est un moyen de sévir !!
    Ton article est un vrai bonheur pour ceux qui s’intéresse à cette commune. Merci Raymond.

    • raymondjoyeux dit :

      Merci Vonvon pour tes appréciations et tes informations concernant l’abattage des arbres du dispensaire. Je ferai cependant quelques remarques à ce sujet, car j’ai constaté de visu le massacre, aussi bien de l’arrière cour que sur la rue.

      1- Si les branches des flamboyants posaient problème, un simple élagage aurait pu suffire. D’autant que certains de ces arbres étaient suffisamment éloignés du bâtiment pour être épargnés.
      2 – Le frangipagnier dont j’ai la photo du tronc coupé à ras du sol, était lui aussi très éloigné de l’endroit où le mur a été percé pour permettre le passage des engins. Il ne gênait donc en rien. Au pire, lui aussi aurait pu être tout simplement élagué. Je te conseille d’aller jeter un coup d’œil et tu verras la distance entre le tronc à gauche et le passage aménagé dans le mur, (aujourd’hui rebouché). Sans jouer les fanfarons, j’avoue que si j’avais été à TDH ce jour-là, je me serais opposé physiquement à l’abattage de cet arbre rare qui n’était en rien obligatoire.(J’ai pris chaque année de nombreuses photos de ce bel arbuste au moment de sa floraison et suis vraiment en colère qu’on l’ait coupé sans raison !) Si personne n’a réagi, (surtout au niveau de la municipalité ), cela prouve tout simplement que la plupart des gens s’en foutent ! Ce qui ne m’empêchera pas d’écrire au Directeur du service, photos à l’appui, pour lui exprimer mon mécontentement !
      3 – Pour ma chronique, j’ai d’ailleurs pris contact par téléphone avec le service départemental responsable du dispensaire. J’ai eu 4 interlocuteurs différents. J’ai évoqué bien entendu avec chacun d’eux ce problème. Ils m’ont tous confirmé que du personnel avait été envoyé aux Saintes pour « le nettoyage », mais aucun n’était soi-disant au courant – à plus forte raison responsable – de l’abattage des arbres !!! Comme d’habitude !
      4- À mon sens, ce n’est pas à la commune de finir le travail de nettoyage. Le Dispensaire est propriété du service de santé départemental, c’est au département à le faire. Par contre, concernant les containers, un sursaut de bon sens va peut-être faire réagir les autorités municipales, car il n’ont vraiment pas leur place à cet endroit.

      Je profite de l’occasion pour te remercier encore – toi, et les nombreux autres internautes qui consultez quotidiennement mon blog (7685 visites à ce jour, en 3 mois 1/2 d’existence) – pour l’intérêt que vous portez à mes chroniques. Les sujets ne manquent pas et c’est un plaisir pour moi aussi de les concocter. Avec la seule prétention d’apporter aux lecteurs des informations, et accessoirement susciter réflexion et prise de conscience.

  3. Le sujet me passionne et fera doreanavant figure de reference !

    • raymondjoyeux dit :

      Désolé pour le retard mis à approuver votre commentaire. Il se trouvait, je ne sais pourquoi, dans le courrier indésirable. Je m’en suis aperçu qu’aujourd’hui, 5 décembre. Et merci pour votre intérêt.

  4. cathy dit :

    C’est d’une violence inouïe de voir abattre des arbres centenaires, 2 fromagers multi-centenaires ont été abattus dans l’enceinte de l’hôtel « Bois joli » par le responsable de l’établissement qui était chez lui, dans son droit donc (encore que certains arbres soient classés et donc protégés), et avaient ses raisons certainement (un arbre était malade, les branches menaçaient une toiture …).

    • raymondjoyeux dit :

      J’ignore si le propriétaire était dans son droit, mais je crois savoir que même pour abattre un arbre quel qu’il soit sur sa propriété, il faut avoir une autorisation des services concernés. Un ami m’a signalé récemment la destruction d’un superbe calebassier sur la commune… encore un arbre rare abattu sans doute sans raison !.. Et même lorsqu’ils sont malades ou attaqués par des parasites, des produits phytosanitaires – naturels ou chimiques – existent pour les traiter efficacement, en plus de l’élagage professionnel qui, lui aussi, peut être nécessaire, profitable et revigorant.

  5. ath dit :

    Bjr,
    je viens chaque année aux Saintes, et ces 2 fromagers étaient magnifiques.Leur abattage m’a choqué. Le bois joli n’a plus le même cachet.

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