Chaque année, la rentrée, comme on dit, est peut-être pour nous l’occasion d’un nouveau départ, celle de rompre les amarres.
C’est le moment approprié pour vous proposer ce poème.
Les bateaux
Comme des fruits trop mûrs
À l’arbre encore soudés
Somnolant sur l’amarre
Qui les retient au quai
Les bateaux résignés attendent le départ
Océane cueillette qui viendrait les livrer
Aux marchands de projets.
Ils ont les cales pleines
De fret mystérieux
De lourds secrets enfouis
Au coeur des cargaisons
Et de fûts arrimés sentant l’huile et le rhum
Dont les aigreurs se mêlent
À l’iode des poissons
Des ponts.
Ils ont la proue ridée
De ces vieux capitaines
Dont les songes jamais n’atteignent l’horizon
Et le corps buriné
De leur coque écaillée
Parle de meurtrissures
Et de migrations.
Dans les langueurs bleutées
Des chauds après-midi
L’étrave frémissante et la quille lascive
Ils succombent à l’ivresse
Des sournoises caresses
Des eaux flasques
Du port.
Comme eux leurs passagers
Rêvent d’ambitions.
Ils ont le front plissé
Et le coeur alourdi
De marchandises usées
Qu’on refuse aux escales.
Et leur regard glissant le long des bastingages
Est un livre de bord
Où s’inscriront longtemps d’anciennes livraisons
Qu’ils transportent sans fin
De mouillage en voyage
Et de vague en nuage.
Raymond Joyeux
(Poèmes de l’archipel)
Comme dab. J’ai toujours cette impression de lire, de voir de jolis mots, qui me paraissent nouveaux- surtout qu’ils le sont-mais le plus enrageant pour moi c’est que je n’arrive jamais à trouver le lien entre chaque ligne, pour pouvoir donner un sens à tes poèmes.Un jour tu m’expliqueras, Dac…??
Rendez-vous sur les quais des Saintes à une heure où les bateaux sont amarrés au ponton !… Pour répondre sérieusement à ton attente, je te citerai ce mot du grand poète argentin Jorge Luis Borges : » Le sens est quelque chose qui vient s’ajouter au poème. Je sais de manière indiscutable que nous sentons la beauté d’un poème avant de penser à sa signification. »