Une fois n’est pas coutume. L’évocation de cet événement national est une primeur sur ce blog. Avec pour thème cette année, L’ÉPHÉMÈRE. Mais aussi en filigrane la forêt, l’arbre, la fleur. Ephémère comme le temps qui passe, comme le nuage au coucher du soleil, la fleur qui ne vit que « l’espace d’un matin » nous dit François de Malherbe. Mais aussi Ronsard dans sa célèbre
Ode à Cassandre :
Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoit desclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu cette vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil.
Las ! voyez comme en peu d’espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las! las ses beautez laissé cheoir !
Ô vrayment marastre Nature,
Puis qu’une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Donc, si vous me croyez mignonne,
Tandis que vostre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez cueillez vostre jeunesse :
Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir vostre beauté.

Une présentation de Sophie Nauleau
Il en va des mots comme des chansons d’amour qui reviennent par
surprise au détour d’une voix, d’un souvenir, d’une émotion. « J’ai pris la
main d’une éphémère… » Dansait dans ma mémoire. Sans que je sache qui
le premier, de Montand ou Ferré, avait semé ce trouble de l’étrangère en
moi. Adolescents nous ne comprenions pas tout à cette romance des années
folles, ni même à ce poème que l’on disait roman inachevé, mais pressentions
ce mystère de « l’éternelle poésie » qu’Aragon dilapidait sans crier gare.
Une seule et unique voyelle, quatre fois invoquée, entre la fièvre, le
murmure, la foudre, l’imaginaire, l’insaisissable, l’à-venir, l’impensé, le
maternel, le fugace, la soif, l’énigme, le précaire, l’effervescence, le friable,
l’envol, l’impermanence… Plus vaste que l’antique Carpe Diem et plus vital
aussi, L’Éphémère n’est pas qu’un adjectif de peu d’espoir. C’est un surcroît
d’urgence, de chance et de vérité. Une prise de conscience toute personnelle
et cependant universelle, comme un quatrain d’Omar Khayyam, un haïku
d’hiver, un coquelicot soudain, une falaise à soi, un solstice d’été, un arbre
déraciné ou la vingtaine de numéros d’une revue de poètes du siècle dernier.
Il est temps de sonder à nouveau L’Éphémère. De ne pas attendre
à demain. De questionner ici et maintenant la part la plus fragile, la plus
secrète, la plus inouïe de nos existences.

L’instant présent
J’avance sur la pointe
du temps
Je me faufile entre les bornes
de l’éternité
Clandestinement comme un voleur
Je dénoue de la durée
l’inconsistante présence
L’illusoire permanence
de l’instant.
Raymond Joyeux
Indécises Saisons
Les Ateliers de la Lucarne 2016
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Personne n’est plus soi-même
Personne n’est plus soi-même quand la nuit guerrière
s’annonce, personne. On sent que l’ennemi n’est pas
loin, que chaque mur est dangereux et masque
des fureurs prêtes à fondre sur nous. Or le ciel – le
ciel est pleins d’étoiles filantes, on pourrait croire
qu’il suffit de faire un vœu pour que tout rentre
dans l’ordre, même la lune sourit aux fenêtres
inquiètes. Le monde semble paisible, il fait doux,
on aimerait entendre des rires, des voix chantantes,
pas ces tragiques coups de feu prêts à parler pour
nous. On touche du doigt le désastre, voici
les premières fusillades, on s’effondre, on rampe,
la mort boit, comme un ivrogne forcené, le sang
de ceux dont les chemins furent pourtant les mêmes.
Richard Rognet
Dans les méandres des saisons
Gallimard 2016
Bonne fête de la poésie à tous
avec une pensée solidaire pour le peuple ukrainien
honteusement massacré par un tyran.
Tout poème adressé au blog avec le nom de l’auteur sera bienvenu et publié dans les commentaires.
Merci pour votre participation.
Publié par Raymond Joyeux
le 14 mars 2022
Bonjour, Raymond
J’ai trouvé ce poème sur le site https://www.poetica.fr
Il me touche et j’espère que comme moi, vous l’aimerez.
A bientôt.
Eternité
Kamal Zerdoumi
Un peu de nos morts
vit en nous
un peu de leur or
luit en nous
Ce sont nos étoiles
dans la nuit du corps
ce sont nos voiles
dans l’ennui des ports
La ressemblance
nous lie aux ancêtres
étrange alliance
du temps et de l’être
Kamal Zerdoum