Disponibilité, partage et management municipal : réflexion sur la politique de proximité

Entre 1989 et 1993, l’opposition municipale à Terre-de-Haut s’était organisée en association déclarée et avait créé un périodique, sous la forme d’une publication mensuelle de format A4 de 8 pages d’articles, d’analyses, de propositions et, il faut le dire aussi, de critiques à l’égard du pouvoir en place depuis 1974. Ce journal avait pour nom L’IGUANE. Nom qui, en plus d’être celui de l’emblème officiel de notre commune, était en réalité un sigle résumant une démarche associative et une perspective ouvertement politique : Intérêt Général et Union pour l’Action Nouvelle et l’Évolution. Au total, 224 pages d’informations, de réflexion, de propositions en trois ans d’existence, aujourd’hui déposées aux Archives départementales et consultables par tous. Ce qui n’était quand même pas rien pour une petite commune comme Terre-de-Haut ! Et sans doute, toutes proportions gardées, du rarement vu ailleurs en Guadeloupe et, osons le dire, au-delà !

Ce qui était principalement reproché aux dirigeants de l’époque dans ce journal, c’était leur manque de disponibilité pour les administrés, le refus de partager les responsabilités au sein du conseil municipal, l’absence d’information à la population et un management communal où prédominaient le rejet de toute opposition à leurs prérogatives et une discrimination flagrante entre administrés, créant ainsi deux groupes antagonistes dans la population : ceux qui avaient bien voté et les autres, qualifiés d’irrécupérables, selon le mot même d’un ancien élu aujourd’hui disparu.

Disponibilité

Choisi par une majorité d’électeurs et confirmé dans sa fonction par le vote du conseil municipal, un maire, devrait, à l’évidence et avant toute chose, faire preuve de disponibilité. Il n’a pas été élu pour rester confiné en permanence dans son bureau, comme dans une tour d’ivoire. Sinon pourquoi se serait-il présenté aux suffrages de ses concitoyens qu’il a côtoyés journellement au cours de sa campagne pour solliciter leurs voix, puis pour leur donner, une fois élu, l’impression de ne plus être utiles et d’être abandonnés ? Dans une petite commune comme la nôtre rien ne serait plus facile que de parcourir régulièrement les rues pour un salut amical, une poignée de main, un mot, une simple présence qui renforceraient la confiance mutuelle et l’unité de la communauté. Des maires par le passé l’ont fait chez nous avec bonheur, et sans donner le sentiment de s’abaisser, bien au contraire. Nous pensons à Théodore Samson, Georges Azincourt, Eugène Samson, René Germain qui n’ont pas tous leur nom inscrit au palmarès des rues de la commune.

 Une autre forme de courtoisie et de civilité élémentaire serait de répondre au courrier des administrés et d’accepter les demandes de rendez-vous, en ménageant s’il le faut un planning avec des jours et horaires dédiés. Rien n’est plus frustrant en effet pour le citoyen lambda de ne jamais recevoir de réponse à ses lettres, quel qu’en soit l’objet, ou de toujours se voir refuser un rendez-vous, sous prétexte d’un dossier important à instruire ou d’un surplus de travail… Terre-de-Haut n’est quand même pas Paris ! La proximité immédiate avec la population devrait être un atout pour nos élus insulaires, censés être au service des citoyens. Le meilleur moyen de pervertir cette obligation de service serait de la reléguer au placard des slogans électoralistes mensongers et racoleurs… comme beaucoup d’autres, hélas !

Partage des responsabilités

Un maire ne peut et ne doit évidemment pas tout faire seul dans sa commune. Quelle que soit par ailleurs l’importance de cette commune. Il est secondé par des conseillers et des commissions déléguées aux différentes affaires qui structurent la vie et l’essence même du conseil municipal et, au-delà, de la communauté. Ce sont ces commissions et ces délégations qui non seulement déchargent le maire de nombreuses responsabilités mais qui devraient avoir le pouvoir de mener leurs dossiers à leur terme, en passant bien entendu par l’approbation de l’ensemble des conseillers lors d’un vote. Si, par un excès d’autoritarisme ou prenant prétexte de ses prérogatives, (car il en a, et de trop nombreuses à notre avis), le maire s’oppose au travail des commissions ou l’oriente à son avantage, il entrave et annihile nécessairement le bon fonctionnement des délégations qu’il a lui-même créées et approuvées. Et c’est la débandade au sein du conseil et de la majorité… À ce propos, de l’écrivain Robert Procida, né de mère saintoise et dirigeant de diverses associations, citons le passage suivant extrait d’un récent ouvrage publié aux éditions Orphie : « Un président (d’association) est en mesure de réussir sa mandature dès lors qu’il est entouré d’une équipe soudée, forte de la reconnaissance qui est faite à chacun de ses membres pour son domaine de talents, de compétences et d’excellences. Chaque maillon de la chaîne a de la valeur, sa valeur, et c’est important de la distinguer. La confiance au sein du groupe est capitale et doit être naturellement réciproque. » Ce qui est valable pour une association n’est-il pas encore plus, a fortiori, pour une municipalité ?

Écoute et Information

À quoi servirait un maire qui n’aurait pas la faculté d’écouter ses conseillers et ses concitoyens lors d’échanges au sein et hors du conseil municipal ? Déjà, une réunion de ce conseil où les assistants n’ont pas droit à la parole est une aberration. Si c’est la loi qui l’exige, nul responsable n’est tenu de l’accepter et un maire attentif et ouvert devrait passer outre à cette disposition.On appelle cela la démocratie participative. Encore un beau slogan trop souvent relégué lui aussi au placard des oubliés ! Mais il ne suffit pas de se contenter d’écouter. Encore faut-il tenir compte des observations faites et surtout informer, informer, informer… On ne cessera jamais assez de le marteler : rien en effet ne doit se faire ou se projeter dans une commune au nom de la collectivité sans que le citoyen en soit informé. Ce sont ses impôts qui financent en grande partie projets et réalisations, il doit savoir où passe son argent. Mais informer de quelle façon, par quel moyen ? Un affichage en mairie ne suffit pas, encore moins une publication tronquée sur Facebook auquel tout le monde n’a pas forcément accès. Dans une petite communauté comme la nôtre, chaque foyer devrait recevoir chez lui, sur un support imprimé, les comptes rendus détaillés du conseil municipal, des décisions prises ou à prendre, du coût des opérations abouties ou entreprises. Ça peut coûter cher peut-être, mais quoi qu’il en coûte, c’est indispensable si l’on veut faire vivre chez nous – comme ailleurs – la démocratie, toute la démocratie où le citoyen se sentirait impliqué et partie prenante de la vie de sa commune… Un souhait exprimé voilà plus de 30 ans déjà dans L’IGUANE et que nous reformulons ici aujourd’hui, avec l’espoir qu’il sera enfin entendu. Pour que notre commune ne sombre pas, aux yeux de ses propres habitants, dans l’Atlas des îles abandonnées.

P.S.Tout rapprochement avec l’origine des malheureux événements qui ont récemment secoué le conseil municipal de Terre-de-Haut serait totalement inapproprié et relèverait de la plus malveillante imagination…

Publié par Raymond Joyeux
le 20 mars 202
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