Week-end pascal 2020 à Terre-de-Haut, sans festivités ni régates traditionnelles…

La Samedi Gloria et le rite de l’eau baptismale

Avant le Concile de Vatican II en 1963, sous le pontificat du pape Jean XXIII, la liturgie catholique du Samedi Saint consistait en la bénédiction de l’eau sur le parvis des églises. Eau bénite, symbole et élément de purification, qui devait servir aux baptêmes de l’année en cours et aux autres rites d’aspersion lors de diverses cérémonies religieuses. Paradoxalement ce n’était pas à la messe de la Résurrection du dimanche de Pâques que les cloches, restées silencieuses durant la Semaine Sainte, « ressuscitaient ». C’était la veille, donc le samedi, au moment où le célébrant entonnait le Gloria au cours de la bénédiction de l’eau qui avait lieu dans la matinée, autour de 9 heures. D’où l’expression de Samedi Gloria. Ce jour-là, le dernier du carême, au moment précis où se déclenchait la volée interminable des cloches, la plupart des habitants de Terre-de-Haut, rassemblés sur le rivage, se jetaient à la mer tout habillés, en signe de purification tant corporelle que spirituelle. Les maisons étaient nettoyées de fond en comble et leur plancher récuré, le plus souvent avec des feuilles odorantes de ti-baume et la peau rugueuse de balistes – ou bourses – qu’on avait pris soin de récupérer durant l’année et fait sécher pour la circonstance.

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Eglise de Terre-de-Haut et son parvis arrondi où l’eau était bénite le Samedi Gloria

La tradition saintoise de la mini régate

Mais l’événement majeur à Terre-de-Haut de ces Samedis Gloria, d’avant le Concile de 1963, c’était la traditionnelle régate de petits voiliers, prélude aux festivités qui allaient suivre. Une flottille de ces yachts miniatures prenait le départ du Fond-de-Curé ou du Mouillage pour la très populaire compétition d’avant Pâques. Les jeunes garçons suivaient à la nage leurs magnifiques voiliers effilés que quelques semaines auparavant ils avaient amoureusement façonnés, artistiquement peints en bleu et blanc, lestés de plomb et gréés de voiles blanches. Les paris allaient bon train et l’enthousiasme général incitait nos armateurs de 13-14 ans, lors de nombreux entraînements, à perfectionner leur coupe et leur gréement, à mieux équilibrer leur quille et leur lestage.

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Maquette de voilier – Réalisation Roméo Léon

Quand la célébration de la lumière supplante le rituel de l’eau bénite

Cette sympathique tradition a malheureusement disparu au cours des années qui suivirent la suppression par le concile Vatican II de la bénédiction de l’eau baptismale dans la matinée du Samedi Saint. Le rite de l’eau bénite a été en effet remplacé par la célébration de la lumière. Si bien que depuis cette date, les cloches, au lieu de carillonner en plein jour, ne ressuscitent qu’en début de nuit, quand l’officiant, les enfants de chœur et les fidèles, chandelles et cierges allumés, entrent en chantant dans l’église laissée pour l’occasion dans l’obscurité. Privés du repère liturgique des cloches ressuscitées, les amateurs de régates et du bain purificateur du samedi gloria abandonnèrent peu à peu leurs pratiques qui se perdirent dans les oubliettes de l’histoire.

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Célébration catholique de la Lumière la veille de Pâques – Doc Internet

Une heureuse relève

Par la suite, heureusement, au fil des années, aux Saintes, ce furent de vrais voiliers qui prirent la relève des miniatures lors de régates grandeur nature organisées à Pâques par une association locale créée le 24 février 1991, la bien nommée À Dieu Vat… Occasion pour les visiteurs et surtout pour toute une population d’hommes, de femmes et d’enfants de vibrer aux exploits des équipages, heureux de se retrouver unis pour faire la fête durant trois jours et d’oublier, en même temps que les privations du Carême, les querelles et les dissensions qui avaient pu les opposer…  

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Régate pascale de voile traditionnelle à Terre-de-Haut en 1993 – Ph. Raymond Joyeux

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Rassemblement multicolore de saintoises traditionnelles. Ph. Raymond Joyeux

Et c’est pendant 25 ans que cette Association, aujourd’hui en sommeil, fit les beaux jours des réjouissances pascales, grâce à son comité organisateur bénévole, sans soutien financier autre que celui des sponsors… En effet, en plus des compétitions officielles, comme le championnat de Guadeloupe de voile traditionnelle, ou celles, parmi d’autres, de la Toussaint, de la Pentecôte, de l’Ascension, du 15 août…  c’était chaque année à Pâques qu’était organisée sur 3 jours une série de régates, occasion d’une ferveur populaire qui dépassait le cadre de notre petit archipel puisqu’à plusieurs reprises, les canots de Saint-Barth et les yoles martiniquaises ont été associés au spectacle et aux compétitions.

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Régate de yoles martiniquaises à Terre-de-Haut Pâques 1992 – Ph. R. Joyeux

En attendant des jours meilleurs

En cette exceptionnelle année 2020, pour les raisons que nous connaissons, ni régates ni aucune autre manifestation festive à l’horizon pour ce week-end pascal aux Saintes. Vivant sur le terrible volcan du coronamachin, nous resterons confinés à la maison avec l’espoir que  notre population et ses traditions connaissent le plus tôt possible des jours meilleurs.

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Rassemblement populaire à l’occasion d’une régate pascale à Terre-de-Haut.

C’est fort de cette espérance qu’à chacune et chacun d’entre vous, des Saintes comme d’ailleurs, je souhaite de joyeuses fêtes pascales en famille.
En vous remerciant chaleureusement pour votre amicale fidélité.

Publié par Raymond Joyeux
le vendredi 10 avril 2020

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