Le nom des quatre candidats pour Terre-de-Haut dévoilé
À trois mois des échéances électorales, bien que seuls deux candidats aient publié à ce jour leur déclaration écrite officielle de candidature, nous connaissons le nom des quatre prétendants probables à la mairie de Terre-de-Haut pour 2020. Il s’agit du maire sortant, M. Louly Bonbon, de Mme Ginette Samson, ex-première adjointe de deux précédentes mandatures, de M. Engel Molinié, professeur de collège et de M. Hilaire Brudey, conseiller municipal d’opposition et membre du Conseil départemental.
Une interview très instructive
À la veille de ces élections et avec bientôt 55 ans de recul, voici l’interview qu’avait donnée au Journal L’Étrave M. Denis Cassin, à l’issue de son échec aux municipales du 14 mars 1965, contre M. Eugène Samson, le maire sortant de l’époque, réélu ce jour-là avec 64% des suffrages.
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Candidat malheureux aux élections municipales, M. Denis Cassin a bien voulu répondre à nos questions. Nous l’avons rencontré à Terre-de-Haut une semaine jour pour jour après son échec. Plus décontracté que le dimanche précédent, il était venu assister en simple citoyen à l’élection du Maire et de l’adjoint. (En l’occurrence un seul adjoint au maire en 1965 pour 11 élus.)
Interview réalisée par Raymond Joyeux en mars 1965, publiée dans le mensuel L’ÉTRAVE N° 3 du mois d’avril de la même année
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Raymond Joyeux : M. Cassin, c’était la première fois que vous vous présentiez à des élections. Vous avez été battu, pensez-vous avoir subi une grande défaite ?
Denis Cassin : Il n’y a de défaite dans quelque domaine que ce soit que, lorsque celui qui en est le sujet vit un désenchantement personnel. Or aux dernières élections je ne cherchais pas une victoire personnelle. J’ai simplement représenté le choix d’une partie de la population. Il s’est trouvé que mon adversaire a obtenu la majorité des choix. On ne peut donc pas parler en ce qui me concerne de défaite au sens strict du mot.
R.J. : Estimez-vous cependant que ce choix aurait pu être plus étendu en votre faveur, autrement dit escomptiez-vous plus de voix que vous en avez obtenu ?
D.C : Certainement. Et j’ai été déçu par le revirement inattendu d’un bon nombre de mes partisans. D’autre part, certains éléments que je croyais abstentionnistes ont voté à mes dépens, ce qui fit pencher la balance contre mes prévisions.
R.J. : À quoi attribuez-vous ces revirements inattendus ?
D.C. : Je pense que c’est avant tout une question de mentalité. De nombreux Saintois ont peur de perdre leur voix, aussi votent-ils à la dernière minute pour le candidat qui, à leurs yeux, semble devoir obtenir la majorité.
R.J. : Ne croyez-vous pas plutôt que votre politique sur le terrain n’était pas assez mûre, et que votre campagne pas assez préparée ?
D.C. : Il y a sans doute un peu de cela. Mais n’oubliez pas que 3 mois avant les élections la majorité de la population de Terre-de-Haut réclamait à cors et à cris un candidat contre le maire sortant. À cette époque, on ignorait, tout aussi bien que moi, ma candidature. D’autre part, la répartition des secours au profit des sinistrés* avait fait pas mal de mécontents, et en janvier, une adjudication accentua ce mécontentement. Je pensais alors que ma politique était toute tracée et qu’il suffisait simplement de l’entretenir. Malheureusement je me trompais sur la mentalité saintoise, car ceux-là mêmes qui critiquaient le plus la municipalité ont été les premiers à voter pour son maintien.
* Sinistrés du cyclone Cléo qui en août 1964 avait ravagé la Guadeloupe sans épargner les Saintes. (NDLR)
Ravages du Cyclone Cléo aux Saintes en août 1964
R.J. : Trois mois avant les élections, vous prétendez que vous ignoriez vous-même si vous alliez être candidat, qu’est-ce qui vous a poussé brusquement à former une liste ?
D.C : Deux facteurs principaux ont été à l’origine de ma candidature à Terre-de-Haut. D’abord la carence traditionnelle du conseil municipal, puis ce mécontentement dont je vous ai parlé. Aussi mon but n’a jamais été de m’opposer systématiquement à un homme, comme beaucoup ont voulu le croire, mais de chercher à remédier à une situation que la population désapprouvait fortement. La responsabilité de ma candidature repose d’autre part uniquement sur moi. Aucun de mes amis, aucun de mes partisans doit être accusé de m’avoir contraint à une politique d’opposition, aucun parti politique ne m’a délégué.
R.J.: Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de la victoire du candidat UNR-UDT à Terre-de-Haut ?
D.C. : Le succès remporté par le candidat UNR à Terre-de-Haut devrait se passer de commentaires. La population a nettement fait son choix. Il lui revient désormais d’exiger de ses représentants la réalisation de leurs promesses, mais il lui revient également de ne point crier misère si par la suite elle se rend compte qu’elle a été trompée.
R.J. : Après ce coup d’essai quels sont vos projets ? Pensez-vous revenir dans 6 ans à Terre-de-Haut prendre une revanche ?
D.C. : Je m’attendais bien évidemment à cette question que se posent beaucoup de Saintois. Je dirai tout d’abord que je n’ai aucune revanche à prendre, car je n’ai pas combattu pour moi-même mais pour le bien de ma commune. D’autre part puisque ma commue n’a pas voulu de moi le 14 mars, ce n’est pas dans 6 ans qu’elle me sollicitera sincèrement.
R.J. : Elle ne vous a pas choisi le 14 mars sans doute en partie parce que, aux dires de certains, vous étiez trop jeune. Dans six ans vous aurez 34 ans. Peut-être alors ?…
D.C.: Ce n’est pas parce que je suis trop jeune que les Saintois n’ont pas voulu de moi. C’est surtout parce que je ne possède ni bateau, ni boulangerie ni bistrot.*
*Allusion aux différents biens de son adversaire à cette époque-là. (NDLR)
R.J. : À vous entendre on est porté à conclure que votre carrière politique n’aura duré qu’un jour. Cette conclusion vous paraît-elle juste ?
D.C. : Pas tout à fait puisqu’avant le jour du vote il y a eu toute la campagne électorale. Mais je crois qu’elle s’arrête effectivement au 14 mars. Il faut en effet un courage extraordinaire pour affronter les élections aux Saintes. Surtout lorsqu’on est sincère avec soi-même et avec les autres, c’est-à-dire lorsqu’on ne recherche pas les honneurs, lorsqu’on ne vient pas forcer le choix des électeurs et lorsqu’on reste intégraement loyal envers ses adversaires.
R.J. Les lecteurs de L’Étrave vous remercient, M. Denis Cassin, pour vos réponses et pour votre dernière réflexion qui servira de conclusion à cette interview.
PS. Contrairement à sa déclaration de 1965, 12 ans après cette interview, M. Denis Cassin s’est représenté aux élections municipales de Terre-de-Haut en 1977, contre le maire sortant, M. Robert Joyeux, mais toujours sans succès…

Place et Mairie de Terre-de-Haut début des années 60
Publié par Raymond Joyeux, le 12 décembre 2019
Cet interview est intéressant, un saintois qui parle de la mentalité saintoise !
C’est curieux, voilà quelques jours, je faisais quelques pas dans le village avec un Monsieur qui me disait ceci : « je vous le dis Madame, pour les élections, il serait (il parlait de l’ex maire déchu) encore là, ils voteraient pour lui »
Je me suis étonnée de ces propos et il m’a répondu « si, si Madame c’est la mentalité saintoise et elle n’est pas prête de changer »
Je me suis refusée de croire en ces propos pensant à un mécontent, un grincheux.
Aujourd’hui ça m’interpelle qu’un saintois en 2019 tienne le même langage qu’il y a 55 ans !
Inquiétant pour le devenir de Terre d Haut,
étrange n’auraient-ils donc pas grandis ces saintois ?