Federico Garcia Lorca ou la poésie assassinée
Si, en passant par Grenade, en plus des autres monuments de la ville, une visite de l’Alhambra s’impose, les amoureux de la poésie dont je suis ne sauraient manquer de se rendre au parc dédié au célèbre écrivain andalou que fut Federico Garcia Lorca. Né le à Fuente Vaqueros près de Grenade, il fut exécuté le par les milices franquistes. Son corps n’a jamais été retrouvé.

Vue de Grenade – Ph. R. Joyeux
Poète, romancier, dramaturge, compositeur, Federico Garcia Lorca est entre autres, l’auteur du Romancero gitan, le plus célèbre de ses recueils. « Le poète y met en scène l’Andalousie et le monde gitan dans une tragédie musicale et poétique. Il y chante le drame de la condition humaine et les liens de l’amour fou avec la mort.. » (4ème de couverture du N° P 1871 de la Collection Points Poésie qui publie en édition bilingue le Romancero Gitan, traduit par Alice Becker-Ho).

F.G. Lorca jeune – Ph. Wikipedia
Parmi les textes exceptionnels du Romancero Gitan, je vous propose ce superbe poème intitulé La femme adultère, dans une traduction de Jean Prévost. Poème que l’on retrouve enregistré par Robert Etcheverry accompagné à la guitare par Manitas de Plata sur le site suivant : Guitare et poésie
La femme infidèle
A Lydia Cabrera y a su negrit
Je la pris près de la rivière
Car je la croyais sans mari
Tandis qu’elle était adultère
Ce fut la Saint-Jacques la nuit
Par rendez-vous et compromis
Quand s’éteignirent les lumières
Et s’allumèrent les cri-cri
Au coin des dernières enceintes
Je touchai ses seins endormis
Sa poitrine pour moi s’ouvrit
Comme des branches de jacinthes
Et dans mes oreilles l’empois
De ses jupes amidonnées
Crissait comme soie arrachée
Par douze couteaux à la fois
Les cimes d’arbres sans lumière
Grandissaient au bord du chemin
Et tout un horizon de chiens
Aboyait loin de la rivière
Quand nous avons franchi les ronces
Les épines et les ajoncs
Sous elle son chignon s’enfonce
Et fait un trou dans le limon
Quand ma cravate fût ôtée
Elle retira son jupon
Puis quand j’ôtai mon ceinturon
Quatre corsages d’affilée
Ni le nard ni les escargots
N’eurent jamais la peau si fine
Ni sous la lune les cristaux
N’ont de lueur plus cristalline
Ses cuisses s’enfuyaient sous moi
Comme des truites effrayées
L’une moitié toute embrasée
L’autre moitié pleine de froid
Cette nuit me vit galoper
De ma plus belle chevauchée
Sur une pouliche nacrée
Sans bride et sans étriers
Je suis homme et ne peux redire
Les choses qu’elle me disait
Le clair entendement m’inspire
De me montrer fort circonspect
Sale de baisers et de sable
Du bord de l’eau je la sortis
Les iris balançaient leur sabre
Contre les brises de la nuit
Pour agir en pleine droiture
Comme fait un loyal gitan
Je lui fis don en la quittant
D’un beau grand panier à couture
Mais sans vouloir en être épris
Parce qu’elle était adultère
Et se prétendait sans mari
Quand nous allions vers la rivière
Federico Garcia Lorca, extrait de « El Romancero Gitano »
Traduction Jean Prévost
En espérant que cette chronique vous aura plu, je vous souhaite une bonne continuation de vos vacances et vous retrouve bientôt pour une nouvelle publication.
Pour ma part, je poursuis mes pérégrinations ibériques par Tolède et Saragosse jusqu’au samedi 3 août avant de regagner la Bourgogne via Toulouse le 6.
Amitiés à toutes et à tous avec mes remerciements pour votre sympathique fidélité.
Raymond Joyeux
Merci de nous raconter votre voyage … en poésie. Bonne continuation.