Chers lecteurs,
Alors que je m’apprêtais à mettre en ligne le témoignage ci-dessous consacré à Éric Bourguit, brusquement décédé le 4 septembre dernier, notre ami Claude Décator nous faussait compagnie, m’obligeant à différer ma publication pour suivre au plus près cette triste actualité. L’annonce et le passage avorté du cyclone Isaac a de plus perturbé la programmation des chroniques du blog. Aussi vous demanderais-je de bien vouloir excuser ce décalage indépendant de ma volonté. J’ai par ailleurs évoqué une triste actualité touchant ces derniers mois la communauté saintoise de Terre-de-Haut. En effet, et tout le monde en parle aux Saintes, pas moins de 17 membres de notre petite collectivité nous ont quittés depuis le début de cette années 2018, sans compter deux personnes étrangères à la commune qui ont été retrouvées noyées cet été, l’une à l’îlet à cabris, l’autre à Pompierre. Un pourcentage de décès inhabituel, et inquiétant selon certains, qui n’hésitent pas à parler sinon de malédiction, du moins d’étrangeté…
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Une communauté unie dans le recueillement
Ce samedi 8 septembre 2018, la population de Terre-de-Haut, en communion avec la famille, accompagnait en sa dernière demeure Éric BOURGUIT, responsable depuis peu des services techniques municipaux, subitement et prématurément décédé quelques jours auparavant à l’âge de 57 ans. Dans l’église paroissiale trop petite pour la circonstance, la ferveur et le recueillement étaient de mise au cours d’une cérémonie des plus sobres, à l’image du disparu, ponctuée seulement des chants prenants de la chorale, de l’homélie de M. le Curé et de deux témoignages d’une exceptionnelle teneur…
Celui de son fils Tony d’abord *, sublime poème d’amour et de respect à l’adresse de son père dont il rappelle avec beaucoup d’émotion contenue, les qualités et les vertus, sans jamais tomber ni dans la résignation ni dans le mélo. Celui du maire ensuite, M. Louly Bonbon, sur un texte d’Olivier Déher, qui a rendu un hommage appuyé aux 25 années d’engagement d’Éric au service de la collectivité, associant la communauté saintoise en son ensemble à la douleur et au deuil de la famille. Ce sont ces deux témoignages empreints de dignité que je vous propose aujourd’hui de lire et de méditer, en remerciant leurs auteurs de me les avoir aimablement transmis. Puissent-ils permettre à chacun d’entre nous de mieux connaître, par-delà l’absence, notre ami Éric Bourguit toujours égal à lui-même et dont la discrétion souriante le disputait au désintéressement et à l’aptitude à rendre service en toutes circonstances. À l’occasion de cette chronique, nos pensées vont à son épouse Marie-Chantal, à ses enfants et à ses proches à qui nous souhaitons courage et sérénité dans l’épreuve qui les frappe aujourd’hui.
Témoignage de Tony Bourguit
Mon père n’aime pas trop les grands discours
n’est pas du genre à se répandre.
C’est un taiseux
Il est comme une statue, une stèle.
Puissant mais inerte
Eloquent et silencieux
Robuste mais sensible
Parti mais bien présent
Oui, mon père se raconte en paradoxes.
Comme les légendes
comme les héros
Mon père se raconte au présent.
Il ne se raconte pas sur le ton du manque
que son absence provoque.
Il ne se raconte pas sur le ton du vide
qui le remplace.
Il se raconte sur le ton d’une éternité.
Et c’est bien pour cela que je parle de lui au présent.
Nous ne pleurons pas les personnes disparues.
Nous pleurons notre brutale incapacité à les voir,
à les toucher à les sentir.
Nous pleurons la privation de nos sens.
Mais nous gagnons le droit de les ressentir.
Nous gagnons la responsabilité de les faire vivre.
En se remémorant.
En parlant d’eux.
En les aimant à la mesure de notre chagrin.
Puisque l’on pleure tous à la naissance,
il est normal que l’on pleure tous quand la mort arrive.
Si la naissance est le fruit de l’amour, je ne vois pas pourquoi cela serait différent après cette vie.
Papa.
Tu vas nous manquer.
Et nous t’aimons.
Nous essaierons d’être le moins triste possible même si c’est dur.
Et nous réussirons.
Nous essaierons d’être le plus digne possible même si c’est dur.
Et nous réussirons.
Mais nous ne t’oublierons jamais car ça c’est impossible.
Et la difficulté n’est rien face à l’impossible.
*
Hommage du conseiller municipal Olivier Déher
lu par le maire Louly Bonbon
« Nul homme qui aime son pays ne peut l’aider à progresser s’il ose négliger le moindre de ses compatriotes. » disait Ghandi.
Cette citation, Eric, tu n’en fis pas simplement le cœur de ton engagement ce jour d’avril 1994 où tu te mis au service de la collectivité. Tu l’as incarnée. Tu lui as offert ton visage, ta voix, ton sourire, tes vertus, ta personnalité toute entière qu’aucun de ceux ici présent pour te rendre hommage, ton épouse, tes enfants, ta famille, tes amis, tes collègues mais aussi chaque habitant de notre commune pour qui tu as consacré tant d’années de dévouement à te lever aux aurores, ne pourra oublier.
Tu étais attaché aux valeurs du travail, la clef de la réussite. Tu croyais en ses fruits, aux lendemains qu’il promettait et au progrès qu’il amenait. Tu apportais une qualité toute particulière à l’accomplissement des tâches avec rigueur et abnégation.
Exemplarité, excellence, sens du devoir, courage, bonté, don de soi au service des autres et honnêteté, tu en faisais un honneur et y mettais toute ta motivation, au point d’être devenu une personnalité charismatique de la vie saintoise en toute humilité et discrétion.
Investi et volontaire, tout le monde t’accordait son entière confiance et tu ne manquais pas une seule fois de l’honorer.
C’est en vertu de ces qualités que tu avais été en juillet dernier nommé au poste de responsable des services techniques. Une promotion à laquelle tu t’étais vite familiarisé mais où hélas tu n’auras pas eu le temps de t’épanouir.
Tu aimais tes concitoyens. Tu les aimais parce que profondément tu les respectais.
Aujourd’hui il nous est difficile de réaliser que tu nous as laissé. Avec ta disparition, Terre-de-Haut, ton île d’adoption ne perd pas seulement un agent public, elle perd l’un de ses fils.
A ta femme Marie-Chantal, à tes enfants, Tony, Mélissa et Jean- Samuel qui te pleurent, je veux dire la peine et la tristesse de tous ceux qui t’ont aimé.
Leur douleur est la nôtre.
Qu’il me soit permis de leur exprimer toute ma compassion et mon amitié.
Alors laisse-moi te dire, Eric, une dernière fois, devant ton cercueil recouvert, ces quelques mots au nom de tous.
Tu vas nous manquer.
Tu manqueras à chacun d’entre nous.
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.À Dieu, Éric. La population de Terre-de-Haut qui t’a accompagné à l’église et au cimetière en cette matinée ensoleillée du samedi 8 septembre se souviendra longtemps de ta serviabilité et de ta discrétion.
Repose en paix, et que la force soit avec ta famille et tes proches à qui nous adressons nos plus sincères condoléances et notre entière sympathie.
La photo de présentation m’a été aimablement communiquée par son fils Tony que je remercie vivement
R.J.
PS. À l’heure où nous publions cette chronique, lundi 17 septembre, nous apprenons le décès de Madame Hermence Maisonneuve née Pineau, 86 ans.
À sa famille dans la peine nous présentons nos plus sincères condoléances..
Rectificatif,
Dans un précédent post, j’avais signalé à tort le décès de Mme Agnès Cassin née Cladier. Je présente toutes mes excuses à ses enfants et à sa famille. Aux dernières informations, Mme Agnès Cassin se porte bien, son fils Christophe m’a confirmé cette bonne nouvelle. Je suis particulièrement désolé de cet impair et rassure tous les parents, proches et amis de la famille qui se sont inquiétés à tort suite à cette fausse info qui a malencontreusement circulé dans le bourg.
je perds encore un ami très cher, Eric nos conversations nos échanges nos épanchements nos encouragements mutuels vont me manquer. Tu me laisses bien triste que la paix soit avec toi ami.
L’augmentation des décès sur l’île n’a rien de surprenant. Elle est en partie l’écho du baby-boom des années 50.
Ce qui est plus inquiétant est la baisse des naissances : seulement trois bébés sur l’île en 2017 !
Cette baisse est symptomatique du manque de confiance des jeunes Saintois en leur avenir, et des inégalités croissantes de revenus sur l’île.
Une petite minorité de Saintois profite en effet largement de la manne touristique, amassant parfois de véritables fortunes, alors que la majorité des jeunes sur l’île ne voient que l’exil comme solution pour eux. Le recours à des immigrants pas mieux lotis qu’eux ne fera qu’aggraver la situation.
Une meilleure répartition de la richesse collective, par le biais d’une taxe municipale sur les activités touristiques les plus rentables, pourrait être une voie à explorer. Elle pourrait être facilement répercutée aux touristes de passage, prêts à « casser leur tirelire » quand ils sont en vacances au loin, sans affecter en rien leur nombre sur l’île.