C’est dans cette brochure touristique (photo ci-contre) intitulée tout simplement Guadeloupe, publiée en 1974, puis successivement en 1975 et 1978 aux Éditions du Pacifique*, que j’ai découvert cet article sur notre archipel saintois. Vous sachant toujours très friands de tout ce qui touche nos îles, c’est avec plaisir que je vous propose cette originale présentation, rédigée il y a 43 ans par Bob Putigny, écrivain, ancien correspondant de l’AFP et auteur d’ouvrages, entre autres, sur Tahiti et l’Île de Pâques. Les illustrations, sauf autre précision d’origine, sont tirées de la brochure et ont pour auteurs les photographes Bernard Hermann et Michel Folco dont vous trouverez aisément les biographies détaillées sur Internet. À la veille des fêtes de fin d’année, j’espère que cette dernière chronique de 2017 vous intéressera, et profite de l’occasion pour vous souhaiter à toutes et à tous un très Joyeux Noël et une bonne année 2018, avec toute mon amitié et mes remerciements pour votre fidélité. Raymond Joyeux
Pour connaître les publications des Éditions du Pacifique, cliquez sur le lien ci-dessous :
http://www.leseditionsdupacifique.com
Découverte : novembre 1493
Ce petit archipel, à une quinzaine de kilomètres dans le sud de la Basse-Terre de la Guadeloupe, ne possède, si l’on néglige les îlets minuscules, que quatre îles dignes de ce nom : Terre-de-Haut, Terre-de-Bas, Grand Îlet, Îlet à Cabrit. Découvert le jour de la Toussaint 1493 par Christophe Colomb, il reçut de ce fait le nom de « Los Santos » : Les Saintes. Vues de la mer, ces îles, en tout 1467 hectares de rocher, de terre et de sable, se présentent comme des collines arrondies, par endroit dénudées. La végétation est rabougrie, composée principalement de fourrés et de cactus, hantée par les iguanes, lézards monstrueux, certains atteignent un mètre cinquante de longueur. Parfaitement inoffensifs malgré leur tête crêtée aux yeux brillants, leur corps long et disgracieux couvert d’écailles, ils semblent venir tout droit des époques antédiluviennes.

Iguane commun des Saintes – Photo Raymond Joyeux – décembre 2017
Les cultures sont plutôt rares et se limitent à quelques champs de maïs et de manioc. Cependant les reliefs accentués légèrement boisés offrent quelques possibilités d’élevage : chèvres, cabris et volailles.
La pêche, principale ressource

Pêcheurs saintois remaillant leur filet – Photo Brochure Guadeloupe – 1974
Mais le climat lui-même est très sec, les pluies sont infiniment plus rares qu’à la Guadeloupe, cependant très proche, et la principale ressource de l’archipel reste la pêche. On pratique ici indifféremment : la pêche à la traîne, à la senne, au casier et, le soir sur les plages, lorsque les bateaux rentrent, on peut y admirer les plus magnifiques étalages de grands poissons des Caraïbes : tazars, thons, dorades, bonites et de poissons locaux aux noms charmants et drôles : les z’œils-de-bœuf, les z’oreilles noires, les grand-gueules. Ces pêcheurs-nés, les Saintois, sont originaires de l’Armorique, mais apparemment plus mélangés que les Saint-Barts, « habitants de Saint-Barthélemy ». De fréquents métissages ne les empêchent pas d’avoir encore des enfants blonds et de se proclamer Bretons. Certains prétendent même descendre des corsaires. Il faut reconnaître qu’ils ont belle allure avec leur haute taille et leurs larges chapeaux de paille. Ce sont aussi d’habiles charpentiers de marine. Ils construisent des bateaux aux formes allongées avec lesquels ils sortent pour aller à la pêche au large ou pour se rendre à Trois-Rivières, sur l’île de la Guadeloupe. Imperturbables, ils naviguent quelles que soient la force du vent et la hauteur des vagues sur ces embarcations appelées comme eux des saintois.
Terre-de-Haut
À Terre-de-Haut qui est à la fois le nom du village et celui de l’île, on baigne dans un sympathique et chaleureux milieu de gens de mer. Très accueillants et hospitaliers, ils vous emmènent volontiers avec eux à la pêche et vous font partager leur existence. En contrebas du village, le sable du rivage est partiellement couvert de barques élégantes et de toutes couleurs, et jalonnée par des pyramides de gros coquillages très décoratifs et éminemment comestibles, les « lambis ».

Barques de pêche saintoises – Photo Brochure Guadeloupe – 1974
De longs filets de pêche sèchent suspendus à des bâtons fourchus. Mais le matin un mouvement incessant se produit dans la rade, des barques partent pour la pêche ou en reviennent, évoluant à toute vitesse et s’arrêtant d’un coup, moteur stoppé ou voiles affalées. Tandis qu’on embarque ou qu’on débarque au milieu des rires et des cris joyeux, car pour les non-initiés, c’est déjà une aventure de prendre place dans un de ces engins rapides, étroits qui manquent de stabilité, tandis que d’autres embarcations chargées à ras-bords assurent les constantes liaisons avec la Guadeloupe.

Saintoises discutant au marché – Photo Brochure Guadeloupe – 1974
Fortifications
Au sommet de Terre-de-Haut, se trouve le fort Napoléon. Ses enceintes, son glacis, ses chemins de ronde, ses remparts sont en parfait état. C’est une curiosité. Construit sous Napoléon, il n’a jamais servi, militairement parlant, contrairement aux autres forteresses antillaises dont les pierres furent plus ou moins piquetées par les balles ou écornées par les boulets de canons. Son sol n’a jamais bu de sang humain, mais constitue une attraction pour les touristes imaginatifs. Il sert de logement aux pacifiques troupes des colonies de vacances et de cachettes aux cabris vagabonds. Ces cachots ont tenu prisonniers, très momentanément, les gaullistes antillais en 1942. Le pendant du fort Napoléon est tout naturellement le fort Joséphine. C’est un vrai fort, celui-là qui a subi l’épreuve du feu. Il lui fait face sur l’Îlet à Cabrit. Mais ses bâtiments sont maintenant transformés en un hôtel confortable et paisible.
Des lieux chargés d’histoire
Cependant que de combats, que de coups de canons dans ces lieux chargés d’histoire. Les Indiens Caraïbes en 1653 y attaquaient furieusement les premiers colons européens, tandis que deux siècles plus tard, tout l’archipel servait de toile de fond à une des plus grandes défaites françaises, revanche de la flotte britannique sur la victoire française de Chesapeak Bay qui avait été déterminante pour l’indépendance des États-Unis. Là, dans le canal des Saintes, au matin du 12 avril 1782, les trente navires de la flotte du comte de Grasse, prenaient leur formation de combat face aux trente-sept unités de l’amiral Rodney. Attaque téméraire s’il en fut : deux mille deux cent quarante-huit canons français allaient ouvrir le feu contre trois mille douze canons anglais de meilleure qualité. Mais l’amiral de Grasse qui s’était la veille fait prendre un navire, refusa de l’abandonner disant qu’il y allait de son honneur et de celui de la Marine Royale. Aussi, malgré une manœuvre superbe de Bougainville, qui commandait l’escadre bleue française, la disparité des forces et un vent défavorable, firent qu’au tomber du jour, l’amiral de Grasse amenait son pavillon tandis que ses bateaux qui pouvaient encore naviguer fuyaient, s’égaillant dans la nuit. Un mois plus tard, apprenant ce désastre, le peuple de Paris chantonnait : « Notre amiral s’est rendu de la meilleure grâce, Français de quoi te plains-tu de grâce. » Il n’empêche que l’Angleterre allait conserver, et pour bien longtemps, la maîtrise des mers dans les Caraïbes, et que toute l’histoire des Antilles françaises allait durement le ressentir.

Figure saintoise au salaco – Photo Brochure Guadeloupe – 1974
Vue imprenable
Le principal sommet de l’île (309 mètres) est dit le « Chameau ». On peut aisément grimper sur sa bosse d’où l’on découvre un panorama admirable de terre, de ciel et d’eau où flottent des îles, tandis qu’à l’horizon s’allongent en fond de décor la Guadeloupe et les îles de Montserrat et de la Dominique.

Terre-de-Haut vue du Chameau – Photo Brochure Guadeloupe – 1974
Rappel
Le texte est de Bob Putigny et date de 1974 – Les photos sous-titrées Brochure Guadeloupe sont de Bernard Hermann et de Michel Folco.
La brochure Guadeloupe, ISBN 2-85 700-079-0, est éditée aux Éditions du Pacifique que je remercie de m’avoir aimablement autorisé à publier l’article ci-dessus ainsi que les photographies l’accompagnant. Les sous-titres sont de la rédaction du blog.
À tous, je renouvelle mes vœux de bonnes fêtes de Noël et de nouvel an et vous donne rendez-vous en 2018, si Dieu me prête vie, bien entendu.
Raymond Joyeux
merci Raymond!!!!
J’ai découvert Terre de Haut et Terre de Bas il y a plusieurs années. Je n’y suis pas revenue. J’avais trouvé les habitants sympathiques.
Belle époque non ? Pas de scoot, de 4 roues, pas de guéguerre politicienne…
Bonne année à toi Raymond ainsi qu’à tes lecteurs.
La photo : repos d’après-midi est formidable, quelle quiétude ! Merci Mr Joyeux et bonne année 2018 à vous.