Un lourd passé politique encombrant
Le séisme politico-judiciaire qui secoue depuis quelques mois la commune de Terre-de-Haut, contrairement aux tremblements de terre naturels, était prévisible. Prévisible et inévitable. Les signes précurseurs de la catastrophe nous avaient en effet depuis longtemps alertés et le mal qui ronge l’actuelle municipalité saintoise ancre ses racines dans un long passé politique délétère remontant au milieu des années 1970. Soit plus de quarante ans d’administration communale menés par des équipes pratiquement inamovibles, reconduites d’élection en élection par un électorat encadré, conditionné, manipulé, hypnotisé. Électorat sélectif, illégalement surnuméraire par la magie de commissions annuelles partisanes, faisant à leur guise la pluie et le beau temps en matière d’inscriptions et de radiations sur les listes électorales, sans aucun contrôle efficient des instances préfectorales, malgré moult interventions de ce qu’il est convenu d’appeler l’opposition.
Un processus irréversible amplement engagé
Mais à supposer même que ces élections successives depuis 1977 aient été parfaitement régulières, sans listes truquées, sans procurations abusives, sans clientélisme honteux, sans bureaux de vote non conformes à la légalité, le premier responsable du fiasco saintois actuel, selon nous, n’est pas d’abord un homme, mais une loi électorale aberrante qui a trop longtemps privé les petites communes de moins de deux mille habitants d’une représentation proportionnelle aux différents conseils municipaux. Il aura fallu attendre en effet les élections de mars 2014 pour que cette loi change enfin et que l’opposition ait pleinement sa place au sein de notre assemblée communale, constituant ainsi une force de vigilance, de propositions et de contrôle, agissant comme un frein aux irrégularités de gestion manifestes et à leurs désastreuses conséquences. Malheureusement, il était déjà trop tard. Le processus des malversations présumées, maintes fois pointées du doigt par la CRC (Chambre Régionale des Comptes), et aujourd’hui par la Justice, était depuis très longtemps, à la date de mars 2014, amplement enclenché.
Une opposition honnie systématiquement rejetée
Imaginons néanmoins que cette loi eût instauré la proportionnalité, ne serait-ce que depuis les élections de 2001, les choses se seraient sans doute passées autrement et ceux qui sont pris aujourd’hui dans la tourmente, n’auraient peut-être rien eu à se reprocher. La présence d’une opposition active, même minime, au sein de l’assemblée municipale aurait logiquement permis d’éviter le pire. Aussi bien pour les personnes actuellement incriminées que pour l’intérêt général et le redressement de la commune. Encore aurait-il fallu que les débats au sein du conseil municipal aient été respectueux de l’esprit démocratique de transparence et que les dossiers transmis, comme il se doit, à tous les participants, fussent complets et sincères, et la minorité associée aux décisions. Ce qui a été et est encore loin d’être le cas, chez nous, chacun le sait parfaitement. Aussi, ceux qui depuis des lustres n’ont eu de cesse de fustiger et de rejeter les opposants considérés comme leurs pires ennemis doivent s’en mordre aujourd’hui les doigts.
Un système électoral aberrant
Pour revenir à la loi électorale qui a défavorisé jusqu’en 2014 les petites communes, si elle n’est pas la seule responsable de nos maux actuels, elle y a singulièrement contribué. D’abord, nous l’avons dit, par le principe de la liste bloquée, excluant de l’administration communale les membres de l’opposition, alors même qu’ils ont régulièrement représenté un pourcentage non négligeable de la population. Mais aussi et surtout par la possibilité qu’elle a donnée et donne encore aux mêmes éternels élus de se porter indéfiniment candidats d’une élection à l’autre, accaparant ainsi, sans partage, pendant des décennies, le pouvoir local. Carence aberrante d’un système électoral que la prochaine loi sur la moralisation de la vie publique devrait combler… Mais, hélas, apparemment, encore une fois, pas pour les petites communes dont les élus, considérés à tort comme des modèles d’honnêteté et de vertu démocratique, pourraient continuer à accumuler un nombre indéfini de mandats municipaux, sans être tenus de passer la main.
Un goût immodéré de domination
Cette absence institutionnalisée et pérenne d’alternance électorale a porté un coup fatal au jeu démocratique. Elle a conduit des élus indélicats, à l’appétit insatiable pour le pouvoir (dont on sait que l’abus rend fou), à considérer comme leur bien propre ce qui en fait appartient à la collectivité : personnel communal, bâtiments publics, matériel et surtout gestion budgétaire… Alors qu’ils n’en sont que les dépositaires passagers, censés rendre des comptes aux administrés non seulement à la fin, mais tout au long de leur mandat. L’imbécile et vindicatif slogan, bien connu à Terre-de-Haut, haineusement braillé par la populace après chaque élection municipale : « Mairie-la cé tan nous ; mairie-la cé pas ta yo »1, est symptomatique de cet état d’esprit archaïque, devenu une sorte d’aberrant réflexe conditionné, inculqué à leurs partisans fanatisés par ceux-là mêmes qui ont la responsabilité morale d’élever le niveau civique et démocratique de la population.
Une conception égocentrique du pouvoir
Comment dès lors s’étonner de la situation dramatique actuelle de Terre-de-Haut ? Elle n’est à l’évidence que l’enfant monstrueux d’une conception hyper personnalisée de l’exercice du pouvoir local, venin mortel qui contamine et paralyse depuis près d’un demi-siècle tous les rouages de notre administration communale. Certes la municipalité actuelle, judiciairement mise en cause, a hérité du lourd fardeau d’un déficit budgétaire colossal, cyniquement élaboré par l’homme en place depuis 1971 et dont l’ombre maléfique hante encore, tel un vautour déplumé, les couloirs, bureaux et officines de la mairie. Mais n’est-ce pas ce même homme qui a réglé monarchiquement sa succession sans jamais se départir de son influence néfaste ? Traçant la voie tortueuse que ses adorateurs zélés ont imprudemment suivie, sans le moindre sursaut de clairvoyance, ce qui les a conduits, la commune et nous avec, au désastre d’aujourd’hui.
Des résolutions sans lendemain
Lorsqu’un an tout juste après sa première élection à la tête de la commune, interrogé par un correspondant local du quotidien France-Antilles daté du 12 juin 2002, le maire actuel de Terre-de-Haut, s’étant un peu trop hâtivement félicité d’avoir réglé le problème du déficit, avait déclaré : « Je souhaite donner une plus grande lisibilité à notre action, plus de démocratie avec des règles qui valent pour tous… Je suis un homme de dialogue, soucieux d’équité et de solidarité… » 2, il aurait été bien inspiré de suivre lui-même ces règles et de mettre en pratique ces belles paroles. Mais le ver était déjà sans doute dans le fruit et nous savons, 15 ans plus tard, ce qu’il est advenu de ces déclarations qui n’étaient en réalité que du vent. Un vent qui aura fini au bout du compte par tout balayer !
Raymond Joyeux
14 juillet 2017
1 – La mairie est à nous. La mairie n’est pas à eux.
2 – Propos recueillis par Philippe Capy – France-Antilles du 12 juin 2002
Certes la proportionnelle aurait peut être évité l’éclosion de ce bébé dictateur, mais je pense que certains saintois, ceux de son bord en général, sont également responsables. Clientélisme, favoritisme et pour certains haines de celui qui ne pense pas comme eux les ont rendu incapables d’être censés et de voir ou les menait leur « idole ». Maintenant il faut assumer !
Je suis tout a fait daccord avec vous sur les radiations mais pour ma part, etant a l’etranger pour mes etudes, je me suis fais radier par Mr Hilaire Brudey qui apparemment n’avait soi disant pas son mot a dire. Franchement tout le monde politique a Terre de haut est a vomir.
Sans surtout vouloir défendre l’indéfendable « vautour déplumé », je rappellerai qu’avant, il y eut un boulanger qui n’enfournant pas que son pain, se lança dans l’hôtellerie à peu de frais pour lui, et à qui l’on reprocha une peinture de son bâtiment par trop semblable à celle de l’école d’alors ( bien peu de choses en regard des prévarications actuelles) ainsi qu’un bon docteur, opposant et remplaçant du premier, qui fila à l’anglaise en laissant la place au « caporal « pas encore déplumé.
D’autre part, il me semble bon de rappeler, en témoignage de la bonté du « vautour déplumé », que dans les années 1970, à la suite d’une soirée arrosée, deux jeunes instituteurs métropolitains avec de jeunes Saintois auraient volé des poules aussitôt payées!!!
Mais suite à une plainte du « Déplumé », ils furent radiés de l’Éducation Nationale.
Sans doute, le « vieux bouc » attend il aujourd’hui beaucoup de clémence de la justice…Souhaitons lui la même que celle dont il fit preuve alors !
En conclusion : Les politiciens au pouvoir à Terre de Haut , quelle ménagerie !!!!
J’ai attendu pour relire l’article découvert dès réception. Mais je ressens encore la déception , les regrets et même l’amertume de l’auteur. Cher Raymond, on voudrait croire en l’honnêteté des hommes politiques. Hélas, la désillusion grandit au fur et à mesure que le temps passe. On devrait être « blindé » avec l’âge, mais il n’en est rien …
Le « mal Saintois » plus généralement est un mal Français.
Les communes et maires de France ont en effet des pouvoirs exorbitants, qui conduisent à de nombreux abus, par exemple concernant les expropriations, changements de zonage, attributions de contrats, etc.
Cela favorise la corruption, la collusion, la discrimination, l’acharnement contre l’opposition, que l’on constate dans beaucoup de communes grandes ou petites, et particulièrement aux Saintes, pratiquement en toute impunité à moins de fraude très importante, et avec peu de contre-pouvoirs de l’État.
D’ailleurs, depuis la loi anti-cumul, plusieurs élus et présidents de région ont choisi de garder plutôt leur siège de maire, on comprend pourquoi.
En fait, c’est un phénomène mondial, comme l’exil fiscal, qui se retrouve dans la plupart des pays, y compris par exemple au Canada.
Michel, en parodiant le titre de l’essai d’Alain Peyrefitte, « Le Mal français », paru en 1976, j’avais déjà écrit un article dans L’Iguane en 92 ou 93, intitulé « Le Mal saintois ». Je n’ai pas cet article sous les yeux, mais, si j’ai bonne mémoire, j’évoquais, entre autres, le fait que, malgré l’évidence d’une gestion calamiteuse et d’une absence totale d’un minimum de démocratie, (terme et concept qui écorchent la bouche et l’esprit de certains), mes compatriotes continuaient à faire confiance à des élus corrompus en les portant régulièrement au pouvoir communal. Comme tu le sais, ce n’était pas, bien entendu, une confiance raisonnée, basée sur les qualités intrinsèques des toujours mêmes candidats ; mais ce n’était pas non plus une confiance si aveugle que cela, puisqu’elle était clairement justifiée par la perspective d’un intérêt personnel potentiel – le plus souvent aléatoire – à tirer d’un appui électoral sans condition, sinon celle de se voir largement « récompensé (e) » au détriment du bien commun. En 40 ans de politique communale, rien n’a changé à TDH, et, comme tu dis, c’est sans doute en ce domaine, une tare universelle, ce qui n’enlève rien à son caractère indéfendable.Tare en tout cas bien partie chez nous pour perdurer vu que nos députés ont exclu de la fameuse future « loi de moralisation publique » le principe du casier judiciaire vierge pour les prochains candidats aux élections. Principe pourtant mis en avant au cours de la dernière campagne électorale par l’actuel Président lui-même. Cela t’étonne ?…
Merci pour cette brillante analyse concernant la politique à Terre de Haut!
On attend la suite avec impatience !