Petit rappel historique
Le 11 mars 1971, Terre-de-Haut change de municipalité. Le maire sortant s’appelle Eugène SAMSON. Il est battu, par moins de 100 voix, par le Docteur René GERMAIN, ORL, Conseiller Général des Saintes, originaire de Terre-de-Bas. Le premier adjoint du nouveau maire n’est autre que Robert JOYEUX qui exercera lui-même les fonctions de maire au départ du titulaire à partir de 1975 jusqu’à 1977. Aux élections de cette année-là, mars 1977, Robert Joyeux se présente aux municipales et a pour adversaire Denis CASSIN, petit-fils de Georges CASSIN, maire, par deux fois, de la commune de 1902 à 1908, puis de 1929 à 1935. Le texte qui suit est la retranscription d’un discours prononcé par Denis CASSIN durant la campagne électorale 77. Ce discours, perturbé par des agitateurs du parti adverse, a été publié en tract par son auteur, à la demande de ses partisans, frustrés de n’avoir pas pu entendre l’intégralité de la parole de leur tête de liste. Pour mémoire rappelons que Denis CASSIN qui s’était déjà présenté, sans succès contre Eugène SAMSON en 1965 a été battu par Robert JOYEUX en 1977. Depuis, il s’est retiré de la vie politique.
Saintoises, Saintois, mes chers amis,
De très nombreux électeurs n’ayant pu écouter ma conférence du samedi 26 février, comme ils auraient aimé le faire, à cause de quelques énergumènes qui n’ont pas leur place dans une société démocratique, m’ont demandé de bien vouloir procéder à un tirage des principales idées développées. D’où l’impression de ce tract.
Je ne vous ferai pas l’injure de me présenter car, ici, tout le monde me connaît. Beaucoup d’entre vous m’ont vu naître et grandir, d’autres, ceux de ma génération, ont été sur les bancs de l’école communale avec moi et, quant aux plus jeunes, ils m’ont vu à la tête de L’Avenir Saintois (1) pendant sept ans.
Une équipe sortante démantelée, au bilan négatif
Un conseil municipal est élu en vue de conduire un programme d’action. Tous les conseillers municipaux sont solidaires de cette action et doivent s’entraider pour parvenir à un résultat positif. Aussi lorsque vous constatez ce qui reste de l’équipe, mise en place il y a six ans, vous vous posez les questions suivantes : – Est-ce que cette équipe a rempli son contrat ? Qu’est-ce que ces hommes ont fait pour contribuer au bonheur des Saintois ? À ces questions ils répondent : nous avons fait des routes. Oui, ils ont construit des routes, et après ?… Lorsqu’on saura que l’argent destiné à la construction des routes est débloqué très facilement par le service de l’Équipement, car Terre-de-Haut est comprise dans le programme gouvernemental de développement du tourisme, on verra que ces hommes n’ont pas beaucoup de mérite. D’ailleurs combien d’ouvriers maçons saintois ont bénéficié de ces travaux ? Je crois qu’on peut facilement les compter.
Une jeunesse abandonnée, sans perspective d’avenir
Qu’est-ce que l’ancienne municipalité a fait pour cette jeunesse, qui est et demeure la force vive de notre pays ? A-t-elle construit cette école maternelle dont on parle depuis si longtemps ? A-t-elle construit cette maison des jeunes inscrite à son programme d’il y a six ans ? Bien au contraire. Un embryon de foyer de jeunes a été mis en place par quelques personnes de bonne volonté. Je veux parler du HUNIER.(2) On se rappelle dans quelles conditions ce foyer a été fermé par l’actuel adjoint au maire. Aussi je voudrais lui poser la question suivante : Veut-il en définitive l’épanouissement ou l’abrutissement de nos enfants ?…
L’environnement négligé,
le problème de l’eau non résolu
En ce qui concerne la protection de la nature, bien sûr ils ont planté de nombreux arbres, et c’est là la seule action positive de cette municipalité. Mais à côté de cela, ils en ont également arraché des milliers à cause du boulevard qu’ils ont tracé au flanc du Chameau. Ils ont laissé pour la vie cette large saignée blanche à la place d’un petit sous-bois ombragé où il était agréable de marcher. L’ancienne municipalité a-t-elle résolu le crucial problème de l’eau ?… Je ne le pense pas car nous nous retrouvons pratiquement au même point qu’il y a dix ans. Après avoir installé une usine de dessalement d’eau de mer (3) à grands frais, la population ne peut utiliser cette eau car elle lui revient à plus de 50 F le mètre cube. En plus de cela, le déficit de la commune, croît chaque jour sans cesse à cause des nombreuses dépenses occasionnées par l’entretien de cette usine. Aussi, peut-on nous dire pourquoi les conduites de nos citernes communales ont-elle été enlevées ?…
Les trois piliers d’une politique inefficace :
mensonge, chantage intimidation
En ce qui concerne le scandale des Allocations familiales, je pense que si le maire avait bien voulu se donner la peine de s’occuper sérieusement de ce problème, il aurait pu mettre tout en œuvre pour faire payer régulièrement les prestations familiales aux Saintois. Nos adversaires basent toute leur politique sur le mensonge, le chantage, l’intimidation et je voudrais rétablir quelques vérités. Tout d’abord, sachant que les Saintois n’aiment pas le communisme, ils ont tout de suite pensé à me coller cette étiquette sur le dos pour essayer de me discréditer à vos yeux. Je leur répondrai ceci : Lorsqu’on est catholique, on doit être fier de dire : Je suis catholique. Lorsqu’on est RPR, Républicain Indépendant, Socialiste ou Communiste, il n’y a aucune honte à proclamer la nature de son parti politique. Mais en ce qui me concerne, je vous dirai que je n’ai jamais été inscrit à aucun parti politique, de quel bord qu’il soit. Je me présente à Terre-de-Haut sans aucune étiquette, libre de mes actions, sans aucune entrave et n’ayant pour principal objectif que le bonheur de mes compatriotes.
L’exemple de Georges AZINCOURT
ou de l’avantage d’habiter à BASSE-TERRE
Par ailleurs, le principal reproche que me fait mon adversaire, c’est de ne pas habiter Terre-de-Haut. Les Saintois ont besoin d’un Maire, c’est-à-dire d’un administrateur capable de gérer les affaires de la commune et non d’un garde-champêtre s’occupant des ragots et des potins quotidiens du village. Il est vrai qu’il possède des qualités naturelles pour remplir cette fonction. Je travaille à Basse-Terre, c’est-à-dire dans la capitale administrative de la Guadeloupe et je pourrai rencontrer beaucoup plus facilement que lui qui habite Terre-de-Haut, le Préfet et les autres directeurs d’administration. Les différents projets sont décidés puis discutés au sein du Conseil Municipal à Terre-de-Haut, mais par contre acceptés par la préfecture à Basse-Terre. Puis il y a eu autrefois un maire que les plus anciens ont bien connu, je veux parler du regretté Georges AZINCOURT (4). La commune n’a jamais été aussi bien administrée que de son vivant, et pourtant il habitait à Basse-Terre.
Chantage à l’aide sociale et achat du vote
Mon adversaire profite de sa position à la mairie pour exercer une sorte de chantage sur les électeurs les plus déshérités. Je veux parler de ceux qui ont besoin de l’aide sociale. Il veut obliger ces personnes à voter pour lui sous la menace de leur enlever l’aide à l’assistance. Je pense que cet homme devrait avoir honte d’agir ainsi en essayant de monnayer une aide qu’il est obligé de donner. Ainsi, Saintoises, Saintois, agissez en femmes et hommes libres et dignes de ce nom, ne vous laissez pas intimider par les menaces. Durant cette campagne électorale, très certainement on vous proposera comme d’habitude de l’argent pour aller voter. Aussi je vous donnerai un petit conseil : si quelqu’un veut vous donner de l’argent, acceptez-le et rendez-lui la monnaie derrière l’isoloir. Je terminerai en vous demandant de garder votre calme, d’éviter des histoires, des bagarres durant cette campagne. Vous irez donc voter le 13 MARS selon votre cœur pour que vive Terre-de-Haut.
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Pour une meilleure compréhension :
1 – L’Association L’AVENIR SAINTOIS a été créée à Terre-de-Haut dans les années 1964-65. Parmi ses principaux responsables, on peut citer Claude AZINCOURT, Denis CASSIN, Raymond JOYEUX, Geo PETIT… Créée en vue de promouvoir la natation à Terre-de-Haut, (encadrée par Gilbert SAMSON), elle a eu aussi son équipe de foot dirigée par le docteur Yves ESPIAND, alors jeune médecin dans la commune et joueur de talent lui-même.
2 – L’Association LE HUNIER a été créée en mars 1973 par des enseignants de l’époque : Robert HÉRIAUD, Patrick PÉRON, Raymond JOYEUX, Dominique PERRIER et Yves RENARD. Son objectif était de permettre aux jeunes Saintois de se rencontrer pour des activités culturelles : bibliothèque, sorties, projections, musique, théâtre… activités encadrées bénévolement par les enseignants cités. Son siège se trouvait à l’ancien presbytère à côté de l’église. Un journal ronéotypé, intitulé LA HUNE, rendait compte de ses activités, tout en abordant des sujets plus généraux. Ce centre a été fermé d’autorité en 1974 par la municipalité pour désaccord avec les responsables.
3- L’usine de dessalement d’eau de mer : une première Unité de dessalement de l’eau de mer a été implantée en 1972 dans les locaux désaffectés du groupe électrogène alimentant autrefois Terre-de-Haut en électricité. Locaux aujourd’hui rasés pour laisser place à un parking jouxtant le magasin Saintes Brico. L’eau de mer était transportée dans des canalisations souterraines qui pompaient l’eau au large de l’actuel appontement. L’eau dessalée était ensuite envoyée dans les réservoirs construits sur les flancs du Chameau et du Fort Napoléon et alimentait les maisons individuelles qui avaient souscrit un abonnement. Plus tard, en 1985, une plus grande unité a été construite sur le site de Morel. Elle dépendait d’une société privée : l’UCDEM dont le siège était à Saint-Martin. En 1994, cette usine a été désaffectée et laissée à l’abandon quand l’eau potable nous est parvenue de la Guadeloupe. La commune a dû supporter les frais d’une rupture unilatérale de contrat avec l’UCDEM. L’usine dont parle Denis Cassin dans son discours est celle de 1972…
4 – Georges AZINCOURT : Greffier au Tribunal de Basse-Terre, originaire de Terre-de-Haut, il était l’adjoint de Théodore SAMSON quand ce dernier est décédé brusquement à la Gendarmerie en 1957. Élu maire en 1959, Georges AZINCOURT ne resta que 3 ans après son élection à la mairie puisqu’il est décédé des suites d’une péritonite en décembre 1962. C’est son premier adjoint, Eugène SAMSON qui le remplaça. Élu en 1965 contre Denis CASSIN, Eugène SAMSON a été battu en 1971 par le Dr René GERMAIN. Maire populaire et disponible, Georges AZINCOURT a été le premier élu à instaurer dans la commune un ramassage des poubelles par canot. Malheureusement, les déchets récoltés étaient purement et simplement jetés en mer sans aucun souci pour le milieu marin, la notion de protection de l’environnement n’étant pas à la mode à cette époque…
Espérant que cette page d’histoire de Terre-de-Haut vous aura plu, je vous adresse à tous mes amitiés et, en attendant vos commentaires, je vous dis à bientôt pour une prochaine chronique.
Raymond Joyeux
Je vois que les périodes enflammées que sont les élections à Terre de Haut ne sont pas d’aujourd’hui, comme le comportement de certains voyous qui se disent démocrates . Mr Denis Cassin était probablement trop honnête et ces propos trop « gentils » pour battre ses adversaires qui n’hésitaient surement pas à ternir son image.
On se croirait coinsé dans un éternel cycle.. pris dans genjutsu (pour les amateurs de manga). Les revendications n’ont guère évolué et la problématique première reste la même, l’avenir des saintois ?
Malheureusement nous ne faisons même pas honneur à ceux qui ont essayé créer des perspectives de changement et d’avenir. Mais terre de haut a-t-il besoin de changement ? N’est-ce pas la bonne voie, la majorité actuelle est peut-être le bon chemin ? On est en droit de se poser cette question, vu que rien ne change ? Il n’y a qu’une minorité que cela concerne. Le saintois n’est peut-être pas celui que nous imaginons.. Ce marin vaillant, peuple rugeux et ambitieux… ?