Hommage à Félix FOY

Terre-de-Haut a perdu le plus éminent de ses sages

Félix, 2 mois avant son décès - Ph. R.Joyeux

Félix, 2 mois avant son décès – Ph. R.Joyeux

Après trois jours d’hospitalisation à Basse-Terre, sa ville de résidence, c’est dans la nuit du mercredi 19 août 2015 que Félix Foy nous a quittés.  Âgé de 81 ans et souffrant d’une grave affection cardiaque, Félix – Féfé pour les intimes – a vécu plus de 30 ans avec une valve artificielle, ayant subi autour de la cinquantaine plusieurs interventions chirurgicales qui l’ont maintenu en vie jusqu’à ce 19 août. Mais ce n’est pas sa maladie qui l’avait paralysé ni même diminué au cours de ses longues années post opératoires. D’un naturel actif et souriant, mais sans agitation ni tapage, il avait terminé sa carrière dans les Télécom alors que son épouse partie avant lui était employée à la Préfecture du chef lieu.

Jeunesse saintoise, engagement militaire et chroniqueur

Second fils de  Rachel Jules et de Foy André, membre d’une fratrie de 8 enfants, Féfé est né et a vécu son enfance et sa jeunesse à Terre-de-Haut avant de s’engager pour l’Indochine à 20 ans, en 1954, où il fut affecté dans les transmissions. Avant de vivre la guerre sur le terrain, aussi bien en Indochine qu’en Algérie, il a connu très jeune les retombées aux Saintes du conflit de 1939-45 qui opposa la France et ses alliés aux armées du redoutable Hitler. Et c’est à cette époque qu’il commença à s’intéresser à l’histoire de notre commune – sa commune – dont il connaissait dans les détails maintes anecdotes aussi bien événementielles que généalogiques. C’est lui, spontanément qui nous avait proposé ses merveilleux récits qui parurent dans le journal L’IGUANE des années 90-94 et dont nous avons publié quelques-uns ici-même avec le succès que l’on sait. Le diaporama qui suit présente cinq de ses chroniques évoquant les effets de la seconde guerre mondiale aux Saintes et en Guadeloupe. On peut facilement les agrandir pour le lire avec plus de facilité.

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Père de famille et diacre catholique

F.Foy en son habit de diacre - Ph. Eglise en Guadeloupe

Félix en habit de diacre – Ph. Eglise en Guadeloupe

Au début de sa vie professionnelle, muté à Paris, il y fonde son foyer et devient père de 3 enfants : Jean-Paul, Alain et Sandrine, tous nés en métropole. C’est en 1971 que la famille regagne la Guadeloupe et s’y installe. Vingt ans plus tard, en 1990, Féfé est ordonné diacre sous la férule de Mgr Cabo, évêque de Guadeloupe. Croyant sincère mais sans fanatisme, Félix accomplit sa mission d’homme d’Église en qualité de célébrant, avec ferveur, discrétion et humour, trouvant toujours les mots  qu’il fallait selon les circonstances : baptême, mariage, enterrement, sans les longueurs habituelles et parfois agaçantes de ses confrères prêtres. Sollicité par le Bulletin l’Église en Guadeloupe pour une réflexion sur la fidélité, il m’avait fait part de ses doutes à propos de sa capacité à rédiger un tel article. Je l’avais encouragé, lui rappelant les très beaux récits sur les Saintes qu’il avait publiés jadis dans L’Iguane. L’incitant même à se mettre à l’ouvrage et à rédiger ses souvenirs. Car, mémoire vivante de notre communauté, Féfé avait le don d’évoquer les Saintes d’autrefois, sans prétention ni envolée oratoire, mais avec justesse et poésie. La communauté saintoise perd avec sa disparition, un sage véritable, un fin connaisseur de l’histoire de nos îles, un homme de foi, de conviction et d’humanité qui avait su rester simple, tolérant, abordable et familier.

Obsèques solennelles à la cathédrale de Basse-Terre

Mgr Riocreux, officiant aux obsèques de F2lix Foy

Mgr Riocreux, officiant aux obsèques de Félix Foy

C’est le lundi 24 août, en pleine dépression tropicale, qu’eurent lieu en la cathédrale de Basse-Terre les obsèques de Félix, célébrées conjointement par une douzaine de prêtres et diacres du diocèse sous la conduite de Monseigneur Riocreux, évêque de Guadeloupe. Une cinquantaine de ses amis et parents saintois ont pu prendre la navette malgré le mauvais temps pour y assister et écouter les nombreux éloges et témoignages prononcés par les célébrants. Mais c’est le cœur serré qu’ils n’ont pu se rendre au cimetière pour l’inhumation, obligés de regagner Trois-Rivières où les attendait la dernière rotation pour Terre-de-Haut. Tous garderont de Félix l’image d’un être affable et tolérant, d’un sage à l’éternel sourire, un de ces hommes rares qui font honneur à leur communauté, dont l’ouverture d’esprit et la fidélité à leurs engagements sont un modèle pour chacun.

Le dernier écrit de Félix publié dans l’Eglise en Guadeloupe

« La Fidélité »

Fidélité ! Alors que nous vivons la fidélité de Dieu, la fidélité à Dieu, la fidélité de Jésus, la fidélité à Jésus, entendre ce mot nous fait penser immédiatement à conjugalité. C’est pour cela, qu’il me vient à l’idée de vous conter mon histoire. Si vous le voulez bien !
Le jour où je fis part à mon épouse de mon désir de me faire diacre, j’eus l’impression qu’elle s’y attendait. Par ses questions et sa manière de me mettre en garde, je sentis qu’elle faisait sienne mon intention : « Sauras-tu tenir parole ? Seras-tu fidèle à ta promesse, à ta mission ? Seras-tu le serviteur fidèle qu’attend le Seigneur ? Pourras-tu être accueillant et avoir un regard bienveillant ? Ton regard sera-t-il plus large que notre voisinage ? As-tu pensé à la risée de certains ? Tu seras guetté, tes gestes et faits seront analysés. As-tu pensé à ton mauvais caractère ? »
Et là, je souris. Elle me dit : « Garde toujours ton sourire, un sourire n’a pas besoin d’électricité pour éclairer et réchauffer un cœur. Autour de toi, le besoin se fera sentir ; sois présent aux autres.»
Plus tard elle prit part à la formation, elle était présente à toutes les réunions d’informations pour futurs diacres et épouses. Elle était très active dans mon équipe d’accompagnement. Elle a préparé la famille à ce qui allait changer à la maison. Après l’ordination elle a redoublé d’efforts. Présente à toutes mes célébrations : baptêmes, mariages, funérailles, assemblés dominicales en absence de prêtres, toujours prompte à me remettre debout.
Un petit problème surgit : le jour de notre cinquantième anniversaire de mariage, je dois être opéré d’un cancer au côlon, elle sut convaincre le chirurgien de repousser la date de l’intervention, la fête fut préservée. Merveille que fit le Seigneur à notre famille !
Les jours continuent avec les aléas de la vie. Voilà qu’une longue et douloureuse maladie l’emporte. Je suis prêt à tout abandonner, non ! Je m’adresse au Seigneur. Est-ce une prière ? Je ne sais. « Il est des jours, Seigneur, où je suis prêt à te lâcher, à m’échapper de tes mains. Et toi, tu ne dis rien, tu me laisses me dévoiler, me décider, me remettre sur le chemin où tu m’attends avec patience. Seigneur donne-moi de ne jamais t’oublier, mais de rester avec toi, près de toi, contre ton cœur, comme l’être le plus aimé. »
En réponse je reçois un cadeau, comme ces petites lumières vertes qui rappellent l’existence de nos appareils électriques ; il me revient à l’esprit que mon épouse décède le jour de mon anniversaire. En mon cœur : « Voici le jour que fit le Seigneur, qu’il soit jour de fête, jour de joie. »
Je retrouve une meilleure assise pour repartir de bon pied. Fidèle, elle est avec nous pour nous garder dans la paix et la joie de la fête. À nouveau, je sens descendre en moi comme une chanson : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul, faisons-lui une aide semblable à lui. » Fidèles l’un à l’autre tout au long de notre vie. Aujourd’hui, maintenant, fidèles à la « Vie ». Magnifique est le Seigneur !

Félix FOY, diacre
15.8.15

F. Foy avec des membres de sa famille en 1952 - Arch Joyeux

F. Foy avec des membres de sa famille en 1952 – Archives Joyeux

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7 commentaires pour Hommage à Félix FOY

  1. vonvon dit :

    une grande tristesse que le départ de ce grand Monsieur il avait une grande sagesse et quel bonheur de partager une conversation avec lui que de douceur de compréhension. Toutes condoléances à sa famille et à ses amis.

  2. M-J GARAY dit :

    Merci. Bel hommage. j’aimais sa plume…
    M-J GARAY

  3. Alain Joyeux dit :

    La dernière photo de famille est très belle. L’image s’ajoute à la description de la personnalité de Féfé: on le voit sur cette photographie un peu en retrait dans les feuillages presque masqué par quelques branches, par souci sans doute de mettre en avant les enfants qui l’accompagnent. Le sourire est discret et bienveillant, on devine le geste des bras protecteur… pourtant, sur le fond sombre de la végétation et par sa « hauteur », on ne voit que lui, rayonnant de simplicité et d’humilité .
    Bon voyage Féfé !
    Alain.

    • raymondjoyeux dit :

      Très beau et très juste commentaire ! Et pourtant il n’avait que 18 ans. Sur cette photos tu as dû reconnaître une de tes tantes : M. qui était en pension chez la famille Bertille à Trois Rivières.

  4. iconnue dit :

    merci de ton hommage
    mais a signaler que la date du décès de monsieur felix est le jeudi 20 aout a 23h45
    et le lieux d’enterment est a l’eglise du mont carmel

  5. raymondjoyeux dit :

    Merci, Inconnue, pour ces précisions que j’étais moi-même sur le point d’apporter. Vous n’êtes pas la seule à me signaler quelques erreurs dans mon compte-rendu. Malheureusement, étant en métropole lors du décès de Félix, j’ai glané par ci par là les informations parfois imprécises. Je confirme donc que Féfé est décédé dans la nuit du jeudi 20 août, que ses obsèques ont bien eu lieu en l’église du Carmel et non à la cathédrale de Basse-Terre et qu’il est le 3ème fils de ses parents et non le second comme je l’ai écrit. Désolé et mille excuses pour ses erreurs.

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