La langouste : mieux la connaître pour mieux l’apprécier

Un mets très prisé

Langouste retouÀ l’approche des fêtes de fin d’année, de quelque façon qu’on la prépare ou la présente, la langouste occupe une place de choix aux menus des restaurants et dans les familles. Très peu prisée aux Saintes autrefois, aussi bien sur le plan gustatif que commercial, les pêcheurs se contentaient de l’écraser pour en faire un appât pour leurs nasses, ou la vendaient à bas prix aux navires de guerre français en escale prolongée d’études hydrographiques. Aujourd’hui denrée de luxe, sa pêche est soumise à une règlementation, sans pour autant faire l’objet d’une restriction saisonnière comme le lambi, espèce protégée, en voie de disparition. Voici l’essentiel résumé de cette règlementation : « Une langouste peut être pêchée dès l’instant où elle a pu faire au moins deux pontes, ce qui se traduit par une taille de 21 cm de la tête à la queue pour la royale et de 14 cm pour la brésilienne. En sus, indépendamment de la taille, il est interdit de pêcher des langoustes grainées c’est-à-dire qui portent des œufs sous leur ventre. En conséquence le consommateur ne doit pas acheter ou consommer de langouste avec des œufs ou ayant des tailles inférieures à celles qui sont réglementaires. Tant qu’il y a aura des acheteurs ou des mangeurs il y aura des braconniers. Toutefois, pour les langoustes il n’existe pas d’interdiction saisonnière. C’est-à-dire qu’on peut les pêcher toute l’année en respectant la taille réglementaire ! »

Une leçon de sciences naturelles du Père Robert PINCHON

Pinchon  - copieAmateurs de langoustes, vous qui sans doute prévoyez d’en déguster au moins une fois au cours d’une de ces deux fêtes qui pointent leur nez au calendrier de ce mois de décembre, pour vous faire mieux connaître ce crustacé de nos mers tropicales, je vous propose cette étude du Père Pinchon, extraite de son livre de biologie antillaise, paru une première fois en 1960 et réédité en 1968. Le Père Pinchon a été mon professeur de Sciences Humaines et Naturelles à l’époque où, adolescent Saintois de 16-17 ans, exilé en Martinique, je préparais mon baccalauréat au Lycée Sainte Marie de Fort de France. Aussi c’est avec un soin tout particulier que j’ai conservé précieusement l’édition originale de cet ouvrage, le premier manuel scolaire à proposer aux jeunes Antillais une présentation scientifique de la flore et de la faune de leur milieu naturel, abondamment illustrée de dessins et  schémas de l’auteur et de quelques rares photographies en noir et blanc.

Description de la langouste 

langouste 1 ret 2« La langouste, qui est connue aux Antilles sous le nom impropre de « homard », constitue le type le plus caractéristique des crustacés. Il en existe plusieurs espèces différentes, mais la plus connue et la plus appréciée du point de vue gastronomique est la grosse langouste qui atteint jusqu’à 8 kilogrammes : elle est caractérisée par la double série de taches jaune-crème, disposées symétriquement de chaque côté des anneaux qui sont appelés vulgairement la queue, mais qui constituent en réalité l’abdomen. Son corps se divise en deux parties : le céphalothorax qui provient comme chez les Arachnides de la fusion intime de la tête et du thorax, auquel fait suite un abdomen bien développé. Le céphalothorax est protégé sur le dos et les flancs par une carapace d’un seul morceau, hérissée d’un grand nombre d’épines aiguës, obliques, dirigées vers l’avant, plus développées du côté de la tête ; entre les yeux pointent deux d’entre elles particulièrement longues et acérées constituant les cornes frontales. La dureté de la carapace est due à la présence de chaux et de chitine qui revêtent le corps d’une véritable croûte d’où son nom de crustacé.

langouste 2 ret - copieLa partie antérieure qui correspond à la tête porte les organes sensoriels et la bouche. Les yeux globuleux, montés sur un court pédoncule articulé, font saillie de chaque côté des cornes frontales ; par devant et en dessous se détachent les bases larges et épineuses des longues antennes qui chacune se termine par un fouet très mince et très souple. Elles paraissent être d’usage surtout tactile. Entre elles et au dessous naissent les antennules, lisses, plus fines et beaucoup plus courtes et qui présentent la particularité de se bifurquer chacune en deux fouets ; elles semblent avoir un rôle spécial pour la perception des odeurs… La bouche s’ouvre à la face inférieure et est composée d’un certain nombre de pièces dures qui permettent à l’animal de broyer sa nourriture… La bouche elle-même comprend une paire de mandibules très fortes terminées par une tête broyeuse et deux paires de mâchoires aplaties et coupantes. À la face inférieure du céphalothorax se détachent les cinq paires de pattes, longues et fines, ornées de quelques rares épines aux articulations et de poils vers leur extrémité ; elles se terminent toutes par une sorte de petite griffe. Ce sont les organes de la marche qui permettent à la langouste de se promener sur les fonds rocheux marins où elles vivent d’ordinaire. La langouste respire l’oxygène dissous dans l’eau au moyen de branchies… L’abdomen est formé de segments recouverts par une carapace chitineuse et calcaire sur le dos et se terminent latéralement par une série de pointes acérées. Ces segments sont mobiles, étant reliés entre eux par une peau souple… Le dernier segment de l’abdomen porte cinq palettes formant éventail : à la base de celle du milieu s’ouvre l’anus.

Reproduction et développement

Photo Ifremer

Photo Ifremer

La langouste se reproduit par œufs, mais avant d’atteindre sa forme adulte, elle passe par toute une série de métamorphoses très compliquées. Vers le mois de juillet, on trouve fréquemment des femelles dont le dessous de l’abdomen est garni d’une masse d’œufs. Celles de taille moyenne en portent environ 500 000 ; orange ou jaunâtre, ces œufs se présentent comme de petits grains de 3/4 de millimètre de diamètre.  Au bout de quelques semaines éclosent de jeunes larves nageuses, au corps transparent muni de longues pattes. Attirées par la lumière et nageant à la surface de la mer, les larves constituent des proies fort appréciées des carnivores. Heureusement, grâce à leur multitude, certaines ont la chance d’échapper à leurs ennemis. Ne mesurant guère plus de 2 mm à leur naissance, elles subissent des mues et à chaque fois se transforment quelque peu. À mesure que leur taille augmente, les larves ont tendance à descendre vers les profondeurs… Bientôt elles se réfugient entre les rochers du fond et leur carapace s’élargit et devient épineuse, leur abdomen se développe, les pattes et surtout les antennes grandissent… Il leur faut près d’un an pour atteindre le stade harmonieux d’adulte et pour pouvoir mener une vie un peu mieux à l’abri des attaques de toute la gente féroce de la mer… »

R.P. Robert Pinchon - 1913-1980

R.P. Robert Pinchon – 1913-1980

Robert Pinchon est né à Provins le 10.09.1913. Après son ordination chez les Spiritains, il fait des études de Sciences à l’université, couronnées par un Doctorat. Il est nommé professeur au Collège diocésain de Fort de France, à la Martinique.
Il est tout heureux de cette nomination et ajoute sur sa feuille d’affectation,  » que ce soit pour toujours », ce qui sera le cas, puisque toute sa vie, il la passera dans ce collège où il arrive le 15.04.1945.
L’île est propice aux recherches. Pratiquement rien n’a été fait comme étude dans le domaine de la flore et de la faune, avant son arrivée. Les vacances scolaires, il va les occuper à fouiller de fond en comble l’ile et les îles voisines.
Le 15.04.1960, il commence à faire connaître ses découvertes. Il publie d’abord « Les Sciences d’Observation aux Antilles », livre qui sera utilisé dans l’enseignement privé comme dans l’enseignement public pendant de nombreuses années, comme livre de Sciences Naturelles. En 1963, paraitra « La Faune des Antilles françaises, Tome 1: les oiseaux » qui sera suivi en 1969 par un tome 2: « Les papillons ». En 1967, il aura édité  » Quelques aspects de la Culture aux Antilles », continué en 1971 par « D’autres aspects de la Culture aux Antilles ». Il publie aussi « Nature antillaise », puis en 1976, « Le Dynaste Hercule dans les petites Antilles ». De nombreux articles paraissent aussi dans les « Annales des Antilles » et la « Revue de la Société d’Histoire naturelle ». Il sera même membre correspondant du Muséum d’histoire naturelle de Paris.
L’étude de la biologie l’amène à réaliser de remarquables collections de papillons, de poissons, de crustacés, de scorpions, de serpents que les Martiniquais et les touristes peuvent visiter. Sa passion pour cette île de la Martinique et ses habitants le pousse à se lancer dans des recherches archéologiques. Il fouille en particulier le site de Marigot Sainte Marie, dans la commune de Vauclin. Il met à jour des poteries Caraïbes et Arawacks, populations qui ont disparu aux temps de l’arrivée des Européens, à la fin du XVème siècle.

Un petit musée permet encore de voir les résultats du travail d’archéologue du père Pinchon qui décède le 16. 04.1980, et est inhumé dans son île d’adoption.

(Sources : les archives spiritaines)

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8 commentaires pour La langouste : mieux la connaître pour mieux l’apprécier

  1. ALAIN JOYEUX dit :

    Etudiant à l’école des beaux arts dans les années 1990, lors d’une réforme non souhaitée du ministère de la culture à propos du statut des écoles d’art en France, nous manifestions joyeusement et vindicativement en scandant le slogan suivant qui réclamait la démission du ministre alors en poste:  » Lang, ouste !!! »
    lol.
    Alain.

    • raymondjoyeux dit :

      Les étudiants et lycéens sont passés maîtres dans l’art d’inventer des slogans anti-ministres. Dans le même ordre d’idée, dans les années 70, ils défilaient dans les rues contre la réforme Haby avec comme mot d’ordre : « On viendra à bout d’Haby ! ». Mais cela ne vaut pas les jeux de mots du Canard enchaîné avec le nom des ministres. Comme celui-ci à propos de Léo Hamon, ministre de l’information sous De Gaulle et porte-parole de ce dernier : « Léo parleur, Hamon commandement ! » Ça nous éloigne un peu de la Lang Ouste, mais je n’ai pas trouvé mieux !

  2. Daniel BRIDE dit :

    Merci Raymond pour ce complément d’informations de sciences naturelles maintenant S V T
    C’est toujours avec un réel plaisir que je prends lecture de tes nombreux récits.
    Bonne continuation
    Daniel BRIDE

    • raymondjoyeux dit :

      C’est toujours un plaisir pour moi aussi, Daniel, de lire tes commentaires et je te remercie pour ta participation à la vie de ce blog. J’aurais pu illustrer la chronique de photos de plats de langouste « en toutes sauces « , car j’en ai beaucoup en réserve, photos de préparations faites par notre ami restaurateur G. Garçon du restaurant 1 TI BO DOUDOU… histoire de mettre l’eau à la bouche des lecteurs…mais j’ai préféré m’en tenir au cours Pinchon de SVT, comme on dit aujourd’hui (si ça n’a pas encore changé…) Merci aussi pour tes encouragements et à bientôt.

  3. Merci Raymond, quel beau personnage!!!
    Suite aux manif contre Lang en 90 nous n’avions pas criée « ouste »: aux arts déco de Nice, il dota la Villa Arson du meilleur et tout nouveau matériel audiovisuel de tournage et post production !! Idem rue d’Ulm!!! Et on s’en est bien servi!
    Merci Lang et vive la langouste grillée sur la plage de l’anse Crawen

    • raymondjoyeux dit :

      Sur la plage de Crawen ou ailleurs, avec notre ami commun Yvon J., grand spécialiste de la grillade marine en tout genre, comme chacun sait ! Ah, Yvon ! quel « personnage », lui aussi… Il faudrait que je lui consacre une chronique.. À propos, j’ai vu J. Lang (ouste) à la télé hier soir, on a l’impression qu’il rajeunit…le bougre.

    • ALAIN JOYEUX dit :

      Bonjour Luc,
      Cette une digression n’intéressera pas les amateurs de langouste! juste pour commenter ton apport : digression de la digression de la digression!!!
      … Si je me souviens bien, la réforme en question de ce ministre grand spécialiste du retournement de veste (réforme qui concernait entre autres l’école des beaux arts de Lyon où j’était étudiant ) était de supprimer (délocaliser) les départements « art » (peinture, sculpture, gravure …) et « design » pour spécialiser l’école dans son optique « communication » (vidéo, photo, pao…)
      Nous voulions un enseignement pluriel dans la même école et éviter les guettos de « spécialistes »… L’humain est avant tout un généraliste, et tout excès de spécialisation amène une vision sectaire (qui se « coupe ») de la vie…

      Ce blog par exemple brille par son éclectisme par les sujets qui sont abordés, ce qui en fait un exemple d’humanité. Merci Raymond d’animer la réflexion, même si cela est par le filtre de la machine.

  4. alaintht dit :

    Bonjour Raymond,
    article très intéressant .
    Oui mais voilà, à peine revenu des saintes, à peine remis de mes plaisirs culinaires dont la langouste fait parti ,tu ravives en moi un souvenir encore trop récent, bref une ……….torture!!!!!! Ouf tu n’as pas mis les différentes photos des plats. .

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