Le plus gros séisme depuis un siècle en Guadeloupe
Voilà dix ans, le dimanche 21 novembre 2004, à 7 heures 41 locales, un séisme de magnitude 6,3 ébranlait la Basse-Terre et réveillait brutalement toutes les Saintes. Appelé dès lors Séisme des Saintes, son épicentre se situait entre le Sud du petit archipel et le Nord de la Dominique (voir illustration ci-dessous). Semant la panique parmi les populations, il a provoqué la mort d’une personne à Trois-Rivières et fait d’importants dégâts à Terre-de-Haut, mais davantage encore à Terre-de-Bas, l’île voisine. Ce fut le plus gros séisme enregistré en Guadeloupe depuis plus d’un siècle. Outre la destruction de nombreux bâtiments et la peur de leur vie pour les habitants, en moins de 10 secondes, la secousse a généré un creux à la surface de l’océan, provoquant un tsunami à certains endroits des côtes saintoises, particulièrement au Marigot et à l’Anse Figuier pour ne parler que de Terre-de-Haut. Des débris laissés par la vague ont montré que la mer était montée sur plusieurs mètres à ces endroits. Toute la journée de ce triste dimanche pluvieux, et les jours qui suivirent, de nombreuses secousses ont été ressenties, obligeant les autorités à installer un village de toile pour les personnes sinistrées et pour ceux qui craignaient de regagner leur maison par peur des incessantes répliques, plus ou moins importantes.
Livres et témoignages
Inutile de dire que cet événement dramatique a suscité nombre de commentaires officiels et populaires, ainsi que des témoignages poignants, aussi bien dans la presse écrite qu’à la télé et sur les radios locales. Des livres ont été édités par la suite qui racontent par le menu les conséquences matérielles du tremblement de terre et le ressenti psychosomatique de leurs auteurs et de leur entourage au cours et après le phénomène. Nous pensons particulièrement au très bel ouvrage de Madame Léoncie Vala-Nadille de Terre-de-Bas, paru chez Nestor en 2012 : 40 secondes pour 40 ans de travail, livre dont nous avons rendu compte ici-même, dans notre chronique du 3 septembre 2013 : raymondjoyeux.com/2013/09/03/40-secondes-pour-40-ans-de-travail/. De son côté, le poète et conteur marie-galantais, Max Ripon, publiait un petit livre fort intéressant dont le titre reprend tout simplement les termes de la magnitude du séisme : Six virgule trois. À la différence près que ce dernier ouvrage se veut une œuvre de pure fiction alors que le livre de Mme Léoncie Vala-Nadille est un témoignage vécu d’une bouleversante authenticité.
Sur le vif : le récit d’A…
Les enfants aussi ont été fortement marqués par la violence du séisme. D’autant plus que l’école primaire de Terre-de-Haut a subi de gros dégâts, laissant imaginer le pire si la terre avait tremblé un jour de classe. C’est pourquoi, au lieu de vous exposer les savantes explications scientifiques et géologiques, fort instructives mais quelque peu rébarbatives pour les non initiés, explications que l’on peut par ailleurs trouver facilement sur Internet en tapant Séisme des Saintes, je vous propose le témoignage d’A…, collégien de 13 ans à l’époque, qui, dans le cadre d’une rédaction faite en classe, peu après l’événement, a simplement intitulé son récit :
» Un dimanche à Terre-de-Haut «
« Atmosphère paisible, rêves charmants, sommeil calme, nombreuses sont les impressions que pendant cette nuit du 20 au 21 novembre je ressens. Je ne peux imaginer meilleur repos. Tout d’un coup, sur le matin, je suis secoué une première fois brutalement, sèchement. Je pense alors : “Quel chauffard peut conduire aussi mal ? !” Il est vrai que la petite maison, une façade sur mer, l’autre sur rue, est en position favorable en cas de dérapage. Mais malgré cela, La Lucarne (c’est comme cela qu’on l’appelle) est à mes yeux la demeure la plus belle des Saintes. Puis je pense à autre chose, beaucoup plus surprenante et inattendue : un tremblement de terre. Je suis alors parcouru d’un frisson d’effroi : la maison, moitié bois, moitié béton, ne tiendrait pas longtemps. Aussi n’écoutant que mon instinct de survie, je m’empresse d’ouvrir les yeux et de me sortir du lit.
Dans les ténèbres de ma chambre, je me retrouve debout, lorsqu’une seconde secousse plus forte et plus longue me projette au sol. Abasourdi, à quatre pattes, je suis surpris de voir, du moins d’entendre avec quelle facilité les bibelots et autres livres tombent et se fracassent en s’éparpillant sur le carrelage en même temps que mon armoire. À l’estime, cette secousse dure une quinzaine de secondes. Désorienté, le temps de me remettre, je le vois enfin, ce filet de lumière salvateur qui filtre au bas de la porte. Je bondis hors de ma chambre et m’empresse de m’extirper de la maison.
Une fois dehors, je vois toutes les Saintes dans la rue, toutes classes d’âge confondues. Devant moi passe une vieille dame en pleine crise de nerfs. Plus loin, un groupe de personnes entoure un pan de mur effondré. Puis j’aperçois mon père, une baguette de pain à la main. Il accourt :
– Tout va bien, fiston ? Rien de cassé ?
– Pour moi, tout va bien. Mais à l’intérieur !…
– Si tu es sain et sauf, c’est l’essentiel, dit-il, les dégâts matériels, ce n’est rien. J’ai bien cru qu’un Boeing nous tombait dessus ! Mais où est ta mère ?
– Où est maman ? répété-je, inquiet. Ah oui, je sais, chez le coiffeur !.. Et je la vois accourir vers nous, essoufflée, le visage décomposé.
– Ça va, mes chéris ? crie-t-elle.
– Ça va, répond mon père.
– C’est horrible, mais je suis OK, répliqué-je à mon tour.
– Tant mieux, moi aussi, dit ma mère. Mais, mon Dieu, quelle frayeur ! Nous…
Elle n’a pas le temps de finir sa phrase qu’une nouvelle secousse fait vibrer la petite île qui tangue fortement. Partout, des voix de femmes s’élèvent. Certaines prient, les yeux au ciel. Je vois même les pires mécréants s’agenouiller en implorant miséricorde…
Et la matinée se passe dans le stress et l’attente, la pluie incessante renforçant l’atmosphère d’apocalypse.
L’après-midi, après des secousses toutes les dix minutes environ, et une forte réplique vers 15 heures, nous nous décidons à pénétrer dans la maison, avec précaution, nous précipitant dehors à chaque alerte. En réalité, chez nous, peu de dégâts, quelques verres et assiettes brisés ainsi que l’armoire de ma chambre à terre. Un rapide coup de balai pour éliminer les tessons mais pas question de remettre quoi que ce soit sur les étagères…
Le repas du soir est frugal : sandwich et eau claire autour d’une lampe de fortune. La journée a été partagée entre secousses, rumeurs, visites et coups de téléphone. Lorsque le crépuscule commence de s’établir, mon père annonce :
– Ce soir, mon cousin Jean viendra passer la nuit chez nous.
– Pourquoi, dit ma mère, il est sinistré ?
– Sa maison n’est absolument pas praticable. Je l’ai visitée dans la journée, elle est fendillée de partout et menace de s’écrouler. Ici, il sera en sécurité.
– De toute façon, ajoute ma mère, personne ne pourra dormir avec les secousses et l’in-quiétude, alors tu fais bien de le faire venir.
C’est ainsi que regroupés sur la terrasse du bord de mer nous passons la nuit tous les quatre à épier les répliques, un œil à demi fermé, l’autre bien ouvert au cas où, nous précipitant sans réfléchir à l’extérieur chaque fois que le sol semble se dérober sous nos pieds… »
Dans la vidéo suivante, mise en ligne sur youtube par la Région Guadeloupe, photos à l’appui, le maire de Terre-de-Bas évoque la reconstruction de sa commune après le séisme de 2004 :
https://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=eqonLqkL2-M
LU SUR DOMACTU DU VENDREDI 21 NOVEMBRE
« Le séisme du dimanche 21 novembre 2004 a montré que le risque sismique en Guadeloupe, est un risque majeur » débute la Préfecture dans un communiqué.
Aussi, pour commémorer le 10e anniversaire, entretenir la mémoire et les bons réflexes pour se protéger, plusieurs manifestations sont organisées.
Elles sont mises en place par les services de l’Etat ainsi que les municipalités de Terre-de-Bas et de Terre-de-Haut.
Au programme : des actions de sensibilisation aux risques naturels et des simulations d’un tremblement de terre avec le Sismobus du CPRS.
Des initiations aux gestes de premier secours avec le SDIS sont également proposées à la population.
Le Rectorat, quant à lui, fera des interventions dans les écoles et le collège.
Pour mémoire, ce dimanche 21 novembre 2004, c’est le sud de l’archipel qui avait été particulièrement touché.
Et c’est aux Saintes que la plus forte magnitude (6,3) et la plus forte intensité (VIII) avaient été enregistrées.
Une victime fut à déplorer dans la commune de Trois-Rivières, ainsi que des blessés et d’importants dégâts matériels.
« Depuis cette date, de nouveaux moyens ont été déployés par l’Observatoire volcanologique et sismologique de Guadeloupe » ajoute la Préfecture.
Six stations sismologiques et géodésiques de très haute précision ont été ainsi installées, dont une à Terre-de-Bas, aux Saintes.
Les autres sont situées à Marie-Galante, à La Désirade, à Capesterre-Belle-Eau, à Anse Bertrand et à Deshaies.
Ces équipements, à la pointe de la technologie, ont été financés dans le cadre du CPER-PO Guadeloupe par les instances européennes, nationales et locales.
Ils participent à la construction d’un réseau collaboratif dans l’arc des Antilles, partagé par trois observatoires : OVS Guadeloupe, OVS Martinique, SRC Trinidad.
« Cette mutualisation renforce nos capacités de surveillance et permet de garantir une continuité de services en cas d’inopérabilité d’un des observatoires ».
Sophie Moula – DOMactu.com
que de mauvais souvenirs, quel traumatisme à jamais en nous, et puis après, les dédommagements et les aides arrivent… et tout l’individualisme, le clientélisme reprennent le dessus…