Une Martiniquaise entreprenante
Depuis mai 1994 existe en Bourgogne Sud une Association intitulée Les Amis des Antilles. Créée à l’initiative de Christiane Mathos, elle a pour objet principal de faire mieux connaître nos contrées lointaines aux Bourguignons, en leur proposant un programme d’activités variées, d’ateliers, d’animations, d’expositions, de rencontres et de voyages Outre-Mer, alliant le plaisir ensoleillé de la découverte géographique à la connaissance historique et culturelle. Son inamovible présidente, l’infatigable et très active Christiane Mathos, est arrivée à Montceau-les-Mines en 1971, avec son mari, Gaby, alors responsable de production aux usines Michelin. Martiniquaise d’origine, Christiane a fait sa vie dans cette petite ville autrefois minière de la Saône et Loire, sans pour autant renier ses Antilles natales. D’abord employée d’une grande surface commerciale, elle a dû abandonner son travail à la suite d’un grave accident de la circulation qui l’a immobilisée de longs mois. Mais sitôt remise de ses soucis de santé, et nantie des formations et diplômes nécessaires, c’est en femme forte, indépendante et travailleuse, qu’elle crée en 1987 sa propre entreprise de restauration, créole, cela va sans dire, qu’elle baptise naturellement « Douce Heure Antillaise. »
Clients et sociétaires enthousiastes
C’est en sympathisant avec ses nombreux clients, principalement guadeloupéens et martiniquais exilés et métropolitains de la région qui fréquentent régulièrement son établissement, que Christiane a l’idée de créer cette Association. Forte aujourd’hui d’une centaine de membres et animée par une équipe dynamique et enthousiaste, elle a tout de suite eu l’aval des autorités municipales et de l’Office du Tourisme de Montceau. Car l’objectif de sa présidente n’est pas seulement de faire connaître les Antilles aux Bourguignons mais de faire découvrir aussi aux Antillais les richesses historiques, culturelles, gastronomiques et autres de la Bourgogne. Et ce par des manifestations sur place, des échanges réguliers et voyages organisés que l’Association met sur pied chaque année, entre Martinique, Guadeloupe et France métropolitaine.
Animations tous azimuts
Depuis sa création, voilà tout juste 20 ans cette année, et jusqu’au jour d’aujourd’hui, l’Association Les Amis des Antilles n’a eu de cesse d’offrir aux habitants de la communauté montcellienne et ses environs toute une gamme de manifestations et de rencontres qu’il serait fastidieux d’énumérer ici tant elles sont ou ont été nombreuses et variées. Sans être exhaustif, on peut citer, entre autres moments forts, les prestations exceptionnelles d’artistes de renom, conférenciers, peintres, chanteurs, danseurs, musiciens tels que Moune De Rivel, (récemment décédée), Jacques Salomé, Sylvia Fuet, la conteuse martiniquaise Jala, Véronique de la Cruz, Miss France 94, d’origine guadeloupéenne… Autant de personnalités et d’événements qui se produisent ou se sont produits au restaurant-même de Christiane ou au Centre d’Animations et de Rencontres (le CAR) de Montceau-les-Mines, judicieusement dénommé l’Embarcadère.
De l’échange scolaire au pèlerinage historique
Mais, en dehors des journées ou soirées festives habituelles du carnaval ou de Noël, en dehors des dîners dansants, des prestations culinaires ou artistiques mentionnées plus haut, autour du ti-punch, de l’inévitable boudin créole, des accras et de la musique antillaise, le point fort des activités de l’Association Des Amis des Antilles, c’est l’échange scolaire à visée culturelle et historique. Pas plus tard que l’an dernier, en mai 2013, Christiane Mathos, après avoir reçu à plusieurs reprises des classes de Martinique, a organisé dans le cadre de son Association et de l’opération Outre-Mer en Bourgogne, avec le concours d’enseignants motivés, la venue de la chorale du collège guadeloupéen Saint-Joseph de Cluny de la Jaille. Un voyage préparé de longue date associant les élèves du collège privé Saint-Gilbert de Montceau-les-Mines. Les 35 jeunes scolaires guadeloupéens et leurs accompagnateurs ont été accueillis dans des familles des jeunes montcelliens, avec la perspective de recevoir, à leur tour en Guadeloupe, leurs correspondants lors d’un prochain échange.
Sur la route des abolitions
Outre l’occasion de partage et d’échanges enrichissants avec de jeunes métropolitains de leur âge, et d’une prestation chantée très remarquée en l’église de Montceau-les-Mines, le but de ce pèlerinage de dix jours en Bourgogne, en mai 2013, a été pour les collégiens de la Jaille, l’opportunité de parcourir la route de l’abolition de l’esclavage dans cette région de France. Avec comme point d’orgue la visite de la maison natale d’Anne-Marie Javouhey à Jallanges et celle de Chamblanc où elle a vécu et préparé sa vocation. Cette religieuse née en 1779, fondatrice des Sœurs de Saint-Joseph de Cluny, a été l’une des premières personnalités à condamner l’esclavage et à prôner son abolition. Mettant ses actes en accord avec ses principes humanistes et chrétiens, alors qu’elle était en mission en Guyane, sous sa conduite et son autorité, 170 esclaves de Mana ont été affranchis le 21 mai 1838, soit dix ans avant l’abolition officielle. En souvenir de cet événement historique, la commune de Chamblanc a permis la création sur son territoire d’une forêt de la mémoire où ont été plantés 150 arbres, mentionnant le nom d’autant d’esclaves affranchis par Anne-Marie Javouhey.
Une stèle en commémoration de l’abolition
Après Chamblanc, ce serait très mal connaître Christiane Mathos que d’imaginer qu’elle s’arrête en si bon chemin. Ayant pris fait et cause pour cet événement majeur de notre histoire qu’a été l’abolition de l’esclavage, forte de sa personnalité, de sa renommée d’animatrice incontournable dans la région, et toujours sous l’égide de son Association, Les Amis des Antilles, elle a obtenu avec fierté l’implantation d’une stèle commémorative sur la commune voisine de Toulon-sur-Arroux. Cette petite ville de Saône et Loire, de 1600 habitants, bâtie sur les rives de l’Arroux et éloignée de Montceau-les-Mines d’une trentaine de Km, possède en effet dans ses archives des Cahiers de doléances de 1789 où est mentionnée la volonté explicite des habitants de voir abolir sur le territoire français et aux « colonies » toute forme d’esclavage.

Christiane Mathos et le maire de Toulon-sur-Arroux encadrant la stèle commémorative de l’abolition de l’esclavage
Figurant sur la plaque émaillée de la stèle, l’article dix des doléances communales, daté du 17 mars 1789 et rédigé au nom des administrés par le maire de l’époque, Jean-Philippe Saclier, est reproduit in extenso : » Que sur l’empire français, il ne reste aucun vestige d’esclavage ! Que la mesure de la fortune publique ne se calcule plus sur le nombre des malheureux ! Enfin que l’esclavage soit aboli dans les colonies, que la nation renonce pour toujours à la traite des nègres et que le Roy suivant les mouvements de son cœur daigne inviter toutes les nations à abjurer ce monstrueux commerce par un pacte général que l’humanité réclame. » C’est dire que le peuple français, en pleine révolution, animé de philosophie humaniste et égalitaire, n’a pas attendu 1848 pour réclamer l’abolition de l’esclavage. Christiane Mathos savait que la route des abolitions passait aussi par Toulon-sur-Arroux et c’est avec une satisfaction bien compréhensible qu’elle a convaincu le maire actuel, M.Bernard Labrosse, d’ériger cette stèle sur son territoire communal, stèle inaugurée en grandes pompes le 10 mai 2014, date officielle de la commémoration nationale de l’abolition.
Quels projets pour demain ?
Après Toulon-sur-Arroux, Christiane Mathos pense bien convaincre aussi la nouvelle maire de Montceau-les-Mines, dont elle est une des conseillères depuis les dernières élections, de faire ériger à son tour une stèle sur sa commune. Nous ne doutons pas qu’elle obtienne rapidement satisfaction. Pilier reconnu de l’animation artistique, culinaire et culturelle de sa ville d’adoption, ses nouvelles fonctions au sein du Conseil Municipal ne seront pas de trop pour faire aboutir plus facilement ses projets, toujours bien entendu au nom des Amis des Antilles. Les Antilles dont elle est depuis vingt ans l’ambassadrice efficace et dévouée, qualités et fonctions dont les originaires d’Outre-Mer en Bourgogne ont tout lieu d’être satisfaits et qu’ils ne sauraient en aucun cas lui contester.
Texte et photographies de R. Joyeux
Bravo à Christianne pour l’amour de ses régions, natales et adoptives, bravo pour sa volonté de ne pas voir cette horrible période de l’esclavage sombrer dans l’oubli car le propre de l’homme c’est d’oublier et de recommencer…….