Je remercie M. Axel Vicq des Éditions Dakota, ainsi que son auteur, M. Daniel Kempa, de m’avoir autorisé à reproduire ci-dessous l’article sur Terre-de-Bas, extrait de La Guadeloupe entre terre et mer, ouvrage collectif illustré et réalisé conjointement par Daniel Kempa, Corinne Gense et Gérard Berry du Conservatoire du Littoral. J’espère que cette chronique contribuera à mieux faire connaître notre île-sœur qui, si elle n’est pas aussi fréquentée touristiquement que Terre-de-Haut, présente des charmes autrement plus reposants et authentiques que sa voisine. Charmes que je vous laisse le plaisir de découvrir grâce au professionnalisme, à l’œil et à la plume de l’auteur, M. Daniel Kempa, qui a su remarquablement les décrire et les mettre en valeur. Par la même occasion je ne saurais trop vous recommander l’acquisition de l’ouvrage mentionné, La Guadeloupe entre terre et mer, un guide touristique indispensable à tous ceux qu’intéressent la connaissance, la découverte et la protection du littoral de notre bel archipel. Dakota Éditions a également publié, dans le même esprit, d’autres ouvrages sur différents sites emblématiques de France métropolitaine dont vous pourrez consulter les titres en cliquant sur le lien : http://www.dakotaeditions.com. Bonne lecture.
Raymond Joyeux
Terre-de-Bas l’île authentique
De toutes les îles de l’archipel, Terre-de-Bas est celle qui, tout en étant habitée, a su préserver une rare authenticité. Beauté des paysages, richesse du patrimoine et sérénité des lieux en font une destination où pourrait bien naître en ce troisième millénaire balbutiant un modèle de développement en réelle harmonie avec la nature.
Un patrimoine intact
Dès l’arrivée au port de Grande-Anse, le temps semble soudain se ralentir. Une activité tranquille se déploie. Des pêcheurs débarquent leurs prises sous les yeux attentifs des pélicans. En attendant de repartir en mer, quelques barques colorées sont échouées sur la grève. Ces « saintoises » font l’orgueil des habitants de l’archipel des Saintes, fiers marins et charpentiers de marine qui ont su s’inspirer de savoir-faire venus de la vieille Europe. Durant la traversée du bourg, on prend toute la mesure de la beauté des jardins créoles qui, hérités des Amérindiens installés dans le nord de l’île puis bonifiés par les populations noires, ont de tout temps assuré l’autonomie des familles. Le long du littoral, en bordure de falaises difficiles d’accès, apparaît la forêt sèche et ses essences caractéristiques : courbarils dont les grosses gousses renferment une pulpe comestible et « tendres à cailloux », nommés ainsi pour la dureté de leur bois. De jolis points de vue laissent entrevoir Basse-Terre, l’îlet du Pâté et la Pointe à Vache.
À proximité de mares où poussent des anémones des marais, sur des terres profondes jadis cultivées, subsistent des traces d’occupation humaine ; reliquats de jardins et d’arbres fruitiers qui font le bonheur des moqueurs de savane. À mesure que l’on s’élève, une forêt plus dense et humide s’impose, fréquentée par des soudas à l’allure débonnaire. Encapsulés dans des coquilles de fortune, ces bernard-l’ermite qui vivent sur terre sont les éboueurs de la nature. Ils se rétractent à la moindre menace. Par endroit le sol devient noir, couleur d’anciennes charbonnières. Des ruines d’habitations esclavagistes évoquent un passé où cultures de coton, de café, de canne à sucre et de cacao faisaient la prospérité de l’île.
Vers l’écotourisme
Avec la remise en culture de parcelles via la création d’un jardin biologique collectif, la réhabilitation de mares et de plantations traditionnelles, le développement de l’herboristerie par la mise en place d’un jardin médicinal et la valorisation des vertus thérapeutiques du bois d’Inde, Terre-de-Bas semble s’orienter vers une exploitation raisonnée des ressources naturelles. Savoir-faire traditionnels et patrimoine historique lui donnent des atouts indéniables. La mise en valeur de pratiques artisanales comme la fabrication de salakos, chapeaux saintois d’inspiration tonkinoise, et la transmission de techniques de pêche telle la pêche à l’épervier, confèrent à ce projet une dimension culturelle indéniable…
La tradition créole, un espoir pour l’avenir.
Suggestions de balades :
Du port, traversez le bourg par la rue principale en direction de la plage de Grande-Anse
Aux Saintes, la pêche est une tradition. Tous les métiers de la filière sont pratiqués : construction et réparation des saintoises barques typiques des Saintes dont les membrures sont en poirier pays ; fabrication de nasses en bois et bambou ; pêche à la senne, à la palangre, à la traîne… Héritées des Amérindiens, certaines astuces de pêche sont étonnantes. Ainsi, pour attirer et troubler le poisson, les pêcheurs de l’île placent des feuilles de bois enivrant dans les casiers.
Longez la route côtière en laissant la trace du nord à gauche et poursuivez vers Pointe-Noire
Autour des cases traditionnelles colorées, les jardins créoles sont à Terre-de-Bas bien vivants. Ici règne la culture à trois étages. Tandis que balatas et autres grands bois d’ouvrage sont prélevés en limite de forêt, fruits de figuiers de Barbarie, de surettes, de citronniers, de grenadiers et de manguiers sont cueillis plus bas, non loin des maisons. Les racines et tuber-cules tels que patates douces, ignames, manioc et malagas sont cultivés à terre, à proximité des habitations. Grâce à une citerne, chaque famille est indépendante.
Suivez le long du littoral le sentier balisé en bleu et dépassez l’îlet du Pâté
Dans certains secteurs, vous rencontrerez des arbres portant d’énormes boules. Ce sont des calebassiers, végétaux incontournables dans la culture créole. L’opération « On pannyé on kwi » devrait bientôt leur rendre toute leur importance. Dans un avenir proche, aux caisses des super-marchés, les sacs en plastique ne seront plus distribués. Ce sera une véritable révolution dans notre mode de consommation. Afin de proposer une alternative durable et de renouer avec une tradition bien ancrée, les paniers en liane de siguine et de bambou pourraient les remplacer. Les aliments cuisinés pourraient être versés dans des plats creusés dans des calebasses, appelés « kwi ». Avec la grande diversité des formes de calebassiers présents en Guadeloupe, toute une vaisselle biodégradable pourrait voir le jour.
Au niveau de l’anse à Chaux, remontez par la forêt mésophile vers le morne Sec
En travers de votre chemin, vous rencontrerez peut-être un joli serpent noir avec des taches blanches. Il s’agit de la couresse des Saintes, une couleuvre inoffensive.
Allez vers l’ancienne exploitation de l’Étang puis revenez sur vos pas pour prendre la » Trace » du dessus de l’étang, peinte en bleu
Autour de l’ancienne habitation de « l’Étang » située entre les trois mornes, arbres fruitiers ensauvagés, mares et étangs envahis de fougères dorées et de cannes brûlantes témoignent d’un passé révolu. Ces vestiges représentent aujourd’hui un patrimoine à sauvegarder. Lors de votre retour, du morne Sec à Grande-Anse, vous découvrirez de belles vues vers Terre-de-Haut.
Texte : Daniel Kempa
Illustrations : Raymond Joyeux
Ce matin il bruine en bretagne…..Cette belle balade m’a redonné le moral, et j’ajouterai qu’en retournant vers le port, un petit détour vers les vestiges de la poterie s’impose.
Merci .