Breton, prêtre et bâtisseur

Le Père J-M Offrédo aux dernières années de sa vie
Jean-Marie Offrédo est né le 11 février 1888 à Baud, dans le Morbihan, en Bretagne. Il est le benjamin de six enfants dont l’aîné des fils sera prêtre au diocèse de Vannes et l’aînée des filles religieuse institutrice en Haïti. À 13 ans, il entre chez les Frères des Écoles Chrétiennes, à l’Institution Sainte-Barbe de Fouët, bourgade de 3000 habitants non loin de Paimpol. Puis au petit séminaire de Sainte-Anne d’Auray, avec l’intention de devenir prêtre. À 18 ans, en 1906, pour affermir sa vocation, il entreprend avec ses parents et son frère aîné un pèlerinage à Lourdes. C’est à cette occasion, alors qu’il est en prière à la Grotte de Massabielle, à côté d’une famille Antillaise, qu’il décide, à l’exemple de sa sœur, de devenir missionnaire. Dès ce jour et dans son esprit, sa voie est désormais tracée, alors que sa mère aurait voulu le garder auprès d’elle.
Un novice à la santé fragile
C’est au noviciat des Pères du Saint-Esprit, à Chevilly La Rue, en région parisienne, que Jean-Marie Offrédo va poursuivre ses études de séminariste. Brillant étudiant, doué pour le chant religieux et les fastes liturgiques, il fait sa profession de novice et reçoit la tonsure le jour de la Saint-Bruno, le 6 octobre 1908, alors qu’il vient de fêter ses 20 ans. Malheureusement, de santé fragile, il doit momentanément mettre une sourdine à ses études de philosophie scolastique et de théologie pour le sanatorium de Montana en Suisse, où la congrégation spiritaine, dont il fait désormais partie, possède une institution médicalisée, à 1500 mètres d’altitude : la Villa Notre Dame. C’est d’ailleurs en Suisse, à Sion dans le Valais, qu’il est ordonné prêtre le 28 octobre 1914 et qu’il commence son ministère de jeune pasteur, après avoir repris et terminé ses études à l’Université de Fribourg.
Du professorat en Bretagne au pensionnat de Versailles en Guadeloupe
Avant son départ pour l’Outre-mer comme il le souhaite, en qualité de missionnaire à plein temps, Jean-Marie Offrédo, en pleine guerre de 14-18 est affecté comme professeur au petit séminaire de Rostrenen, près de Saint-Brieuc. Il assure simultanément les fonctions de vicaire de cette paroisse et sera nommé par la suite recteur de Trégornan puis de Saint-Michel en Glomel, toujours en Bretagne. Il tombe à nouveau malade et est hospitalisé pendant 14 mois au sanatorium de Bligny, en Ile de France, dont il anime tout naturellement le ministère. Sa santé rétablie et la guerre terminée, son rêve est sur le point de se réaliser. Mgr Le Roy, alors Supérieur Général de la Congrégation du Saint-Esprit, le recommande en effet comme aumônier au pensionnat de Versailles à Basse-Terre en Guadeloupe. Il s’embarque pour les Antilles à Saint Nazaire, le 2 nombre 1921, sept ans après son ordination. Il a alors 33 ans, l’âge du Christ…
Aumônier de Versailles à Basse-Terre
Généralement peu recherché par les jeunes missionnaires, le poste d’aumônier scolaire voit Jean-Marie Offrédo s’adapter parfaitement à sa nouvelle affectation. Un rapport d’un confrère de passage souligne : » Il n’y a que des éloges à adresser au Père Offrédo pour la façon dont il s’acquitte de son ministère dans le poste si délicat de Versailles. »
Ce pensionnat de jeunes filles est bien connu en Guadeloupe pour ses succès scolaires. Fondé et tenu par les Sœurs de Saint-Joseph de Cluny à la fin du 19 ème siècle, l’établissement, aujourd’hui externat, compte, à cette époque, au nombre de ses élèves, une soixantaine de garçons que l’aumônier, fraîchement installé, forme et utilise pour les fêtes religieuses et diverses cérémonies liturgiques à la chapelle de l’institution. Célébrations grandioses qu’il affectionne particulièrement et qui attirent pour leurs fastes nombre de fidèles de la région de Basse-Terre. À son arrivée en 1921, l’effectif total du pensionnat est inférieur à 100. Cet effectif va plus que doubler lorsque le Père Offrédo est contraint une première fois de regagner la Métropole pour une opération chirurgicale.
Huit fois l’extrême onction
Par deux fois en effet, au cours de son séjour au pensionnat de Versailles, le père Offrédo devra se rendre en France, par bateau à cette époque, pour raison de santé. Atteint d’une grave affection de la rate – une splénomégalie ou hypertrophie maligne -, lui procurant d’atroces douleurs et des hémorragies mettant sa vie en danger, il subira l’ablation de cet organe à Paris, en 1925, et recevra au cours de sa maladie huit fois l’Extrême-Onction, l’ultime sacrement des mourants. De retour en Guadeloupe, après une longue convalescence, il ne sera réaffecté à l’aumônerie de Versailles qu’en 1929, poste qu’il quittera définitivement en 1932. Entre temps, en dépit de sa santé précaire, il aura servi dans diverses communes successives du diocèse : Grand-Bourg de Marie-Galante où le surprend le terrible cyclone de 1928, Baie-Mahault, Trois-Rivières, Bouillante. Autant de paroisses dont il entreprend la réfection des églises et presbytères… et qu’il dessert le plus souvent à cheval. C’est d’ailleurs au cours d’un de ses déplacements qu’il chute un jour de sa monture, se relevant avec une fracture de la hanche dont il gardera jusqu’à sa mort une légère claudication, infirmité à laquelle il faut ajouter une double congestion pulmonaire soignée à l’hôpital de Saint-Claude, et une embolie cérébrale qui paralysera un moment son côté gauche.
1945 : le ministère de Terre-de-Haut
C’est sous l’épiscopat de Monseigneur Jean Gay, nommé le 16 mai 1945 évêque de la Guadeloupe, que le père Offrédo est affecté à Terre-de-Haut, peu avant Noël de cette même année 1945. Suite à une célébration particu-lièrement recueillie de la messe de minuit, ses premières impressions au sujet de ses paroissiens sont plutôt positives. Par contre, son presbytère est décrit comme « un nid de poux de bois, construit dans un sous-sol humide et sans air. » Malheureusement, faute de finances suffisantes, aussi bien communales que paroissiales, les travaux de réfection de la cure seront retardés et ce n’est qu’en 1948 que quelques réparations interviendront, en même temps que prend forme le projet d’agrandissement de l’église, que notre curé trouve trop petite, et de la construction d’un nouveau clocher pour remplacer le précédent en piteux état. Concernant ces deux derniers projets, il faudra attendre 1956 pour voir se concrétiser pour Terre-de-Haut les ambitions de bâtisseur du Père Offrédo.
Un curé entreprenant
La petite église de Terre-de-Haut, à l’arrivée du nouvel officiant, est à peine suffi-sante pour recevoir la totalité des fidèles dont le nombre – 1039 en 1945 – ne cesse de croître avec les années. Dépourvue de transept et surmontée d’un clocher qui « n’est qu’un horrible amas de tôles rouillées « , selon les mots de son pasteur, elle mérite une sérieuse réfection et nécessite un agrandissement. Ce sont les deux priorités du Père Offrédo qui ne cesse, en attendant les longues formalités préalables aux constructions, d’embellir son sanctuaire par l’acquisition d’ornements, de vases sacrés, d’une statue de Saint-Jean-Baptiste, d’un bénitier en marbre pour les baptêmes, de soutanes neuves pour les enfants de chœur… et la célébration de cérémonies religieuses fastueuses dans le bourg ou en pleine nature, selon le calendrier liturgique. L’évêque a autorisé de son côté l’érection d’un Chemin de Croix dans l’allée de terre, bordée de poiriers centenaires, qui mène au cimetière, et une immense Croix des Missions surmontée d’un Christ en acier sera implantée au milieu des tombes en 1954.
Une œuvre gigantesque bénie par Mgr Jean GAY
Mais les autres projets avancent eux aussi. Les dons affluent de toutes part, surtout des nombreux marins de la Jeanne d’Arc, en escale chaque année aux Saintes et que le Père Offrédo, en sa qualité de Breton, affectionne tout particulièrement. Finalement une entente est conclue avec le Maire, M. Théodore Samson, et les travaux de la construction du transept commencés en Octobre 1955 s’achèveront dans la liesse en 1956, le 16 février exactement. En effet, selon le journal catholique CLARTÉS, ce jour-là, « l’évêque, lui-même tient à bénir le sanctuaire et débarque dans la matinée à l’appontement, en compagnie des officiels religieux du diocèse et d’une quinzaine de prêtres. À l’embarcadère, des centaines d’enfants saluent joyeusement Mgr l’Évêque qui est accueilli par M. Samson, Maire de Terre-de-Haut, et son conseil municipal. Tout le long du parcours et jusqu’à l’église, des arcs de triomphe enrobés de verdure ont été dressés et des guirlandes sont tendues à travers la rue principale… »
Vaincu par la maladie
Peu après cette bénédiction en grandes pompes religieuses, l’entreprise Ramkélaouan de Guadeloupe, qui vient d’achever le transept, donne les premiers coups de pioche de l’implantation du nouveau clocher dont la construction, terminée avant la fin de l’année 1956, couronnera l’œuvre d’agrandissement de l’église. Trois années passent et la santé du Père Offrédo, jusqu’alors en répit, recommence, en cette année 1959, à donner des signes d’usure. Le docteur Hourtiguet en poste à Terre-de-Haut le déclare menacé de défaillance cardiaque et d’œdème pulmonaire. Mais ce n’est qu’en janvier 1962 que Jean-Marie Offrédo, vaincu par la maladie à 74 ans, doit se résigner à laisser la place. Admis à la clinique Saint-Joseph de Pointe-à-Pitre, il meurt le 22 mai 1962, laissant partout en Guadeloupe et aux Saintes, l’image d’un pasteur aimé, charitable et entreprenant. Étrangement, sa biographie officielle, que l’on peut consulter sur le site de la Congrégation des Pères du Saint-Esprit mentionne faussement qu’il est enterré aux Saintes et ne fait aucune allusion à son passage à Terre-de-Haut, alors que c’est dans cette paroisse qu’il a accompli la majeure partie de son ministère de prêtre missionnaire et de son œuvre de bâtisseur. Le 21 nombre 2004, le séisme d’intensité 6,3 sur l’échelle de Richter qui secoua l’archipel des Saintes, un dimanche à 7 heures 47 du matin, ébranla fortement le haut édifice que les autorités furent contraintes de démolir. À sa place, un nouveau clocher vit le jour… sur le modèle exact de celui que le Père Offrédo trouva lorsqu’il foula pour la première fois le sol de Terre-de-Haut, à la veille de Noël de 1945. Nous étions revenus 58 ans en arrière…
Raymond Joyeux
Documentation :
– Site officiel de la Congrégation du Saint-Esprit
– De clochers en clochers – Terre-de-Haut. Camille Fabre -Basse-Terre 1979
PS : En raison des congés du Mardi Gras, la prochaine chronique paraîtra dans le courant de la semaine du 10 au 15 mars.
De notre lointain Québec, merci Raymond pour cette touchante chronique sur le père Offrédo qui ravive mes souvenirs d’enfance… et met en contexte mes mémoires de sa personnalité originale alors qu’il était encore en pleine forme, en 1954 puis 1957-1958.
Monsieur Joyeux Il ne faut pas oublier que ce cher homme, après le cyclone Betsy en 1956 , avait reçu des sacs de farine de maïs de 50 Kilos, marqués « Don du peuple Américain » et que pour satisfaire son appétit de bâtisseur, il fit PAYER 1 Franc de l’époque, le Kilo de ce DON généreux à tous les Saintois , croyants et non croyants. Bref, une belle âme…