Qui a prétendu que les Saintes étaient un désert culturel ? Si cela a été plus ou moins vrai il y a quelques décennies, cette idée est aujourd’hui largement battue en brèche, et pour cause. Au cours de cette période 2020-2021, en dépit des difficultés sanitaires que nous connaissons, pas moins de cinq auteur(e)s saintois(e)s ont fait l’actualité en matière de publication littéraire.
Patrick PÉRON
À tout seigneur, tout honneur, (en plus de sa participation à de nombreuses publications collectives), voici le dernier ouvrage personnel de notre ami Patrick Péron qu’on ne présente plus. Cet ancien professeur des écoles, qui a élu domicile à Terre-de-Haut dans les années 1970, ne cesse d’interroger patiemment les archives locales, départementales et nationales pour nous offrir, dans la lignée de ses précédentes publications, Une Histoire des Saintes 1648-1948. Cet ouvrage, le septième de l’auteur, divisé en sept chapitres aussi passionnants les uns que les autres, est paru en août dernier aux Éditions Nestor de Gourbeyre, dont le directeur, Willy, n’est autre, lui-même, qu’un ancien élève du collège de Terre-de-Haut. Willy – dont je garde un excellent souvenir – fait aujourd’hui une belle carrière dans l’édition qui porte son nom. Nous pouvons lire en quatrième de couverture le résumé de l’ouvrage de Patrick Péron, qui, mieux que tout autre commentaire, nous projette de plain-pied, trois siècles durant, au cœur de notre Histoire pour le moins tourmentée.

L’histoire des Saintes démarre en 1648, quand, au nom du roi de France Louis XIV, un officier et un père dominicain prirent possession de ce minuscule archipel situé au sud de la Guadeloupe. Les colons furent envoyés aux Antilles, les plus grandes comme Saint-Domingue ou les plus petites comme les Saintes, pour y installer des établissements de commerce destinés à faire la fortune des négociants et du gouvernement. Pour atteindre cet objectif, il fallut développer une flotte de commerce et une marine de guerre pour protéger les îles. Les mers étant peu sûres, les Etats se mirent en quête de sites susceptibles de répondre à des critères stratégiques, militaires et commerciaux. La rade des Saintes correspondant à tous ces points, de nombreuses fortifications y furent érigées, en 1777 d’abord puis en 1841. Elle devint naturellement l’objet de combats entre Français et Anglais. Ceux-ci profitèrent plusieurs fois de la situation en France entre 1782 et 1815 pour s’emparer des Saintes qui redevinrent définitivement françaises l’année suivante. Après les colons, engagés et esclaves, Les Saintes connurent l’arrivée des migrants indiens et madériens en 1854 et l’utilisation de la vapeur appliquée aux navires en 1857. Elles subirent ensuite la terrible épidémie de choléra en 1865. Elles assistèrent enfin au départ de la garnison en 1903, après deux siècles et demi de présence militaire.
Marie-José GARAY
Autre passionnée d’Histoire locale, Marie-José Garay explore dans son dernier ouvrage les coulisses pas très reluisantes – mais cela nous le savions – de l’esclavage en Guadeloupe avant l’abolition de 1848. Quel patient et méticuleux travail de recherches et d’écriture a réalisé l’auteure de Liberté savane pour nous livrer, dans un style aussi pudique que flamboyant, ce précieux document, basé sur des faits réels, et qui fera date dans notre connaissance d’un passé – pas si lointain – qui n’a pas fini de peser sur notre mémoire collective et parfois nos comportements ! Après L’orpheline de la colonie publié en 2015 chez Nestor, Liberté savane est paru en décembre 2020 chez le même éditeur, avec en exergue cette citation très à propos d’Édouard Glissant extraite de son recueil Les Indes : « L’Histoire les oublie, car ils sont les morts de ce côté du monde où le soleil décline (…) Ils sont conquérants de la nuit nue. Ouvrez les portes et sonnez les héros sombres… » Citation que Marie-Jo, a le grand mérite d’actualiser magistralement en ouvrant justement les portes (de son cachot) sur une héroïne que, sans le talent et la sagacité de l’auteure, nous aurions sans doute oubliée et enfouie comme tant d’autres, dans la nuit nue… dont parle Glissant.
En 1840, un propriétaire est accusé d’avoir séquestré vingt-deux mois durant son esclave Lucile dans le cachot de son habitation. Le procès houleux tenu devant la cour d’assise de Pointe à Pitre défraya la chronique, résonnant jusqu’en France métropolitaine en s’invitant aux débats pré-abolitionnistes de l’Assemblée Nationale.
Après cinq jours de procès animé, le maître, Gabriel Aldebert, est acquitté sous les applaudissements des planteurs de l’île qui jugeaient trop intrusives les mesures gouvernementales prises pour améliorer les conditions de vie des esclaves. Quant à l’esclave Lucile on l’oublia à une forme de liberté officieuse, dite « liberté de savane ».
Ce roman permet de traverser l’époque où l’évidence d’émanciper les esclaves se précise en France, mais restait posée la question de comment faire, sans trop déranger un système socio-économique organisé depuis 1685.
Carla VICTORIA
Fille de Nathalie Cassin et de Charles Maisonneuve, à 23 ans, Carla est une artiste complète. En plus de s’adonner depuis son plus jeune âge à la chanson (elle a interprété et enregistré plusieurs titres le plus souvent agrémentés de clips originaux), elle vient de publier son premier roman : La souffrance des mots aux Éditions Sydney Laurent. Dans un style alerte et moderne, Carla nous retrace le parcours haletant d’une jeune artiste prête à (presque) tout pour réussir. Trajctoire qui n’est pas sans rappeler la propre expérience de cette précoce, prometteuse et talentueuse auteure. Un livre étonnant, revigorant, aux nombreux rebondissements, qui se lit d’autant plus facilement que les personnages nous présentent à tour de rôle leur propre vision des événements auxquels, les uns et les autres, ils sont plus qu’étroitement liés. Cet ouvrage où les réflexions sur la vie d’artiste – la vie tout court – et la psychologie intime tiennent une place prépondérante, est à mettre entre toutes les mains en attendant le second tome promis par l’auteure. Elle même promise, nous en sommes persuadé, à un brillant avenir dans le monde de la littérature… et de la chanson, ne l’oublions pas !
Sissi a 17 ans. C’est une jeune artiste avec une voix magnifique, qui a eu un passé douloureux. Elle ne le sait pas encore, mais elle aura un avenir brillant. Un soir, dans sa ville natale, John Pecci, un producteur de 27 ans, lui-même chanteur et compositeur, lui fait une proposition qui va bouleverser sa vie. Sa souffrance est palpable. Sissi quitte alors sa petite ville avec l’accord de sa mère et part ainsi s’installer avec John, chez lui, à Edmonton, en étant désormais sous sa responsabilité. Elle possède un carnet rouille pailleté, précieux à ses yeux, qu’elle ne quitte jamais et dans lequel elle écrit la souffrance de ses maux. John voudrait connaître un peu plus Sissi, percer son mystère et il essaiera d’ailleurs d’obtenir sa confiance, cependant, elle se gardera bien de dévoiler ses émotions. Beaucoup de querelles et d’incompréhensions émailleront de leur collaboration. Au fil du temps, John et elle créeront une solide amitié, Sissi n’en ayant jamais eu auparavant. Et malgré elle, elle se rapprochera de lui. Maceo, un autre artiste que John n’apprécie pas du tout, interviendra à un moment précis de sa vie. Pendant son séjour auprès de John, Sissi fera une découverte surprenante. Aurait-il, lui aussi, des secrets qu’il cache ?
Léa SAMSON
Saintoise par son père Alain Samson, Léa est née en métropole il y a 32 ans. Pour notre plus grand plaisir, elle vient de faire paraître aux Éditions Le Lys Bleu son premier roman intitulé Dans le cœur d’Émily. Dans une interview accordée au journal Presse-Océan à la parution de son ouvrage, la jeune auteure déclare : « C’est un livre de vie retraçant des histoires d’amour et d’amitié. Comme je l’ai souhaité, ce roman moderne, rebondissant, spontané, réaliste entraînera le lecteur dans les déboires d’une jeune femme de 25 ans, prénommée Émily. J’ai choisi ce thème car je voulais écrire un livre destiné aux femmes. Comme une histoire sur les pas de Bridget Jones et Sex and the city. » Et plus loin : « C’est un projet de longue date. Je suis passionnée des arts comme la musique et le cinéma et, depuis mon jeune âge, j’écris des scénarios ainsi que des petites histoires. Mais ce n’est qu’en 2013 que j’ai pris la décision d’écrire un livre. J’ai mis du temps à l’écrire mais je n’ai jamais lâché. Et en janvier 2020, j’ai enfin tapé le point final de mon ouvrage. »
Incontestablement douée pour l’écriture et la composition littéraire, Léa Samson a le sens inné du dialogue bien mené, des réparties spontanées et des situations dramatiques – ou jouissives- à rebondissements. Tout comme moi, je suis persuadé que de la première à la dernière page, vous serez séduit (e) par ce roman singulier où les intrigues se succèdent dans un tourbillon de péripéties dont on a hâte de connaître le dénouement. Certes, comme l’indique justement l’auteure, Dans le cœur d’Émily, est une histoire d’amour(s) et d’amitié(s) – j’ajouterais : pimentée d’un zeste d’érotisme pour ne pas dire plus – mais qui se lit à toute allure, comme un roman policier à suspense, sans jamais perdre le fil directeur du récit… Récit en l’occurrence palpitant qui n’a pas été écrit, contrairement à ce que dit Léa, – désolé de la contredire – uniquement pour les femmes, je vous rassure. Ce livre est à conseiller en effet à tous ceux et toutes celles qui aiment les intrigues amoureuses inattendues, souvent contrariées et les méandres forcément tortueux des amitiés partagées pas toujours au beau fixe…comme dans la vraie vie, quoi ! Nous attendons avec grande impatience la prochaine publication de Léa Samson déjà mise apparemment sur le chantier …
Raymond JOYEUX
Oui, je sais : ajouter mon nom à cette liste paraîtra sans doute prétentieux et mal venu aux esprits chagrins, mais qu’y puis-je ? puisque CaraïbÉditions vient de publier le second volet de mes souvenirs d’enfance intitulé Les manguiers du Galion, livre que j’ai présenté dans une précédente chronique, il est bien normal, selon moi, qu’en tant qu’auteur saintois, j’en parle ici aussi ! Quitte à vous proposer – pour éviter de m’étendre sur mon propre cas – seulement la première et la quatrième de couverture dont je ne suis ni l’illustrateur, ni l’auteur du résumé.. Merci de votre compréhension. Et à bientôt pour une prochaine chronique.
Je remercie vivement les auteurs cités de m’avoir prêté leur concours pour cette chronique et surtout pour leur contribution littéraire ou historique, enrichissant ainsi le patrimoine culturel saintois. Je précise enfin que tous ces ouvrages se trouvent normalement en librairie aussi bien aux Antilles qu’en France métropolitaine, ou sur commande sur les sites dédiés comme entre autres, pour ne pas les citer, la Fnac et Amazon.
Publié par Raymond Joyeux, le 29 avril 2021
Ce n’est pas du tout prétentieux, Raymond, de faire part de la parution de « Les manguiers du Galion » (Caraïbéditions) que j’ai savouré… M’est revenue en mémoire la lecture des Marcel Pagnol.
Et, permets moi de recommander vivement de lire ce récit d’enfance aux anecdotes croustillantes de tes années d’internat sur le « continent »; Le déracinent d’un enfant qui fini par s’adapter aux rigueurs éducatives des années 50…
Et, pourtant, j’ai ri, ri malgré les brimades, malgré le déchirement qu’on imagine très bien d’être isolé de ses proches et de son île si jeune! J’ai ri « comme cette après-midi de kermesse où, étouffant nos rires dans les coulisses, nous avions entendu notre camarade Jean-Pierre Epiter, surnommé Jovis, déclamer naturellement, avec emphase et sans s’en rendre compte: « Mon père ce héros au sourire au saindoux… » au lieu de « au sourire si doux » »
Grand merci pour nous tous qui sommes cités dans cet article.
Je te suis très reconnaissante pour ces mots que je prends pour des encouragements…
Marie-José GARAY
Merci Marie-Jo, très sympa de ta part.
BONJOURS,
Des livres , des articles tout cela est très bien. j’adore, Tout le monde se connait ou est un parents, alliés aux Saintes.
Vos connaissances sur plusieurs générations sont multiples et précieuses, mais se perdent fautes d’écrits suffisants.
A nouveaux merci Raymond pour ton travail.
mais je me pose 2 questions importantes ?
existe-il un arbre généalogique de tous nos ancêtres Saintois ?
Y-a-t-il une association au groupe d’amis qui y travail ?
j’ai bien entendu un arbre sur Généanet, (m658), sur lequel figurent plusieurs d’entre-eux.
Mais je suis bloquée sur plusieurs branches familiales ?
et Vous ?
Nous sommes nombreux dans cette situation. Ce n’est pas normal !
Je lance cri d’alarme et une immense demande
A QUAND, UN ARBRE COLLECTIF, ASSORTIE D’ANECDOTES FAMILIALES ET HISTORIQUES,
RÊVE OU UTOPIE DE MA PART ?……..
ps. je participe déjà à plusieurs arbres régionaux, Un de plus ne m’effraie pas.