Bien avant Engel Molinié, présenté dans notre chronique du 9 septembre, prenant tout le monde de court, la première à annoncer sa candidature à la mairie de Terre-de-Haut n’est autre que Mme Ginette Samson, ex-première adjointe dans deux précédentes mandatures. C’est en effet très opportunément à la veille de la fête des mères, le 23 mai 2019, soit dix mois avant les prochaines échéances électorales, que les Saintois ont découvert sa déclaration. Une prose élégante et claire, savamment orchestrée en quinze paragraphes parfaitement articulés, bien détachés les uns des autres pour en faciliter la lecture. Qualité d’expression non négligeable en l’espèce, obligeant cependant la candidate à utiliser sa feuille recto-verso, ce qui présente un léger inconvénient pour un tract électoral. Mais qu’à cela ne tienne ! Accompagnant ses vœux affectueux et tendres de « bonne fête des mères à toutes les mamans des Saintes », une splendide photo en plan américain, reproduite ci-dessus, pour clore la déclaration, toute en couleurs et franc sourire aux lèvres, compense astucieusement ce désavantage et incite le lecteur – l’électeur – à passer outre.
Dès l’entame de son texte, Mme Ginette Samson se veut résolument proche et familière. L’apostrophe initiale, « Mes très chers amis », annonce le ton intimiste de l’ensemble. Et, après avoir exprimé sa fierté d’être « originaire de l’archipel des Saintes et d’avoir grandi en osmose avec l’une des 3 plus belles baies du monde », comme d’ailleurs tous les Saintois j’imagine, elle adopte même, dans le deuxième paragraphe, sans complexe apparent, une phraséologie carrément gaullienne, avec l’emploi de l’anaphore pour enfoncer le clou : « Je vous ai écouté, je vous ai entendu, je vous ai compris », et l’accord volontairement au singulier des participes passés, sans doute parce que son message s’adresse à chacun de ses « chers amis » en particulier…
Puis, ayant échangé, écrit-elle, avec beaucoup d’entre nous, « au hasard de rencontres fortuites » (sic), l’évidence, telle une apparition divine, a sauté aux yeux de notre égérie quelque peu exaltée : « Il m’est apparu évident, que je devais m’engager encore davantage et mettre ma riche expérience au service de notre commune ». Car, tenons-nous-le pour dit, Mme Samson se pose, ni plus ni moins, en sauveur providentiel de notre commune. Une commune en faillite dont les deux précédents édiles, avec lesquels, semble-t-il, elle ferait aujourd’hui étrangement bon ménage, (politiquement s’entend !), avaient organisé et précipité le naufrage. Ce qui lui avait valu en son temps de démissionner de son poste de capitaine en second, abandonnant le navire en perdition aux soubresauts houleux des pathétiques événements que nous avons si dramatiquement vécus.
Quoi qu’il en soit, soyons rassurés : Mme Ginette Samson, forte, dit-elle modestement, de sa « riche expérience » (1) souhaite mettre ses « compétences, sa passion, sa flamme et sa force » au service de la collectivité. Quel bel élan, en vérité, que cette exaltation soudaine pour une candidate plus que discrète jusqu’ici qui a « ressenti un grand nombre de nos besoins et de nos attentes, qui a perçu notre vision» et qui nous propose « un mode de fonctionnement basé sur l’anticipation, l’innovation, mais surtout sur l’implication et la concertation », et plus loin, pour compléter le catalogue des ions : sur « de véritables et nouvelles impulsions » !
(1) : Rappelons que Mme Ginette Samson a présidé la Jeune Chambre Économique de la Basse-Terre en 1998-1999.
Terre-de-Haut change de cap !
Ironie du sort, parodiant un célèbre slogan des municipales de 2001, Mme Ginette Samson fixe pour notre île un « un cap ambitieux ». Autrement dit un changement radical de direction, en vue de « satisfaire les besoins quotidiens de la population ». Démarche qui, poursuit-elle, « va de pair, obligatoirement, avec une ouverture d’esprit, une écoute, une communication intergénérationnelle. » Autant de vertus qui sont l’exact contraire de celles pratiquées par celui dont elle avait intégré l’équipe successivement en 2007 et 2014. Et c’est, sans doute là, entre autres raisons, la pierre d’achoppement à l’origine de son départ du conseil municipal évoqué plus haut. Une démission logique à l’époque et, selon ses propres termes, « mûrement réfléchie », (1) qui rend plus incompréhensible encore aux yeux de beaucoup son alliance d’aujourd’hui avec qui nous savons. Nous sommes en effet très loin du « vrai sens et de la cohérence de l’action municipale » prônés par la candidate dans sa déclaration.
(1 )- Voir le France-Antilles du 17- 12 -2014
Écoute, ouverture d’esprit, communication intergénérationnelle
On comprend aisément dès lors qu’aucune évocation fâcheuse des pratiques passées et encore moins leur condamnation publique, ne doivent venir ternir et contrarier les amitiés renouées de Mme Samson. Et que sa déclaration de candidature, lisse et sans accroc sur ce point, doive au contraire s’en tenir uniquement à de belles considérations générales, sans que nous soient révélés les moyens concrets de les mettre en application.
Mais ne soyons ni pressés ni trop impatients. La campagne électorale est loin d’être officiellement ouverte. Et la subtilité tactique de Mme Ginette Samson, son intelligence hors du commun, ses compétences en psychologie sociale et management opérationnel, sa maîtrise de la communication savamment dosée, le tout, bien entendu, soutenu et fécondé par sa « riche expérience », la conduisent à ne nous présenter pour le moment que les lignes directrices de sa future politique, son cadre idéologique en quelque sorte… un peu à la manière du sommaire abrégé d’un livre à venir. Elle nous met tout simplement l’eau à la bouche avec l’intention évidente de nous tenir la dragée haute jusqu’à l’échéance finale…
Et si par hasard, en dépit de sa grande « détermination », de sa « force d’agir », de son « envie d’innover », il lui arrivait d’échouer dans son « challenge audacieux », dans son « projet ambitieux pour notre île », autrement dit si les électeurs de Terre-de-Haut venaient majoritairement à bouder son appel à rejoindre sa « démarche visionnaire », elle aura déjà gagné sur un point : celui de passer à la postérité. Pour la simple et bonne raison qu’elle aura été la première femme saintoise à briguer chez nous une place de maire, ce qui ne s’était jamais vu dans l’histoire de notre commune. Et c’est d’ores et déjà pour Mme Ginette Samson, davantage qu’un honneur, une réussite calculée indéniable.
Raymond Joyeux
PS : La déclaration recto-verso de Mme Ginette Samson peut se lire sur le site de
Terre-de-Haut Indiscrétions du 24 mai 2019.
Crédit photos et illustrations :
1 – Mme Ginette Samson : photo déclaration de candidature du 23 mai 2019
2 – De Gaulle, Je vous ai compris : journaldugeeek.com
3 – Jeanne d’Arc : enluminure 1431
4 – Valkyrie : Peter Nicolaï Arbo 1869
5 – Logo Terre-de-Haut change de cap 2001 : archives Raymond Joyeux
6 – Communication intergénérationnelle : dessin de Jim Ucciani
7 – Femmes de l’histoire de France : Couverture livre de Catherine Valenti, édition First
8 – L’extase de Sainte Thérèse : Le Bernin, Rome 1652
Que dire ? qu’ajouter ? Excellente et parfaite analyse.
Merci Inaki pour votre appréciation.