Coup d’œil sur Terre-de-Bas

Une île à part

salaco retouchéUne étudiante en histoire vivant en Métropole, dont la famille est originaire de Terre-de-Bas, a souhaité par contact avoir des informations sur son île d’origine. N’étant ni historien ni géographe, je lui ai transmis une bibliographie succincte où elle pourra, je l’espère, se documenter et trouver de quoi satisfaire son intérêt et sa légitime curiosité. Profitant de cette occasion je vous propose une brève présentation de cette île de notre archipel saintois, touristiquement moins fréquentée que sa jumelle Terre-de-Haut, et injustement laissée à l’écart des livres d’histoire et de vulgarisation. Autant il est facile en effet de trouver pour Terre-de-Haut toute une documentation relatant à profusion le passé de cette commune, autant pour Terre-de-Bas cela est plus difficile. Pourtant l’histoire de cette île n’est pas moins riche et tumultueuse que celle de sa voisine. J’ai ai donc conseillé à cette jeune étudiante (elle prépare une licence) de se mettre à l’ouvrage (c’est le cas de le dire), et d’être la première à publier un livre sur le passé du pays de ses ancêtres.

En attendant cette publication que nous disent les archives ?

De la géographie

terre dbasSelon le médecin militaire Sauzeau de Puybernau qui séjourna aux Saintes au début du siècle dernier et qui publia à Bordeaux en 1901 une brochure  Les Saintes, dépendances de la Guadeloupe, «  Terre d’en Bas est ainsi appelée à cause de sa situation sous le vent de l’archipel, dont elle est l’unité la plus à l’Ouest. Elle diffère essentiellement de Terre d’en Haut, non seulement par sa configuration extérieure, mais encore par sa constitution géologique. Cet ilot semble avoir été plus respecté des soulèvements et des contractions terrestres, et au lieu de débris disséminés de minéralisation volcanique, le sol présente effectivement une plus grande aptitude végétale.pêcheurs au canot ret L’altitude de Terre d’en Bas envisagée dans son ensemble est supérieure à celle de Terre d’en Haut. Elle est bordée de hautes falaises qui ne s’interrompent qu’en quelques points pour former les Petites Anses, double baie très étroite qui sert de débarcadère aux habitants du bourg ; l’Anse Pajot, assez grande mais peu profonde ; l‘Anse à Chaux, en face du Pâté, la Grande Anse, la plus large, la plus sablonneuse, très profonde, rappelant beaucoup son homonyme de Terre d’en Haut ; l’Anse des Mûriers, la seule qui soit constamment à l’abri des mauvais temps, refuge des marins ; la Grande Baie ou Anse Fidelin, relativement calme aussi. Terre d’en bas fait dans la mer un dessin presque hexagonal dont les angles sont représentés par la Pointe à Vaches, la Pointe noire, la Pointe du Fer à Cheval, la Pointe Sud, le Gros Cap et la Pointe du Gouvernail.

pêcheurs tdb retLa superficie de Terre d’en Bas dépasse celle de Terre d’en Haut, car elle mesure 3000 mètres du Nord au Sud et 3000 mètres de l’Est à l’Ouest. Le bourg est bâti à 60 mètres environ au-dessus du niveau de la mer ; on y arrive par un chemin excessivement rapide qui naît de Petites Anses. Terre d’en Haut est distant de Terre d’en Bas de 4650 mètres (distance rectiligne mesurée de l’Anse du Bourg de l’une à la Grande Anse de l’autre); mais il faut compter un trajet triple lorsqu’on veut atterrir aux Petits Anses. Le vent et les courants sont tels que les marins eux-mêmes préfèrent à cette traversée celle du Vieux Fort, et depuis longtemps ils demandent que leur commune relève du Vieux Fort au lieu de Terre d’en Haut (perception, contribution, syndicat maritime, service de santé.) » 

De l’histoire

Site de Grand-Anse

Site de Grande-Anse

Découverte par Christophe Colomb en novembre 1493 en même temps que sa voisine, il semblerait que Terre-de-Bas ait été peuplée bien plus tardivement que Terre-de-Haut. Mais bien avant la colonisation européenne qui date de 1660, cette île fut un lieu de passage pour les Amérindiens dont de nombreuses traces ont été mises au jour dans la zone de Grande Anse où un village caraïbe a été établi, daté de la première moitié du 13ème siècle. Quatre siècles plus tard, les premiers colons, originaires pour la plupart de Normandie et de la région charentaise auxquels il faut adjoindre des familles d’origine hollandaise se sont installés, également à Grande-Anse où ils cultivaient pois et maïs. À cette époque, en l’absence de bourg, chaque propriétaire vit sur ses terres. C’est là qu’il travaille et se fait enterrer. Une chapelle est édifiée qui permet au curé de célébrer l’office en présence des habitants estimés alors à 400 individus.

La poterie de Grand Baie

poterie (Copier)Entre 1750 et 1850, une célèbre poterie, implantée sur le site de Grand-Baie, dont la création est attribuée à Pierre Guichard, a changé plusieurs fois de propriétaire. L’un des derniers en date est un dénommé Fidelin qui va lui donner, en plus de son nom, un essor remarqué, employant jusqu’à 150 personnes, soit 1 habitant de l’île sur 4. Cette poterie s’est spécialisée dans la fabrication de formes pour les pains de sucre destinées à approvisionner les nombreuses habitations sucrières réparties dans toute la Caraïbe. Outre les richesses générées par la poterie – les ruines de superbes habitations en pierres des propriétaires en témoignent – , la culture de l’indigo, du café et du cacao est florissante. Le café de Terre-de-Bas est d’ailleurs si renommé que Napoléon 1er et Louis XVIII n’en voulaient, paraît-il, que de cette origine !

emblème terre de bas (Copier)C’est en 1817 que le sieur Sainte-Marie Grizel décide d’édifier à Petites Anses le premier bourg de l’île, faisant construire en même temps la première église, dotant les prêtres de biens fonciers importants destinés à assurer leur subsistance. Ce n’est qu’après l’abolition de l’esclavage (1848) que naît le bourg de Grande-Anse. Les deux bourgs vont se développer parallèlement et leurs habitants, en majorité agriculteurs, se tournent progressivement vers la pêche. Néanmoins, l’exploitation du Bois d’Inde donnera naissance à deux distilleries, l’une à Grand Baie où se trouve la poterie, et l’autre à Petites Anses au lieu-dit Dans Fond. Il faut préciser qu’alors, les deux îles de Terre-de-Haut et de Terre-de-Bas ne forment qu’une seule commune dont Terre-de-Haut est le chef-lieu et que c’est à l’initiative du maire unique, Jean-Pierre LOGNOS, qu’un décret du 9 août 1882 décide de leur séparation en deux communes distinctes. Terre-de-Bas devient alors le chef-lieu des Saintes et c’est là que les jeunes gens doivent se présenter pour leur recrutement au service militaire obligatoire (disparu depuis).

Années 1950 : arrivée du modernisme

PLace du 9 août 1882 et Mairie de Terre-de-Bas Ph. Hélène Rossignol

Au fond, mairie reconstruire après le séisme de 2004

En même temps que sa voisine, les années 1950 à Terre-de-Bas voient l’arrivée de l’électricité, des moteurs marins, des automobiles (en très petit nombre comparé à l’île sœur), et des réfrigérateurs, ce qui modifiera profondément  la vie des habitants. (Environ 1030 aujourd’hui). Le tourisme, peu développé à ce jour, s’installe progressivement dans le respect du cadre de vie et des habitudes de la population. Les visiteurs recherchent surtout le calme et le charme des sentiers pédestres des forêts de Bois d’Inde et autres plantes du passé, qu’ils ne trouvent pas à Terre-de-Haut. Ils apprécient la beauté des paysages encore jalousement protégés, l’authenticité naturelle et culturelle de l’île. En 2004, le 21 novembre, un séisme de magnitude 6,3 frappa la communauté saintoise et plus particulièrement Terre-de-Bas qui subit de lourdes pertes matérielles dont l’effondrement de l’église de 1817, qui a été heureusement reconstruite à l’identique, comme la mairie et autres bâtiments publics et privés. La jetée de Petites Anses, autrefois port de débarquement, plusieurs fois détruite par les cyclones n’existe plus et c’est le site de l’Anse des Mûriers, très bien sécurisé par de récents et importants travaux, qui a pris la relève. C’est là que vous mettrez pied à terre si vous envisagez de débarquer à Terre-de-Bas pour les fêtes de fin d’année que je vous souhaite agréables et joyeuses en attendant la venue de l’an nouveau pour de nouvelles chroniques sur ce blog. Merci de votre fidélité et de vos encouragements.

JOYEUX NOËL À TOUS ET BONNE ANNÉÉ 2015 !

Route menant à la baie de Petites Anses

Route menant à la baie de Petites Anses (1978)

Sources :
– Monographie sur les Saintes – Sauzeau de Puyberneau – Bordeaux 1901
– Guadeloupe – Éditions du Pacifique – Papeete-Tahiti – 1978
– Site Internet : Histoire de Terre-de-Bas
– Sauf pour la carte, les armoiries et la mairie, les photos sont de Bernard Hermann et Michel Folco, extraites du livre Guadeloupe, Éditions du Pacifique, précédemment mentionné.

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Un commentaire pour Coup d’œil sur Terre-de-Bas

  1. alaintht dit :

    Le tourisme à Terre de Bas , c’est bien, mais à petite dose….pour protéger le charme de cette île.
    Joyeuses Fêtes de fin d’année.

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