Depuis Pâques de cette année 2013, en cadeau d’abord aux nombreux touristes qui nous fréquentent, la Municipalité de Terre-de-Haut avait doté notre île d’une plage nouvelle.
Finies, pensait-elle, pour nos amis visiteurs, les longues marches sous la chaleur et autres chevauchées pétaradantes en scooter pour rejoindre les plages naturelles mais éloignées de Pompierre, Pain de Sucre, Crawen, Rodrigues, Marigot, Figuier, Anse Mire, et j’en passe.
Désormais, en plein bourg, à proximité de la plate-forme de déchargement du Fond Curé, un long et large filet de sable blanc, venu on ne sait d’où, transporté par barge et étalé mécaniquement à grand frais, invitait voilà peu tout un chacun à la baignade et au farniente, en attendant qu’une végétation future, (elle aussi, peut-être, artificielle), vînt adoucir les ardeurs du soleil et procurer une ombre bienfaisante aux baigneurs.
Le problème, car il y en a un, c’est que, trois mois à peine après cet aménagement insolite, la mer a repris progressivement ses droits et une bonne partie du sable, artificiellement déversé, contenu et protégé pourtant par un début de digue et une rangée de boudins immergés, a regagné le large ou a migré le long du littoral, ne laissant aux baigneurs qu’une portion congrue de sa cargaison initiale.
Dès lors les Saintois se posent sans parti pris quelques questions :
1 – Y avait-il urgence et nécessité pour Terre-de-Haut, commune largement déficitaire mais réputée pour ses nombreux et magnifiques sites sablonneux propices à la baignade tranquille, d’engager de telles dépenses si rapidement englouties dans les flots, alors qu’aucun cyclone digne de ce nom, ni raz de marée, ni simplement mer forte, n’ont encore balayé nos côtes ? (Sans précision officielle, la somme faramineuse de 1 million d’euros est généralement avancée ! Info ou intox, la question reste ouverte.)
2 – Pourquoi toujours penser d’abord au tourisme, même si cette industrie nouvelle est vitale pour nos îles, alors qu’il y a encore tant à faire pour la population résidente et spécifiquement pour la jeunesse qui ne dispose toujours pas de lieux pour se réunir, se détendre, se cultiver ? Qu’il y a tant à faire pour les aménagements collectifs, ceux-là indispensables, comme la place de la mairie et celle de Petite Anse, l’entretien des rues, le fleurissement de la commune, l’accueil des tout petits, le port de pêche, le site de halage et de mise à l’abri des embarcations, équipements tant de fois promis aux pêcheurs ?…
3 – Pourquoi toujours tenir à l’écart les administrés à l’occasion de telles entreprises qui sollicitent si durement et inutilement leur portefeuille ? Personne en effet aux Saintes (paraît-il même pas les conseillers municipaux) n’a été consulté ni ne connaît le pourquoi véritable de cette nouvelle plage et le choix de ce site en particulier, (chacun y allant de ses supputations plus ou moins farfelues) ; personne ne sait d’où provient ce sable, source, semble-t-il, de démangeaisons et autres irritations de la peau ; personne, surtout, n’a la moindre idée du financement réel de cette initiative communale plus que contestable aux yeux de beaucoup.
Bref, sans information autre qu’un vague panneau installé bien après le début des travaux, la population saintoise est une fois de plus mise devant le fait accompli, sans possibilité de réagir. Ce, alors qu’une rumeur prétend que, refusant d’admettre son échec momentané, le maire aurait l’intention de faire construire une digue plus importante au large du littoral et de faire revenir les barges de sable pour aller jusqu’au bout de sa lubie…
Au risque de défigurer à tout jamais la configuration naturelle du site déjà bien enlaidie par la plate-forme de déchargement et d’engager à perte la commune dans une spirale déficitaire toujours plus dramatique.
Raymond Joyeux
Incroyablement triste cette plage…il était évident que la mer reprenne ses droits! Bel article Raymond.a bientôt.Laure
triste, insipide, sans saveur et sans intérêt cette plage.
A quand des infrastructures telles présentées dans l’article : un lieu d’accueil pour nos jeunes mais aussi des activités pour ces mêmes jeunes, que la bibliothèque ne serve pas de lieu de garderie pour enfants désœuvrés et parents dans le désintérêt de leurs enfants, une vraie bibliothèque où il est possible de trouver un livre sans y passer des heures. A quand la mise en avant du patrimoine culturel et sportif saintois : le tour de Guadeloupe étant une belle démonstration de ce patrimoine, le football c’est bien mais il n’y a pas que cela !!!!!! d’autant plus que les résultats ne sont pas à la hauteur de l’investissement.
peut-être que les riverains de cette plage sont contents d’avoir un sursis supplémentaire pour leurs habitations rongées petit à petit par la mer, inondées régulièrement par forte houle, « on dit » que ce serait pour sauver ces maisons que la nouvelle plage existe et pas pour les touristes.
Les jeunes de Terre-de-Haut ont des infrastructures naturelles étourdissantes et bien plus que ce qu’il faut pour s’occuper.
Tout le monde sait que cette plage pourrait avoir son utilité.mais,bien au delà de ce simple raisonnement,c est toute la question de l acharnement des civilisations face a cette nature si vivante qui est en cause.l histoire nous a de nombreuses fois prouvé que ce combat est voué a l échec.un projet qui représente sans aucun doute une montagne bien plus haute que tous les labeurs quotidiens des saintois,et qui,visiblement,ne les met pas tous d accord.c est une honte.l unesco n est qu’ une Grande farce.
Réponse à Vanilla
On peut très bien concevoir en effet que les riverains aient envie de protéger en cet endroit précis leurs habitations contre les assauts de la mer. Mais n’y avait-il pas un autre moyen, définitif et moins onéreux de le faire plutôt que d’accumuler du sable insalubre, qui est en réalité du tuf concassé, inadapté et englouti en grande partie par les eaux en moins de 3 mois ?
Quant aux aménagements collectifs pour les jeunes, dire que l’environnement naturel leur suffit amplement, c’est bien mal connaître la situation de cette partie de la population de Terre-de-Haut. Pour la plupart désœuvrés et voués aux tentations de la boisson et des paradis artificiels, beaucoup de jeunes Saintois aspireraient à davantage de structures leur permettant d’échapper à l’enfer de l’oisiveté par un accès à la culture, aux divertissements intelligents, aux activités sportives, à l’ouverture au monde…
Et quand on parle des jeunes pour qui n’existe strictement rien à Terre-de-Haut, en dehors de la grande piscine naturelle de la mer, il ne faut pas oublier les très jeunes enfants, les scolaires, les personnes âgées, les associations… qui ne disposent eux non plus d’aucun aménagement ouvert ou fermé, susceptible de les accueillir pour des rencontres, des réunions, des activités de loisirs ou autres, liées à leur âge respectif.
À notre humble avis, il semble qu’une municipalité responsable et qui se respecte, au lieu d’engloutir pour rien des sommes colossales, devrait d’abord penser à la collectivité en investissant à bon escient les deniers des contribuables dans des aménagements structurels qui ne seraient pas qu’un simple et inutile coup de sable dans l’eau. Comme l’est à l’évidence la création de cette plage qui, en définitive, pose plus de problèmes sanitaires, écologiques, de sécurité et de coût qu’elle n’en résout.
R.J.
Je commencerais mon commentaire en disant deux choses :
La première : Un tel raffinement dans la plume d’un compatriote est comme un nanan qui proviendrait de la corne d’abondance : Délectable et infini. Ce blog est un excellente surprise pour moi qui suis non seulement Saintois mais aussi amoureux des mots.
La seconde : Les avis qui sont miens quant à la thématique de l’article sont totalement apolitisés. Je me considère comme un « athée politique », cette dernière étant, à mon sens, un ésotérisme comme un autre.
Je commencerait en abordant la partie relatant des possibilités de la jeunesse saintoise à sustenter une très hypothétique soif de culture. Je serai bien plus sceptique et sévère dans mon analyse.
Il me semble que, si soif il y a, ce n’est presque exclusivement celle qui consiste à s’enivrer d’alcools. Pas de culture.
Il existe une (frêle mais néanmoins existante) bibliothèque littéralement désertée au sein de la M.J.C.
On peut y lire Flaubert. On peut y lire Beaumarchais. On peut y lire Chamoiseau. On peut y lire Senghor. On peut y lire kundera. Et tant d’autres …
(Pardonnez l’anaphore.)
Investir davantage dans cette optique serait désuet.
Ce qui me gène et qui, selon moi, frôle la démagogie, c’est de sous-tendre que ces jeunes seraient victimes d’une oisiveté ambiante.
Il n’y a pas de fatalité condamnant cette jeunesse à leur épanchements pochards et , bien heureusement, une bonne partie de ladite jeunesse a choisi de s’en dédouaner.
Quelle que soit la façon que l’on choisit pour confondre l’oisiveté, quel qu’en soit le contexte, la motivation est sinequanone.
Il faudrait déjà déceler les centres d’intérêts de nos jeunes et de projeter une fois cette démarche effectuée.
il y a peut-être , effectivement, quelque chose à creuser du côté du sportif …
(L’emploi de l’adjectif « désœuvrés » pour qualifier la situation de « (…) cette partie de la population(…) » me semble également hyperbolique. )
Pour revenir au sujet, je rejoint la thèse de l’article. Sans juger l’utilité ou l’esthétique d’un tel projet, je me questionne néanmoins sur son urgence.
Sans aller à dire que c’est un projet nuisible, je concède qu’ll y aurait certainement des investissements moins fantaisistes à privilégier.
Une salle des associations, de réunions, des fêtes et des lieux de rangements pour les pêcheurs semblent effectivement plus à propos.
Maintenant j’aimerai aussi entendre les arguments de ceux qui défendent ce projet. Peut-être certains point nous ont-ils échappés.
Très heureux de rencontrer un jeune Saintois, réfléchi, pondéré dans ses appréciations et capable d’argumenter intelligemment, en s’exprimant sans circonvolution vaseuse, de façon juste et claire.
Et puisque la discussion peut enfin s’engager sur le sujet, non pas du bien-fondé de la création de cette fameuse plage, (quelles que soient par ailleurs les dépenses engagées pour sa réalisation, les prises de position et les polémiques subséquentes), mais sur celui beaucoup plus essentiel de l’oisiveté supposée ou réelle d’une bonne partie de la jeunesse saintoise et les conséquences désastreuses, physiques et mentales, qu’elle entraîne pour elle, je répondrai pour commencer sur ce premier point, ne prétendant cependant nullement détenir la vérité.
Mahogany, permets moi d’abord de te remercier pour ton commentaire, de te tutoyer et de te dire que tu as raison : comme en tout, il faut éviter en effet de généraliser. Tous les jeunes Saintois ne sont pas, tant s’en faut, oisifs et adeptes du divertissement pascalien pour le moins abrutissant, ce qualificatif étant bien entendu un euphémisme. La preuve : toi-même qui, sans doute, n’as jamais fait partie du lot des désœuvrés « assoiffés d’alcool », que l’on rencontre aux Saintes, pratiquement à longueur de journée dans les rues et autour de certains bars assidûment fréquentés.
Si bien qu’ayant eu la chance d’être devenu par toi-même ce que tu es, tu prétends « qu’investir dans l’optique culturelle » aux Saintes serait « désuet » et pour justifier ton scepticisme à cet égard, tu évoques l’absence de motivation pour la culture, selon toi, de la plupart de nos jeunes compatriotes. Tu n’as pas tout à fait tort.
Mais toute la question n’est-elle pas justement de savoir ce qui induit la motivation. Est-elle une vertu innée qui ne dépendrait d’aucun contexte et qui s’exercerait spontanément en dehors de tout conditionnement, ou au contraire, dans la plupart des cas, une appétence née d’un milieu familial, scolaire, associatif, social…, propice à son éclosion, à son exercice, à son développement ?
Tu dis à juste titre, pour défendre ton point de vue, qu’il existe une petite bibliothèque à Terre-de-Haut et qu’on peut y trouver les ouvrages d’auteurs célèbres, insinuant que pour la fréquenter il suffit d’être motivé. Certes, mais la culture se réduit-elle d’une part à la seule littérature, fût-elle toute d’éminents prix Nobel, et, d’autre part, la bibliothèque (ou plus justement la médiathèque,) en tant que structure matérielle, par sa richesse, sa fonctionnalité, ses animations, son esthétique, ne doit-elle pas elle-même exercer un certain attrait, créant de facto, pour le public, les conditions d’une forme de motivation ? Quitte à adapter à postériori les activités aux centres d’intérêt spécifiques décelés.
De ce point de vue, avoue que c’est loin d’être le cas de la « frêle bibliothèque » de Terre-de-Haut, qui pourrait en effet continuer à suffire telle quelle à la population, sauf à considérer que les Saintois dans leur ensemble, jeunes et moins jeunes, ne sont pas plus arriérés que n’importe qui et, comme toute autre communauté, aspirent eux-aussi (en tout cas pour beaucoup d’entre eux) à s’enrichir l’esprit et à se cultiver.
Pour conclure sur ce point, je dirai qu’évoquer la nécessaire motivation du public en matière de projet culturel, et déduire que puisqu’elle n’existe pas on se contente du peu que l’on a et ne fait rien d’autre, c’est selon moi mettre la charrue avant les bœufs. À mon sens, offrir d’abord les conditions matérielles et humaines d’une ouverture culturelle pluridirectionnelle ne serait pas « investir dans le désuet », mais bien au contraire concourir à l’émancipation nécessaire des esprits et des mentalités donc à plus d’humanité.
S’agissant en second lieu et pour finir, de l’aspect sportif évoqué dans ton commentaire, et de la nécessité d’investir humainement en ce domaine, je ne peux que me ranger à ton argument. Étant à l’origine, avec d’autres, à la fin des années 60, de la création de la première association sportive de Terre-de-Haut, « L’Avenir Saintois », je sais ce qu’apporte la pratique sportive à la jeunesse et tous les bienfaits connus qu’elle génère individuellement et socialement. Mais si nous avons été à l’époque et pendant des années, les premiers et seuls champions de Guadeloupe en natation, quels sont les nageurs – garçons et filles – que compte aujourd’hui Terre-de-Haut ? Je pose simplement la question.
Quant au foot, « L’Avenir Saintois » possédait également son équipe (Retrouvez en suivant ce lien une photo de l’équipe de foot en 1966 : https://raymondjoyeux.com/contact/avenirsaintois/ ). Sans stade aménagé, nous n’avons jamais pu participer aux compétitions officielles mais au moins les joueurs, à une exception près, étaient tous Saintois. Qu’en est-il aujourd’hui ? Combien de jeunes Saintois font partie de l’actuelle équipe de foot qui se dénomme pourtant AJSS : Association de la Jeunesse Sportive Saintoise ?
Je ne voudrais pas conclure néanmoins ma réponse par une remarque proche de la dérision mais pour constater et dire que nous avons aux Saintes un potentiel incontestable de jeunes qui pourraient s’investir dans tous les domaines de la culture et du sport, moyennant des structures adéquates et un encadrement formé.
Malheureusement faute de ces deux conditions, ce n’est pas encore le cas. Et c’est ici qu’entre en jeu, qu’on le veuille ou non, « la politique » car c’est elle, à l’évidence, qui détermine et met en œuvre ou pas les moyens d’épanouissement des membres de la communauté. Sans son action, en dehors de toute idéologie ou catéchisme, la population ne peut que végéter et à la longue perdre son âme. Aussi tout citoyen, pour peu qu’il se sente partie prenante de cette population à son mot à dire, même s’il professe par ailleurs, et c’est son droit, un authentique « athéisme politique ».
En toute cordialité.