Nous nous sommes tant aimés, ou l’impossible dialogue

Lettre ouverte aux élus de la majorité du Conseil municipal
de Terre-de-Haut

Chers amis,

Jamais, jusqu’à mars et juin 2020, une équipe municipale n’avait rassemblé autant de personnalités compétentes et déterminées pour sortir Terre-de-Haut du marasme politique, moral et financier dans lequel l’avaient engluée pendant plus de quarante ans des municipalités successives monolithiques, avides le plus souvent de division, de favoritisme et d’exclusion.

Or, c’était justement pour effacer ces années noires, trop longtemps pénalisantes pour notre communauté, que vous avez uni vos forces et votre enthousiasme, sans arrière-pensée de préséance ou de revendication personnelle. Oubliant, pour certains d’entre vous, vos alliances antérieures, vous avez donné aux yeux de tous l’exemple parfait d’un rassemblement jamais connu aux Saintes, où l’envie de réussir pour notre commune avait prévalu et séduit une large majorité de la population. Et vous avez été élus.

Vous aviez auparavant, les uns et les autres, rallié volontairement une tête de liste estimée que vous connaissiez de longue date. Et pour mieux asseoir votre choix, vous avez, chacun et chacune, rédigé et signé une courte déclaration qui semblait sincère, mettant en avant les qualités du chef d’équipe, ainsi que vos propres dispositions à travailler positivement avec lui pour le bien de notre commune.

Durant la campagne électorale, en plus du travail d’explication et de persuasion accompli sur le terrain par chacun et chacune d’entre vous, vous avez à maintes reprises pris librement la parole pour présenter votre programme et convaincre les électeurs de votre volonté de changer la donne à Terre-de-Haut en instaurant une politique du Mieux vivre ensemble dont le ferment affiché serait l’Union saintoise. À ce moment-là, au-delà des slogans, quels beaux et enthousiastes projets vous aviez alors fusionnés pour faire oublier l’immonde fossé de plusieurs décennies creusé par vos prédécesseurs et que, main dans la main, vous vous apprêtiez à combler !

Au soir du deuxième tour des élections, quelle euphorie a suscitée au sein de la population votre arrivée libératrice à la mairie de notre commune ! Car toutes et tous, nous y avons cru. Vous d’abord bien sûr, les élus, mais surtout nous, vos électeurs, chez qui pleurs de joie, rires et embrassades se mêlaient dans une ambiance de fête et de fraternité retrouvée, effaçant pour longtemps, pensions-nous, toutes les déceptions passées, les désillusions récurrentes des élections précédentes. C’étaient trente longues années de combat enfin récompensées !

Et vous vous êtes mis au travail sans attendre. En peu de semaines, la commune montrait un nouveau visage. L’entretien du bourg jusqu’alors négligé était devenu quotidien et apprécié ; le délicat problème de la circulation, pierre d’achoppement des municipalités précédentes, progressivement résolu ; la réorganisation des services administratifs finalisée ; un calendrier de réalisations à venir dûment chiffrées voyait le jour… Bref, quel exploit vous avez alors accompli en peu de temps pour mettre en état de marche une machine communale délabrée par des années de fonctionnement aberrant, avec, faut-il le rappeler ? des ressources financières réduites à néant ! Car, grâce à vous, en plus de cette dynamique collectivement impulsée – et c’est de loin le miracle le plus important de votre action commune – le budget communal retrouvait peu à peu son équilibre… Tout cela, au grand soulagement d’une majorité de la population qui commençait à percevoir le changement qu’elle attendait, passant outre les critiques des éternels insatisfaits.

Bien sûr, tout ce travail difficile de reconstruction ne s’est pas fait d’un coup de baguette magique, dans des rouages toujours parfaitement huilés. À la longue, des divergences, des frictions, des accrocs, des erreurs, en dépit de la bonne volonté de chacun, étaient devenus inévitables. C’est le lot de toute assemblée humaine en action que le dialogue ne parvient pas toujours à aplanir. Et votre conseil municipal n’a pas fait exception à la règle. Mais ces divergences, au lieu de logiquement s’atténuer, se sont contre toute attente amplifiées au point de devenir ce qu’elles sont aujourd’hui, faisant exploser publiquement votre belle entente et votre complémentarité. Qui aurait pu l’imaginer après seulement 20 mois d’exercice pourtant bien entamé ?

Mon propos n’est pas de donner ici une quelconque leçon. De porter de jugement. D’accuser, d’excuser ou de condamner qui que ce soit. Mais puisque vous m’avez fait collectivement l’honneur de me donner la parole le jour de votre investiture en Mairie, au lendemain de votre élection, je me dois de réagir à la triste réalité d’aujourd’hui. Spectateur atterré de ce qu’il faut bien appeler un désastre, je ne peux que le constater impuissant, comme beaucoup, avec la plus grande amertume. Le spectacle affligeant de la discorde et de l’invective que vous donnez à la population saintoise et à la Guadeloupe toute entière sur les réseaux dits sociaux ou par tout autre moyen public, ne fait pas honneur aux fonctions que vous avez exercées et, surtout, n’est pas digne de ce que les uns et les autres vous êtes foncièrement. J’en suis intimement persuadé.

Certes, vous avez le droit et le devoir d’informer la population de vos désaccords, de vos ressentis, de vos déceptions et, on peut le comprendre aussi, de votre démission, mais sans dépasser la ligne rouge de la bienséance et du respect. Ce qui malheureusement, à ce jour, n’a pas toujours été le cas. À chacun de vous de faire son autocritique, de reconnaître et d’assumer sa responsabilité dans la situation actuelle, sans la rejeter systématiquement sur l’autre.

Mais maintenant que le mal est fait et qu’il semble irréparable, de grâce, ressaisissez-vous. S’il vous plaît, pour vos électeurs, pour l’ensemble de la population, pour l’image de la commune que vous avez eu l’honneur et le privilège de représenter et de servir, pour vous-mêmes en tant que personnes, cessez vos invectives. Les déclarations malveillantes intempestives appellent toujours d’autres déclarations malveillantes et c’est le cercle infernal de la haine qui est enclenché. Vous regretterez peut-être un jour vos écrits ou vos propos excessifs qui, loin d’assainir vos relations, les détériorent un peu plus. En un mot, sans renier forcément vos dissensions, retrouvez la dignité qui doit être la vôtre.

C’est le souhait que je forme au nom de l’amitié et de la considération que je porte à chacune et à chacun d’entre vous. En dépit des circonstances malheureuses que nous déplorons aujourd’hui.

À Terre-de-Haut, le 23 février 2022

Raymond Joyeux

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Bibliothèque de Terre-de-Haut : bientôt la fin de la disette culturelle ?

C’était une promesse électorale de l’actuel maire de Terre-de-Haut, Hilaire BRUDEY.

Ancien élève particulièrement doué et vif d’esprit du collège municipal des Saintes des années 70, Hilaire Brudey économiste patenté, n’est pas insensible à la nécessité d’instaurer un volet culturel au sein des communautés communales. Et c’est tout naturellement, se souvenant sans doute qu’il a acquis ses compétences professionnelles et le développement de ses facultés intellectuelles le plus souvent au contact des livres et à la fréquentation assidue des bibliothèques universitaires, qu’il avait inscrit au programme de sa campagne électorale la création d’une bibliothèque digne de ce nom dans la commune dont il est aujourd’hui le maire.

Ancien collège des Saintes à la Caserne du Mouillage – Archives Raymond Joyeux -1974

Le problème c’est qu’il a toujours cruellement manqué à Terre-de-Haut un édifice adéquat susceptible d’accueillir cette bibliothèque. Et le nerf de la guerre faisant défaut, il n’a pas été possible de construire à ce jour un établissement dédié non seulement aux livres mais aux autres moyens d’informations tous azimuts dont s’honorent la plupart des communes de la Guadeloupe. Mettant à la disposition du public, de plus en plus demandeur, un ensemble moderne, multimédia – appelé justement médiathèque. En attendant un mieux qui ne venait pas, aux Saintes, avant le cyclone Maria de sinistre mémoire, un embryon de bibliothèque avait été installé dans une petite salle de l’ancienne caserne du Mouillage où justement, avec d’autres, dont certains de ses collègues du Conseil Municipal, Hilaire Brudey a suivi ses classes de collège avant de s’exiler en Guadeloupe puis en Métropole pour poursuivre et terminer brillamment ses études supérieures.  

Malheureusement, non content de provoquer la mort, de saccager le paysage et les cultures, de détruire maisons particulières et édifices communaux, Maria a emporté le toit de cette mini-bibliothèque, mettant hors d’usage par ses pluies diluviennes beaucoup des précieux ouvrages qui la constituaient. Si bien que depuis cette date du 19 septembre 2017, Terre-de-Haut est privée de Bibliothèque. Et les amoureux de la lecture et du livre, frustrés de leur passe-temps favori qu’ils estiment indispensable à leur équilibre mental et à leur accès à la culture, n’ont eu d’autre ressource que de recourir à la modeste boîte aux livres que l’épicerie VIVAL a accepté gracieusement d’héberger à l’abri des intempéries. (Merci Madame Cassin !)

Boîte à livres de l’après Maria à l »initiative d’Igor Schlumberger et de Raymond Joyeux –
Réalisation Alain Bocage

C’est alors qu’Hilaire Brudey, candidat aux élections de mars 2020, avait programmé, s’il était élu, de transférer rapidement les ouvrages intacts de la caserne à la Maison Monrose. Maison rénovée, facile d’accès, située en plein bourg, acquise par la Mairie sous un précédent mandat, dont il promit de faire un sanctuaire exclusivement consacré à la culture. Mais les promesses étant ce qu’elles sont et les aléas de la vie communale imprévisibles, ce fut un docteur de l’île qui « hérita » de la maison pour son cabinet de consultation avec un contrat d’occupation qui est arrivé aujourd’hui à expiration. Désormais, cette Maison Morose étant libre, Hilaire Brudey et son conseil auront certainement à cœur d’honorer la promesse du candidat de 2020 et d’offrir enfin à la population, à la jeunesse et à nos visiteurs la bibliothèque -même provisoire – qu’ils espèrent depuis des années. Ce ne sera que justice, et pour notre municipalité un regain de popularité et de considération. Nous sommes convaincus que tous ceux qui attendent – dont votre serviteur – avec impatience cette nécessaire occurrence ne seront pas déçus. À toi de jouer mon cher Hilaire avec l’appui de ton conseil, au nom de notre amitié et de toute la population, je te le demande instamment. Ce sera un acte majeur de ton mandat de maire.

Maison communale Monrose – Sans doute future bibliothèque municipale – Photo Raymond Joyeux

 Texte et Photos Raymond Joyeux
Publié le 9 février 2021

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Honorons dignement nos dissidents et nos morts pour la France…

Un anniversaire historique

Cette année 2022 nous célèbrerons le quatre-vingtième anniversaire du départ à la dissidence de 27 de nos compatriotes. Compte tenu de la faible importance de la population de notre commune en 1942 ce nombre représente en pourcentage/population le taux le plus élevé de tous les dissidents guadeloupéens et martiniquais partis clandestinement à la Dominique pour tenter de rejoindre les forces alliées de la France combattante. Si peu d’entre eux sont, au bout du compte, parvenus sur le théâtre des opérations – à l’exemple de Loulou Azincourt qui a combattu à Monte Cassino, en Italie – tous, sans exception, ont eu le courage et la volonté de s’engager pour notre liberté au péril de leur vie. À ce titre, ils méritent d’être honorés dignement afin que leurs noms et leur exploit soient connus de tous et ne s’effacent jamais de notre mémoire collective.

Voir à ce sujet la chronique publiée sur ce blog à propos de la dissidence saintoise, en cliquant sur le lien ci-dessous

https://raymondjoyeux.com/2014/01/29/la-dissidence-saintoise-pendant-la-guerre-de-39-45/

Une requête au Maire de Terre-de-Haut

C’est dans cette optique que le 10 janvier dernier j’ai pris l’initiative d’adresser au Maire de Terre-de-Haut, M. Hilaire Brudey, une lettre dans laquelle je propose qu’une plaque commémorative soit gravée à leurs noms. Voici ci-dessous un extrait de cette lettre :

Monsieur le Maire et cher ami,

Après avoir œuvré avec votre prédécesseur, M. Louly Bonbon, pour faire reconnaître et honorer ceux de nos compatriotes qui ont donné leur vie pour notre liberté au cours de la seconde guerre mondiale, ce qui a donné lieu à l’inauguration d’une plaque en leur mémoire à l’ancienne place du Plan d’eau, j’ai l’honneur de vous adresser les requêtes suivantes :

1 – Serait-il possible pour compléter l’inscription Place des Héros au nom de Cyprien Samson et de Masséna Desbonnes, de donner le nom de ces deux compatriotes à nos écoles communales ? Par exemple : École primaire Cyprien Samson – École maternelle Masséna Desbonnes, ou inversement ? Cela permettrait aux élèves de mieux connaître ces deux héros.

2 –D’autre part, l’année 2022 fêtera le quatre-vingtième anniversaire des premiers départs à la dissidence d’une trentaine de nos jeunes compatriotes. Serait-il possible de faire graver à leurs noms une plaque commémorative de cet événement historique qui honore notre commune et qui pourrait être inaugurée le 15 Août prochain dans un lieu à définir ? Je vous joins à cet effet le nom de tous ceux qui se sont volontairement engagés dès 1942, toujours pour défendre nos libertés, ainsi que le nom des canots utilisés...

Une plaque commémorative détériorée : un manque de respect pour nos morts, une honte pour notre communauté

Dans le même ordre d’idée, rappelons que le 15 août 2018 était inaugurée la Place des Héros, au nom de Cyprien Samson et de Masséna Desbonnes, deux de nos compatriotes morts pour la France pendant la guerre de 1939/45. Cet événement avait donné lieu à une manifestation officielle présidée par M. Louly Bonbon, Maire de l’époque, en présence de Madame Yvette Martinet, fille de Cyprien Samson venue spécialement de métropole pour la circonstance: https://la1ere.francetvinfo.fr/guadeloupe/les-saintes/terre-de-haut/terre-haut-inaugure-sa-place-heros-617712.html

Malheureusement, la commune étant lourdement endettée en 2018, on peut supposer, qu’elle ne disposait pas d’un budget suffisant pour se doter d’un mémorial digne de ce nom. Et ce ne fut qu’un simple autocollant de mauvaise qualité fixé sur un support métallique que les intempéries ont rapidement détérioré ou qu’une main anonyme a irrespectueusement profané. Un manque total de respect pour nos héros, une honte infamante pour notre commune… que la nouvelle municipalité saura, espérons-le, réparer au plus vite.

État actuel de la plaque commémorative au 26 janvier 2022 étrangement fixée sur un panneau de jeux.
Photo Raymond Joyeux

Comme de juste, Terre-de-Haut a érigé un monument à la mémoire de ses marins-pêcheurs disparus en mer, une stèle à celle des émigrants hindous déportés et morts à l’Îlet à Cabris, pourquoi pas une plaque au nom de ses fils dissidents ? Le petit enclos devant la mairie deviendrait de ce fait le carré communal du souvenir. Une proposition qui pourrait être soumise au Conseil municipal.

Publié par Raymond Joyeux
Le 27 janvier 2022

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En guise de vœux du nouvel an : vivre entre ciel et mer..

Le Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris a organisé en 1997 une passionnante exposition sur les ÎLES. Outre des connaissances et informations insoupçonnées, nous avons ramené de notre visite de l’époque une intéressante brochure résumant en textes et illustrations les principaux thèmes de cette exposition. Nous pensons que les extraits qui suivent sont susceptibles d’intéresser nos lecteurs Saintois, Antillais et tous les iliens en général, quel que soit l’emplacement de leur île respective sur l’immensité des océans du globe.

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L’île comme nous la rêvons

Objet de science, objet de rêve, l’île renvoie des images diverses, selon qu’elle est sous le regard du géographe, du biologiste, de l’écrivain, du poète ou de tout un chacun.

Sa définition géographique, qui s’appuie sur des indicateurs essentiellement physiques, tels que sa taille ou son éloignement des autres terres, n’est déjà pas simple. Peut-on encore parler d’île, quand il s’agit par exemple du vaste continent australien ? Mais les représentations qu’elle suscite dans nos têtes sont encore plus complexes. Ce n’est pas par hasard si le thème de l’île nourrit une riche littérature depuis l’Odyssée d’Homère jusqu’à des œuvres contemporaines comme Vendredi ou les limbes du Pacifique de Michel Tournier.

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Photo Muséum National d’Histoire Naturelle

Les îles sont isolées des autres terres

La caractéristique même de l’île est son isolement, qui engendre des conditions de vie particulières. Les animaux et végétaux confrontés à ce nouveau milieu évoluent autrement que sur le continent. C’est ainsi que peuvent apparaître sur l’île, en quelques dizaines ou centaines de milliers d’années, des espèces nouvelles, présentes nulle part ailleurs. Ces espèces sont dites endémiques à l’île. Elles se distinguent, souvent de façon spectaculaire, par leur morphologie, leur écologie, leur comportement.

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Iguane délicatissima endémique de Petite Terre en Guadeloupe. Photo Raymond Joyeux

Chez les hommes, l’isolement géographique va également créer des conditions de vie nouvelles. Dans un espace restreint, éloigné du continent, les insulaires, liés aux autres peuples par des échanges plus ou moins limités, vont inventer un monde à eux, une manière d’affirmer leur différence et leur identité.

Tradition et identité saintoises – La traîne : Tableau d’Alain Joyeux

Les îles sont reliées aux autres terres

Aussi lointaines qu’elles puissent être, les îles entretiennent toutes des liens avec le continent ou d’autres terres proches. Les îles océaniques, surgies de l’eau, n’ont pu se peupler qu’à partir d’immigrants venus d’ailleurs ; les iles continentales, elles, étaient déjà habitées au moment de leur formation ; mais dans les deux cas, des relations régulières ou épisodiques s’établissent avec l’extérieur.

Différents paramètres propres à l’île, sa taille, sa proximité des autres terres, sa géologie, son climat favorisent ou limitent les échanges.
L’arrivée des espèces animales et végétales est également fonction de l’aptitude que celles-ci ont à se déplacer puis à s’implanter. Les courants océaniques et atmosphériques jouent aussi leur rôle. Dans le cas des hommes, le problème du peuplement est plus complexe, faisant intervenir des facteurs liés à leur histoire propre.

Voiliers saintois reliant autrefois l’archipel des Saintes au « continent » guadeloupéen tableau d’Alain Joyeux

N.B. Les textes ci-dessus sont extraits du catalogue de l’exposition sur les îles au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris 1997

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L’homme qui aimait les îles
D.H. Lawrence
Éditions Pardès 1988

C’était un homme qui aimait les îles. Et il était né dans une île, mais elle ne faisait pas son affaire, car elle contenait beaucoup trop d’autres habitants, en dehors de lui. Il désirait une île qui fût à lui seul : non pas nécessairement pour y être seul, mais pour en faire un monde qui n’appartiendrait qu’à lui.

Une île, quand elle est assez grande, ne vaut pas mieux qu’un continent. Il faut vraiment qu’elle soit très petite pour quelle donne l’impression d’être une île ; il faut qu’elle soit minuscule pour qu’on puisse avoir la prétention de la remplir de sa seule personnalité.

Or, grâce à tout un concours de circonstances, cet amateur d’îles, lorsqu’il eut trente-cinq ans, acquit bel et bien une île à lui. Il ne la possédait pas en toute propriété, mais il avait un bail de quatre-vingt-dix-neuf ans, ce qui, lorsqu’il s’agit d’un homme et d’une île, équivaut à l’éternité. Car si vous êtes comme Abraham et si vous voulez que vos descendants soient aussi nombreux que les grains de sable du rivage, vous ne choisiriez pas une île pour vous multiplier. Bientôt elle serait surpeuplée et les habitants s’entasseraient dans des taudis. Pensée horrible pour quelqu’un qui, dans son île, aime son isolement. Non, une île est un nid qui ne contient qu’un seul œuf, un seulement. Cet œuf est l’insulaire lui-même…

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L’île au cœur de l’archipel

Raymond Joyeux – Poèmes de l’archipel
Édition Les Ateliers de la Lucarne 2018

Je suis l’île au cœur de l’archipel
De profondes racines j’alimente mes ans
Et les vents sont mon souffle et les marées mon sang
Je suis l’île au cœur de l’archipel.

Je vibre aux pulsations de la mer incessante
Au rythme irrégulier de ses mouvantes lèvres
Je module ma course et je règle mes fièvres
Je vibre aux pulsations de la mer incessante.

Les odeurs matinales emplissent mes réveils
Je les dénombre toutes et je les éparpille
Puis les forme en bouquets pour les offrir aux filles
Les odeurs matinales emplissent mes réveils.

Le soleil rétrécit l’ombre de mes paupières
Et mes veines se gonflent en désirs insoumis
Les passions rentrées se déchaînent à midi
Le soleil rétrécit l’ombre de mes paupières.

J’aime les battements et la fraîcheur des ailes
Des myriades d’oiseaux à ma cour attachées
Et le picotement de leur bec affolé
J’aime les battements et la fraîcheur des ailes.

Quand la sueur de l’amour à mon front se fait perle
Dans le chuchotement des sables de la nuit
Je m’offre en gémissant aux humides roulis
Quand la sueur de l’amour à mon front se fait perle.

Et j’égrène aux courants ma semence insulaire
Mes germes coralliens que fécondent les algues
Et que nourrit le sel amniotique des vagues
Et j’égrène aux courants ma semence insulaire.

Je suis l’île au cœur de l’archipel
De profondes racines j’alimente mes ans
Et les vents sont mon souffle et les marées mon sang
Je suis l’île au cœur de l’archipel.

L’île de Terre-de-Haut dans l’archipel des Saintes – Photo Raymond Joyeux

Remerciements pour votre fidélité
et meilleurs vœux à toutes et tous pour l’année 2022

Publié par Raymond Joyeux
le 27 décembre 2021

Publié dans Réflexions | 6 commentaires

Sucreries saintoises an tan lontan : berlingots, boboyottes et compagnie…

En cette fin d’année 2021, alors que l’épidémie de Covid-19 reprend plus que jamais du service, nous condamnant à des restrictions de plus en plus contraignantes, je me permets de vous présenter, en guise de modeste consolation, et pour adoucir nos cœurs, une page extraite de mon ouvrage Fragments d’une enfance saintoise publié en juin 2020 chez CaraïbÉditions.

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Nous sommes en 1952, la population saintoise vient de subir deux épreuves consécutives : un puissant séisme au mois de mai et le cyclone Charly en septembre.
Quelques jours avant la rentrée scolaire, la mère de l’auteur a repris ses habitudes de pâtissière et prépare pour la famille des bocaux de confiseries locales, pour le plus grand bonheur des enfants.

Depuis que le séisme de mai avait brisé en deux par le milieu sa plaque de marbre, ma mère, découragée, avait cessé la fabrication de berlingots et autres sucreries dont elle avait le secret.

Or, à notre grande surprise, quand tout fut nettoyé après le cyclone et que la vie eut repris son cours normal, comme pour nous consoler de nos épreuves et nous remettre de nos émotions avant la rentrée des classes, elle reprit ses activités de confiseuse et s’activa à ses fourneaux. Loin d’avoir oublié sa recette de berlingots, nous eûmes l’impression qu’elle l’avait améliorée.

Le sucre fondu était versé bouillant sur les deux parties du marbre qu’elle avait pris soin d’ajuster minutieusement et de bien huiler avant l’opération. Pour prévenir tout débor-dement et éviter l’infiltration du sirop dans l’interstice, deux petites bordures rectangulaires de métal plat posées debout sur le marbre, de part et d’autre de la cassure, retenaient la préparation.

Le temps de laisser crever les bulles de l’épais sirop brûlant, régulièrement étalé sur son support, elle s’enduisait les mains d’un peu d’huile, les frottait l’une contre l’autre, récupérait délicatement la nappe de sucre liquide, encore chaude et luisante et, sur un clou de charpente fixé en biais au chambranle de la porte, commençait l’étirement.

Le va-et-vient autour du clou durait jusqu’à ce que le sucre devienne blanc et opaque et que le colorant, menthe, grenadine, anis ou citron, versé dans la pâte, s’incorpore parfaitement en minces filets verts, rouges ou jaunes au ruban, qui durcissait à mesure qu’il était pétri.

Lorsqu’elle estimait sa consistance idéale, ma mère étalait sur le marbre le cordon de sucre, vivant toron de souplesse et de tiédeur, qu’elle continuait d’étirer et roulait légèrement en vrille. Elle le découpait ensuite aux ciseaux en petits cylindres tors, lisérés de colorant et pincés aux deux bouts, semblables à des osselets de porcelaine chinoise, qu’elle séparait les uns des autres et qui finissaient de durcir en refroidissant.

Me levant tôt pour la messe, je n’assistais le plus souvent qu’au début des opérations. Mais sitôt prononcé l’Ite missa est, annonçant la fin de la célébration, je m’empressais de me dévêtir de ma livrée d’enfant de chœur et courais à la maison pour avoir le privilège d’être le premier à goûter ces berlingots encore tièdes dont les arômes de sucre, d’anis, de citron, ou de menthe emplissaient toute la cuisine. Totalement refroidis, ils étaient placés dans un bocal transparent en forme d’encrier Waterman que ma mère posait sur le dressoir de la salle à manger, comme pour attiser notre gourmandise.

À vrai dire, ce n’était que lorsqu’on les avait laissés reposer un jour ou deux que les berlingots devenaient fondants et onctueux et dégageaient toute leur saveur. Leur douceur anisée, mentholée, ou légèrement acidulée nous coulait délicieusement dans la gorge en un filet de plaisir impossible à décrire, mais alors il n’en restait du bocal que la moitié…

Doucelettes- bellemartinique.com

Avec les berlingots, ma mère nous préparait des sucres d’orge ambrés qui avaient la forme de pointes de flèche émoussées et qu’elle munissait d’une bûchette de palme de cocotier pour nous permettre de les sucer en fermant les yeux de bonheur, sans nous coller les doigts. Elle faisait aussi des doucelettes, des boboyottes, des surelles confites qu’elle enfilait également sur de fines baguettes et qui ne passaient jamais la journée.

Sucres à coco à tête rose douxcaprices.com

 Nous vécûmes la fin des vacances à nous gaver de confiseries, nous doutant confusément que c’était sa façon à elle de nous prodiguer pudiquement un surplus d’affection, de douceur et, pour tout dire, de cette générosité discrète qui lui était naturelle.

Surelles confites

JOYEUX NOËL À TOUTES et TOUS

Texte de Raymond Joyeux
Extrait de

Fragments d’une enfance saintoise
CaraïÉditions 2020
Chapitre 25 Page 149
En vente dans toutes les librairies
aux Antilles comme en Métropole.

Publié le 20 décembre 2021

 

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Terre-de-Haut à l’heure de 1984 ?

Mieux qu’une armada de caméras de surveillance : une mamie postée derrière une fenêtre !
Karine Giébel

Si l’on en croit les commentateurs des réseaux sociaux, le plus souvent mal informés par déficit, selon nous, de communication communale, la municipalité de Terre-de-Haut aurait l’intention d’installer dans la commune des caméras de surveillance. En vue, semble-t-il, entre autres, de dissuader les auteurs présumés d’actes d’incivilité de poursuivre leur condamnable et clandestine activité ! Ignorant nous-mêmes les tenants et aboutissants de cet insolite projet puisque, n’ayant pas de compte Facebook et ne recevant jamais dans notre boîte aux lettres les comptes-rendus circonstanciés des délibérations du conseil municipal – comme cela se fait couramment ailleurs – nous ne pouvons que rester perplexes face à la teneur, si elle est avérée, d’une telle information dont nous avons du mal à appréhender, sur le principe, les véritables motivations.

Image rapport de la Cour des Comptes

Que certains administrés, mal intentionnés, enfreignant les règles du Mieux Vivre Ensemble, soient coupables de malveillances, principalement en matière de respect de l’environnement en déversant sans complexe leurs déchets dans la nature, cela a toujours existé et existera certainement toujours. Qu’une municipalité, soucieuse du bien-être de tous, cherche à faire cesser ces comportements répréhensibles, c’est tout à son honneur. Mais la question reste posée de savoir quelle méthode employer pour tenter de mettre un terme à ces pratiques asociales.

Dessin de Hector dans Les maires mènent l’enquête à Friauville

En l’occurrence, espionner les citoyens par caméras interposées n’a jamais été, nous semble-t-il, une méthode efficace pour contrer d’éventuels contrevenants, tout au moins dans ce type d’infraction. Ces derniers, se sachant ou se croyant surveillés, sauront toujours contourner tous les moyens de détection aussi perfectionnés fussent-ils, et continueront tant bien que mal à agir à leur gré, avec souvent plus de malice encore. Pour preuve, un semblant de caméra fictive à 6€50, installée autrefois sur notre propre maison, n’a jamais empêché le saccage de nos plantes décoratives, régulièrement victimes de malveillance. Mais à supposer que les responsables soient pris en flagrant délit, quelle sanction leur appliquer si tant est que leur identité soit objectivement établie ? Chacun sait que, quelles que soient sa nature et sa sévérité, la sanction (ou la menace de sanction), si elle est parfois dissuasive, n’a jamais été le meilleur moyen pédagogique pour améliorer le comportement des mauvais élèves. Elle ne remplacera jamais en tout cas le bon exemple, le dialogue constructif et la persuasion.

Mais, s’il parvenait à se concrétiser, plus qu’un investissement improductif prévisible – quoique subventionné, semble-t-il ici, intégralement par l’État – (voir à ce sujet le rapport très négatif de la Cour des Comptes), ce qui nous chagrine dans ce projet de caméras c’est surtout le principe. Celui qui consiste à vouloir mettre sous surveillance – même si l’intention n’y est pas – toute une population sur un si petit territoire. Quels délits vraiment préjudiciables à la communauté saintoise d’aujourd’hui justifient-ils un tel projet ? Aucun, nous semble-t-il, à l’évidence. L’avoir accepté et proposé au Conseil Municipal c’est avoir fait preuve à minima, selon nous, d’un manque de discernement psychologique qui étonne de la part de nos élus autoproclamés réputés pour leur ouverture d’esprit. En plus des critiques, justifiées ou non, que ce projet a suscitées et continue de susciter au sein de la population, majorité comprise, la balance bénéfice/perte – comme on le dit aujourd’hui à propos de la vaccination – est, politiquement, socialement et économiquement, largement en faveur de la perte. Mille projets plus judicieux en effet, chez nous, mériteraient infiniment plus d’attention que la pose et l’exploitation, même gratuites encore une fois et légalement encadrées, de caméras probablement inutiles et inefficaces, selon les experts de la Cour des Comptes… Caméras qui nous ramèneraient, dans l’esprit hyperbolique des gens, aux temps odieux des plus liberticides régimes.

Aussi, pour poursuivre et conclure cette chronique sur le mode de l’hyperbole (figure de style qui traduit l’exagération en vue de mettre en relief une idée), à la place de ce cadeau empoisonné que la commune n’était pas obligée d’accepter, s’il en est un, de cadeau urgent, à offrir à nos conseillers municipaux en cette fin d’année 2021 pour qu’ils réexaminent sans tarder ce projet controversé, c’est assurément le livre essentiel de George Orwell, 1984. Livre plus que jamais d’actualité qui décrit les ravages pour la démocratie et les libertés individuelles de l’espionnage d’état, personnalisé par l’intraitable et vigilant Big Brother.

Mais après tout, et plus sérieusement, au risque de réduire en miettes notre argumentation, on pourrait se demander qui devraient avoir peur de ce projet de surveillance communale si mal vu (sans mauvais jeu de mots) de nos compatriotes, sinon ceux qui commettent des infractions ? Alors, finalement, caméras ou pas ?… Référendum populaire ou pas sur le sujet ? À vous, amis lecteurs, de donner votre avis… si vous le souhaitez, évidemment !

Publié par Raymond Joyeux
le 15 décembre 2021

Publié dans Actualités saintoises | 12 commentaires

Le docteur Yves ESPIAND co-fondateur de l’Association l’Avenir Saintois et ancien praticien aux Saintes est décédé

C’est avec une grande tristesse que nous venons d’apprendre le décès du docteur Yves Espiand à l’âge de 88 ans. Les Saintois qui l’ont connu se joignent à moi pour exprimer à sa famille et à ses proches leurs plus sincères condoléances.
Voici ci-dessous, un extrait de la chronique que je lui avais consacrée il y a quelques années alors qu’il avait pris sa retraite en métropole, diminué après un grave accident de la route en 1990. Ce qui ne l’avait pas empêché de revenir en Guadeloupe et aux Saintes en juillet 2012, revoir les lieux où il fut affecté comme médecin.

Médecin hors pair et sportif émérite

Le docteur Yves ESPIAND n’est pas un inconnu aux Saintes. À la retraite dans le Midi de la France, il séjourna dans notre archipel comme omnipraticien de 1963 à 1966, en remplacement du docteur Hourtiguet. Si, comme tous les médecins de passage, il était logé à la Maison Bateau, il avait installé son cabinet médical au dispensaire communal, en même temps qu’une pro-pharmacie qu’il a été le premier à ouvrir et à tenir à Terre-de-Haut. Cette officine, dotée des médicaments de première urgence, évitait aux patients le déplacement en Guadeloupe avec leur ordonnance, ce qui n’était pas un mince avantage pour nos compatriotes. Mais le docteur Espiand était aussi un grand sportif et amateur de football. Il avait en effet de qui tenir puisque son père, professeur de mathématiques au lycée Carnot de Pointe-à-Pitre fut le fondateur de la Solidarité Scolaire, équipe de football qui a eu son heure de gloire dans le championnat guadeloupéen. C’est donc tout naturellement que notre docteur s’intéressa aux jeunes de la commune et participa à la création de L’Avenir Saintois dont il fut l’un des membres les plus actifs, comme joueur, entraîneur et conseiller technique.

Équipe de foot de l’Avenir Saintois en 1965 – debout de gauche à droite : Marcel Déher – Gilbert Samson – G. Gamas – Éric Joyeux – Maxime Procida – Euphrase Hoff – Accroupis de gauche à droite :
 Michel Bocage – J.Pierre Péter – Yves Espiand – Raymond Joyeux – Euphrase Bocage

Un amoureux des Saintes, de la littérature et de la poésie

Dans un ouvrage autobiographique édité à compte d’auteur et publié en juillet 2014, Yves Espiand fait le récit de sa vie mouvementée depuis sa naissance à Pointe-à-Pitre en 1933, ses années d’études médicales, ses différentes affectations, jusqu’aux difficiles années de sa vie de retraité, en passant par le terrible accident dont il fut victime en juillet 1990, dix ans avant son départ à la retraite en Février 2000. Il y retrace ses démêlés judiciaires suite à son divorce d’avec sa première épouse et inclut de nombreux poèmes dont un intitulé L’archipel des Saintes. Poème qu’il reconnaît lui-même comme maladroit mais qui exprime l’amour qu’il portait à notre archipel et que je vous fais découvrir ci-dessous.

L’archipel des Saintes

Sur mon île enchanteresse naît l’aurore timide et brève
L’émeraude de la mer caresse de sa mousse l’ocre de la grève
La couvrant de sa blanche écume scintillante mais brève
Ah, la subtile odeur iodée et suave de la nuit qui s’achève !

Quel éblouissant collier d’îles au sable magnifique
Émergeant de l’eau d’un coup de baguette magique
Tutoyant les océans tel le grave et fougueux Atlantique
Pourtant enfermées dans leurs joyaux, magnifiques.

Et c’est Terre-de-Haut entre ses deux pitons, toute fière
Le Chameau bosselé, monotone tout couvert de lierre
Le dos tourné vers l’infini, un orant disant ses prières
Loin du Fort Napoléon majestueux, inflexible barrière.

Merveilleuse baie ouverte sur la blonde plage de Grand-Anse
Crèches des tortues luth avançant comme sur un air de danse
Rugissant sous l’effort, haletantes baveuses sans défense
Pour sortir leurs œufs dans un filet visqueux en forme de ganse

Voici le Marigot, discret, lointain dans son décor grisâtre
Éloigné des bruits du village, eau stagnante presque saumâtre
Au fond d’une anse profonde dans une chaleur douçâtre
Idéale pour les tenants d’une carnation couleur d’albâtre

Nous irons à Crawen qui exprime du soleil les plus folles ardeurs
Mysticité des naturistes dégustant une solitude pleine de ferveur
Avec dans le lointain la grise Dominique et ses sombres hauteurs
Quel plaisir ! cette chaude tranquillité nous enveloppe de bonheur

La sombre masse d’en face c’est Terre-de-Bas la verdoyante
Criques grisâtres retentissant des cris d’une activité pagayante
Diversité humaine, géologique, végétale : couleurs chatoyantes
Bordée d’une mer parfois hostile, ourlée d’écume rutilante.

Notre périple saintois s’achève en une fantasmagorique apothéose
Chapelet d’îlots jetés sur la Caraïbe attisant nos pupilles en overdose
Des tons changeants, souvent brillants résultent de cette osmose :
Ciel, terre, mer. Rarement un rayon vert à nos yeux se propose.

 Yves Espiand, 20 janvier 2012

Le docteur Yves Espiand à son bureau de retraité en 2014

Adieu, cher ami Yves, ton séjour aux Saintes a marqué les esprits. Tes anciens patients, comme l’ensemble de la population ne t’oublieront pas. Tu fus pour la jeunesse de nos îles un révélateur et un exemple. Puisse ton souvenir rester à jamais dans leurs cœurs.

Publié par Raymond Joyeux
le 13 décembre 2021

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L’Anse à Gilot : un dépotoir grandeur nature à ciel ouvert

Située en contrebas du Morne Rouge, l’Anse à Gilot, tout le monde le sait à Terre-de-Haut, est depuis toujours le réceptacle naturel obligé de tout ce qui flotte librement dans la baie des Saintes, depuis le pied du Fort Napoléon au Mouillage, jusqu’à cette plage extrême du Fond-Curé. Nos petits voiliers miniatures d’autrefois, échappés à notre vigilance de skippers-amateurs inexpérimentés, se récupéraient immanquablement, à notre grand soulagement, sous le morne de la TSF. Les courants n’ayant pas changé, il n’est donc pas étonnant que tout un amoncellement de détritus de toute nature, se retrouve ainsi agglutiné au sable jusqu’à la limite de l’enclos des propriétés privées bordant le rivage. Ajouté à cela l’incivisme et le laisser-aller congénital de certains de nos compatriotes, on ne s’étonnera pas que l’Anse à Gilot devienne ou soit périodiquement – pour ne pas dire en permanence –  une poubelle immonde, un dépotoir grandeur nature à ciel ouvert, comme l’indique le titre de cette chronique.

Lors d’un précédent billet consacré à l’Anse à Gilot, daté du 31 juillet 2013, sur la base d’un sévère rapport de l‘ARS, nous avions alerté nos lecteurs sur la qualité bactériologique  extrêmement dégradée – voire dangereuse – des eaux de baignade de ce site. Aujourd’hui, rien n’a changé sinon en pire. Puisqu’à côté de la présence toujours active des Escherichia Coli, Streptocoques fécaux et autres très poétiques Staphylocoques, on trouve pêle-mêle une quantité toujours croissante de polluants plastiques (bouteilles, emballages, sachets, bidons, bâches…), de vieux cordages impossibles à dégager du sable, de palettes enfouies, de branches mortes, de palmes et noix de coco desséchées, entre autres flottants échoués par la marée et qui rendent l’accès au site quasiment impraticable. (Ci dessous le lien pour la chronique du 31 juillet 2013).

https://raymondjoyeux.com/2013/07/31/lanse-a-gillot-a-terre-de-haut-la-plage-la-plus-polluee-de-guadeloupe/

C’est ce que nous avons malheureusement constaté ce samedi 4 décembre 2021 au matin quand, à l’appel d’une association locale et du club de plongée Pisquette, nous nous sommes rendus à l’Anse à Gilot pour un nettoyage programmé de la plage et des fonds marins limitrophes. Inutile de dire que la foule était loin d’être au rendez-vous puisque nous nous sommes retrouvés, plongeurs compris, à moins d’une dizaine de personnes – presque toujours les mêmes dont une jeune polonaise  – pour ce qui devait être « un grand nettoyage ».  Sans matériel approprié ni service technique communal, pourtant prévu par la mairie, c’est, pour la plupart, à mains nues que nous avons rempli quelque dix grands sacs poubelle, nous contentant de ne ramasser que les objets en plastique, les restes de cordage, de filets et de bâches en décomposition. C’est dire que le travail est loin d’être achevé, même si les plongeurs plus que méritants ont ramené du fond nombre de tôles coupantes, batteries, pneus, entre autres détritus, inconsidérément jetés à la mer comme dans la gueule béante d’un vulgaire dépotoir !

Quelles conclusions tirer de ce rendez-vous manqué et de la situation toujours alarmante en matière de propreté et de salubrité publique de ce site de l’Anse à Gilot ? D’abord, selon nous, que certains riverains ne semblent pas faire beaucoup d’efforts pour maintenir praticable leur environnement immédiat. Ensuite et surtout que la population, dans son ensemble, se sent très peu impliquée quand il s’agit de donner à notre île une figure plus attrayante, plus propre, plus belle. Nous l’avions déjà observé lors des précédents nettoyages auxquels ne participent que très peu de locaux. Enfin, que malgré toutes les actions quotidiennement engagées par la municipalité pour améliorer la situation dans le bourg qui, il faut le souligner, présente un visage beaucoup plus attrayant et propre qu’auparavant, il reste à l’évidence des points noirs dans la gestion de l’environnement communal. Celui entre autres, de ne pas obliger systématiquement les responsables de dépôts sauvages à éliminer leurs déchets comme ceux de l’ancien chantier naval de l’Anse à Gilot. Que font en effet au pied du Morne Rouge cet amas de canots éventrés, ces vieux filets troués qui ne servent plus qu’à attirer vermines et rats, ce rail de halage abandonné qui dénature et rend dangereuse cette partie de la plage ?

Certes, nous savons que, s’il est facile de donner leçons et conseils, il est plus difficile de faire bouger les choses face à l’indifférence et l’inertie ancrées dans les mœurs ancestrales. Et que c’est seulement lorsqu’une majorité de la population – faisant abstraction de ses préférences politiques – prendra conscience de l’importance environnementale pour elle-même et pour la communauté que peut-être un semblant de changement en ce domaine s’opérera à Terre-de-Haut comme ailleurs. Espérons, pour le bien de tous, que cette prise de conscience ne tarde pas trop à émerger chez nos compatriotes saintois et plus généralement guadeloupéens. Car, faut-il le rappeler, nous naviguons tous sur le même ô combien merveilleux mais très fragile archipel.

Texte et photos Raymond Joyeux
Publié le 6 décembre 2021

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Crise sociale aux Antilles : le point de vue d’une professeur de droit constitutionnel

Pour faire suite à la précédente chronique, voici ci-dessous l’analyse d’Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public à l’université de Rennes-I.
Cette constitutionnaliste, qui a enseigné à l’université des Antilles et de la Guyane pendant six ans, porte un regard sans concession sur la situation de la Guadeloupe et de la Martinique.
Point de vue que, bien entendu, l’on n’est pas obligé de partager…

Aux Antilles, pourquoi une telle complaisance ?

Le 27 mars 2020, sur recours en référé de l’Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG), le président du tribunal administratif de Basse-Terre avait rendu une bien étrange ordonnance enjoignant l’ARS et le CHU de l’île de «passer commande des doses nécessaires au traitement de l’épidémie de Covid-19 par l’hydroxychloroquine et l’azithromycine comme défini par l’IHU Méditerranée infection», le tout en nombre suffisant pour «couvrir les besoins présents et à venir de la population» de l’archipel guadeloupéen ! L’ordonnance s’appuyait explicitement sur les déclarations du professeur Raoult et se basait sur le «droit à la vie» de la population insulaire. Cette décision loufoque, heureusement annulée en appel par le Conseil d’État, résume la tyrannie et le chantage qu’exerce de longue date sur les pouvoirs publics, y compris judiciaires, un syndicalisme insulaire irrationnel et infantile, dont on ne trouve l’équivalent qu’en Corse.

Les statuts de l’UGTG lui assignent de «prendre toutes les mesures nécessaires pour défendre les intérêts des travailleurs, de défendre la liberté syndicale et les libertés démocratiques, de réaliser l’unité de tous les travailleurs de la Guadeloupe et de lutter pour la suppression des rapports d’exploitation coloniale, des rapports de production (sic)». L’étendue et l’esprit de cette «raison sociale», étrangement conçue pour une organisation prétendument professionnelle, permettent de comprendre pourquoi la situation insulaire, plus encore en Guadeloupe qu’en Martinique, se caractérise par des comportements syndicaux extrémistes et violents, accompagnés d’un clientélisme aux méthodes douteuses, dont les conséquences, notamment au CHU de Pointe-à-Pitre, ont parfois tourné au drame.

. (Photo by Carla BERNHARDT / AFP)

Cela fait des décennies que ce syndicalisme calamiteux ruine les maigres chances de développement économique de territoires insulaires privés de toute réelle compétitivité par un système social extravagant et une fonction publique surrémunérée et pléthorique. Prétendument indépendantistes, ces syndicats n’ont jamais rien fait d’autre, à coups de revendications irresponsables, que d’enfoncer ces territoires dans toujours plus d’assistanat et de dépendance. Chaque crise déclenchée n’a pour but et pour effet que d’ouvrir davantage le robinet de la perfusion publique.

Cette fois-ci, l’on commence par favoriser dans la partie de la population prompte à croire les remèdes de guérisseurs et de quimboiseurs un mouvement de colère anarchique, et l’on met ensuite en cause l’État «colonialiste», responsable de tous les maux. Mais ce n’est tout de même pas la faute de Paris ni du préfet si une grande partie de la population insulaire refuse de se faire vacciner et provoque ainsi une accélération des contaminations à fort potentiel toxique chez ceux des habitants qui sont diabétiques ou en surpoids. Imagine-t-on les critiques acerbes des médias nationaux si une partie de la population de deux départements métropolitains refusait de se faire vacciner et recourait à la violence pour faire plier l’État?

La mauvaise foi que traduit l’incrimination permanente de l’État, bouc émissaire idéal, atteint des sommets quand il s’agit de compétences appartenant notoirement aux collectivités ultramarines. L’eau ne manque pas dans les îles caribéennes, puisqu’il en tombe des trombes, et ce n’est pas l’État qui gère les services et installations hydrauliques, décentralisés. Si la question de l’eau potable ne cesse d’alimenter les mécontentements en Guadeloupe et en Martinique, c’est en raison de l’incurie et de l’impéritie légendaires des élus locaux concernant les services publics essentiels dont ils ont la responsabilité.

MO NEWS N°039 du jeudi 2 au mercredi 8 décembre 2021

S’agissant du chlordécone, dont on prétend qu’il serait à l’origine de la défiance de la population antillaise à l’égard de la politique sanitaire de l’État, ce dernier n’accorde jamais à un territoire ultramarin que les dérogations que les forces économiques, sociales et politiques locales «exigent». Et c’est bien le chantage à la compétitivité de la banane antillaise et donc à l’emploi local qui a été mis en avant, en son temps, pour justifier l’usage dérogatoire et funeste du pesticide. La seule faute de l’État dans cette affaire est précisément d’avoir trop écouté ses interlocuteurs locaux et de leur avoir cédé. Il devrait s’en souvenir au sujet de l’obligation vaccinale.

Voilà des décennies que les rapports s’accumulent sur la situation de l’outre-mer comme sur la Corse, faisant toujours les mêmes constats, diagnostiquant les mêmes responsabilités locales, aggravées par le chantage à l’emploi et la crainte des autorités de l’État, y compris juridictionnelles, de faire appliquer la loi et respecter l’ordre public parce qu’elles sont tétanisées par le poncif éculé de la «répression coloniale».

La crise actuelle vérifie l’habituelle comédie insulaire: l’État cède lamentablement en reportant l’obligation vaccinale, se ridiculisant au regard de l’impératif de santé publique tandis que ceux qui l’ont exigé aujourd’hui lui reprocheront demain avec aplomb d’avoir «discriminé» les Antillais en matière de protection sanitaire. Le gouvernement annonce aussi, bien entendu, mille emplois «aidés» supplémentaires, rajoutant la couche d’assistanat indispensable à toute «réponse» aux soubresauts insulaires, et il «ouvre» le sempiternel débat sur l’autonomie.

On évitera soigneusement la question essentielle : à quoi sert de donner plus de pouvoir à des élites insulaires dont l’incurie, démontrée, se trouve à l’origine de la crise ? Mais on ne change jamais, en France, une politique qui perd.

Anne-Marie Le Pourhiet, vice-présidente de l’Association française de droit constitutionnel.

Publié par Raymond Joyeux
le vendredi 3 décembre 2021

Publié dans Actualités générales | 5 commentaires

Guadeloupe en crise : un jeune homme s’exprime

Comme beaucoup d’autres, sans doute, j’ai reçu le texte qui suit par WhatsApp. Parmi toutes les publications sur le sujet qui émaillent la toile, j’ai pensé que ce cri d’un jeune Guadeloupéen était susceptible d’intéresser les lecteurs de ce blog. D’où ma décision de le publier en dépit de son anonymat. À l’heure où la Guadeloupe est une nouvelle fois à la croisée des chemins, il peut être parmi d’autres un élément de réflexion. On peut y adhérer ou ne pas être d’accord. Je laisse donc chacun à ses opinions. Tous les commentaires, sauf injures et diffamations, sont les bienvenus.
Raymond Joyeux

STOP 🛑 ✋ JÉNÈSS GWADLOUP

Je suis un jeune Guadeloupéen et je ne me reconnais pas dans les jeunes qui se tiennent sur des barrages… ni même de nombreux amis à moi.

Je vous demande de ne pas parler de jeunesse Guadeloupéenne lorsque vous désignez ces voyous sur les barrages, ces cambrioleurs, ces voleurs violents qui ne respectent pas la loi.

J’ai 27 ans et par manque de sérieux je ne me suis pas investi dans ma scolarité et j’ai connu l’échec scolaire. Mais j’ai reçu une bonne éducation. Le soir j’étais chez ma mère et pas dans la rue!!!

J’ai connu le chômage et pourtant je ne me suis jamais drogué.

Si j’ai connu l’échec, ce n’était pas à cause du système comme on aime à dire, ou encore moins de l’Etat! Mais uniquement à cause de moi.

Il faut arrêter de toujours chercher un responsable, un coupable lorsqu’il arrive quelque chose.

Grâce à l’état et aux dispositifs en place j’ai pu bénéficier du RSA, ainsi que de nombreuses formations.

J’ai été accompagné pour la recherche d’une formation qui correspond à mon profil. Ce qui m’a choqué lorsque j’ai fait mon bilan de compétences c’est qu’on était à peine 6.

Les formations, travailler, n’intéresse pas tous les jeunes. Pour certains c’est plus facile de voler, de braquer et passer les journées à fumer du cannabis et à boire de l’alcool dans un abri de bus.

Ensuite ils disent pour se défendre « yo paka fè ayen ban nou » (Ils ne font rien pour nous)

TROP FACILE !

Heureusement qu’il y a beaucoup d’autres jeunes qui sont conscients et qui étudient en Guadeloupe ou ailleurs pour préparer leur avenir. Heureusement, il y a des jeunes qui prient Dieu.

A ceux qui sont sur les barrages, je leur dis ARRÊTEZ! vous ne me représentez pas. Rentrez chez vous pour aider vos parents, faites la vaisselle, nourrissez 2 poules, 2 cabris. Arrêtez de voler!

Adultes, médias, syndicalistes politiciens… Honte à vous!!!!

arrêtez de soutenir des voyous en cagoule. Lorsqu’on porte une cagoule c’est qu’on sait qu’on fait quelque chose d’interdit et on ne veut pas être reconnu.

Wouvè zyié a zot! (Ouvrez vos yeux)

Ce sont ces mêmes jeunes que vous encouragez qui viendront vous agresser demain, vous braquer et vous cambrioler.

Franchement j’ai honte de vous.

Pauvre Guadeloupe 😢😭

Valable aussi pour la Martinique 🇲🇶

Publié volontairement sans illustration le 28 novembre 2021

Publié dans Actualités générales | 6 commentaires