Mieux qu’une armada de caméras de surveillance : une mamie postée derrière une fenêtre !
Karine Giébel
Si l’on en croit les commentateurs des réseaux sociaux, le plus souvent mal informés par déficit, selon nous, de communication communale, la municipalité de Terre-de-Haut aurait l’intention d’installer dans la commune des caméras de surveillance. En vue, semble-t-il, entre autres, de dissuader les auteurs présumés d’actes d’incivilité de poursuivre leur condamnable et clandestine activité ! Ignorant nous-mêmes les tenants et aboutissants de cet insolite projet puisque, n’ayant pas de compte Facebook et ne recevant jamais dans notre boîte aux lettres les comptes-rendus circonstanciés des délibérations du conseil municipal – comme cela se fait couramment ailleurs – nous ne pouvons que rester perplexes face à la teneur, si elle est avérée, d’une telle information dont nous avons du mal à appréhender, sur le principe, les véritables motivations.

Que certains administrés, mal intentionnés, enfreignant les règles du Mieux Vivre Ensemble, soient coupables de malveillances, principalement en matière de respect de l’environnement en déversant sans complexe leurs déchets dans la nature, cela a toujours existé et existera certainement toujours. Qu’une municipalité, soucieuse du bien-être de tous, cherche à faire cesser ces comportements répréhensibles, c’est tout à son honneur. Mais la question reste posée de savoir quelle méthode employer pour tenter de mettre un terme à ces pratiques asociales.
En l’occurrence, espionner les citoyens par caméras interposées n’a jamais été, nous semble-t-il, une méthode efficace pour contrer d’éventuels contrevenants, tout au moins dans ce type d’infraction. Ces derniers, se sachant ou se croyant surveillés, sauront toujours contourner tous les moyens de détection aussi perfectionnés fussent-ils, et continueront tant bien que mal à agir à leur gré, avec souvent plus de malice encore. Pour preuve, un semblant de caméra fictive à 6€50, installée autrefois sur notre propre maison, n’a jamais empêché le saccage de nos plantes décoratives, régulièrement victimes de malveillance. Mais à supposer que les responsables soient pris en flagrant délit, quelle sanction leur appliquer si tant est que leur identité soit objectivement établie ? Chacun sait que, quelles que soient sa nature et sa sévérité, la sanction (ou la menace de sanction), si elle est parfois dissuasive, n’a jamais été le meilleur moyen pédagogique pour améliorer le comportement des mauvais élèves. Elle ne remplacera jamais en tout cas le bon exemple, le dialogue constructif et la persuasion.
Mais, s’il parvenait à se concrétiser, plus qu’un investissement improductif prévisible – quoique subventionné, semble-t-il ici, intégralement par l’État – (voir à ce sujet le rapport très négatif de la Cour des Comptes), ce qui nous chagrine dans ce projet de caméras c’est surtout le principe. Celui qui consiste à vouloir mettre sous surveillance – même si l’intention n’y est pas – toute une population sur un si petit territoire. Quels délits vraiment préjudiciables à la communauté saintoise d’aujourd’hui justifient-ils un tel projet ? Aucun, nous semble-t-il, à l’évidence. L’avoir accepté et proposé au Conseil Municipal c’est avoir fait preuve à minima, selon nous, d’un manque de discernement psychologique qui étonne de la part de nos élus autoproclamés réputés pour leur ouverture d’esprit. En plus des critiques, justifiées ou non, que ce projet a suscitées et continue de susciter au sein de la population, majorité comprise, la balance bénéfice/perte – comme on le dit aujourd’hui à propos de la vaccination – est, politiquement, socialement et économiquement, largement en faveur de la perte. Mille projets plus judicieux en effet, chez nous, mériteraient infiniment plus d’attention que la pose et l’exploitation, même gratuites encore une fois et légalement encadrées, de caméras probablement inutiles et inefficaces, selon les experts de la Cour des Comptes… Caméras qui nous ramèneraient, dans l’esprit hyperbolique des gens, aux temps odieux des plus liberticides régimes.
Aussi, pour poursuivre et conclure cette chronique sur le mode de l’hyperbole (figure de style qui traduit l’exagération en vue de mettre en relief une idée), à la place de ce cadeau empoisonné que la commune n’était pas obligée d’accepter, s’il en est un, de cadeau urgent, à offrir à nos conseillers municipaux en cette fin d’année 2021 pour qu’ils réexaminent sans tarder ce projet controversé, c’est assurément le livre essentiel de George Orwell, 1984. Livre plus que jamais d’actualité qui décrit les ravages pour la démocratie et les libertés individuelles de l’espionnage d’état, personnalisé par l’intraitable et vigilant Big Brother.
Mais après tout, et plus sérieusement, au risque de réduire en miettes notre argumentation, on pourrait se demander qui devraient avoir peur de ce projet de surveillance communale si mal vu (sans mauvais jeu de mots) de nos compatriotes, sinon ceux qui commettent des infractions ? Alors, finalement, caméras ou pas ?… Référendum populaire ou pas sur le sujet ? À vous, amis lecteurs, de donner votre avis… si vous le souhaitez, évidemment !
Publié par Raymond Joyeux
le 15 décembre 2021