Création du premier collège des Saintes

En ce début janvier 2025, à l’heure où l’école primaire de Terre-de-Haut, faisant la une de l’actualité régionale, est confrontée au délicat problème de la présence pérenne aux Saintes des maîtres et maîtresses, aujourd’hui professeurs des écoles, et soumis en leur qualité de fonctionnaires à l’obligation d’accepter l’affectation qui leur est signifiée, je me permets d’évoquer les conditions dans lesquelles a été créé le premier collège des Saintes. Ce collège, dénommé à l’époque CEG municipal, était géré, comme son nom l’indique, par les instances communales au même titre que l’école primaire. Personnellement impliqué dans cette création, j’ai longtemps hésité à publier cette chronique. Mais les choses étant ce qu’elles sont, je ne fais que rapporter les étapes de cette création telles qu’elles se sont déroulées, quitte à subir quelques reproches d’autosatisfaction…

Une visite de M. Roux, député de Paris

Le 6 février 1966, alors qu’il n’existe pas encore de collège aux Saintes et que seuls quelques privilégiés, parmi les écolières et écoliers de nos deux commues ayant terminé leur cursus primaire, ont la chance d’aller poursuivre leurs études en Guadeloupe continentale, la municipalité de Terre-de-Haut reçoit en grande pompe, au milieu d’une foule enthousiaste, M. Claude Roux, député de Paris. 

À cette occasion, le maire, M. Eugène Samson, son premier adjoint, M. Raymond Dufay et le docteur René Germain, conseiller général et futur maire, prennent tour à tour la parole. Pour évoquer, non pas l’éventualité de la création d’un collège – l’idée n’est pas encore dans l’air du temps – mais pour parler de piste d’atterrissage, de routes, de construction d’un bureau de poste moderne, d’électrification et d’adduction d’eau… Autant de beaux projets pour la réalisation desquels aucun visiteur, si haut placé soit-il, même venant de Paris, n’a pas plus de pouvoir qu’un élu local !

Mairie de Terre-de-Haut années 1960-70 Photo R. Joyeux

Un article dans le quotidien Antilles-Matin

Ayant terminé une partie de mes études en métropole et revenu de mon service militaire, je suis présent ce jour-là, à l’extérieur de la mairie, et écoute avec attention ces interventions, diffusées par haut-parleur. Stupéfait que pas un mot ne soit prononcé à propos de notre jeunesse scolarisée, je rédige un article sur l’inutilité, selon moi, de ces visites venues d’ailleurs, sur l’absence d’intérêt de nos élus pour les jeunes saintois, et surtout sur le problème de la poursuite de la scolarité de nos écoliers après le primaire, évoquant pour la première fois la nécessité urgente de la création d’un collège aux Saintes. Cet article, dont j’ai conservé le texte, paraît le 10 février 1966 dans le journal Antilles-Matin dirigé par M. Max Martin, entrepreneur d’origine saintoise et important exportateur de bananes.

Ouverture de la première classe de sixième

Quelques jours plus tard, quel ne fut pas mon étonnement de recevoir une invitation conjointe du maire, M. Samson, et du conseiller général, le docteur Germain, d’abord pour me reprocher avec véhémence le contenu de mon article mais surtout pour discuter avec eux en mairie du problème scolaire. Je vous passe les détails houleux des différentes interventions, mais peux témoigner qu’en moins d’une heure, en présence de M. Georges Vincent, adjoint, à l’époque, au secrétaire de mairie, le principe était acquis d’ouvrir, si possible dès la rentrée 66-67, la première classe de sixième.

Il restait bien entendu à monter le dossier, à entreprendre les démarches auprès du vice-rectorat et surtout à résoudre l’épineuse question du local. Sur ma proposition, l’ancienne caserne du Mouillage, bâtiment communal désaffecté, est visitée sur la lancée et, à ma grande satisfaction, le maire décide d’y aménager une salle… afin d’ouvrir, si possible, dès la rentrée 1966, la première classe de sixième, rattachée momentanément à l’école primaire. Et c’est ainsi que le CEG municipal de Terre-de-Haut qui n’a pas encore de nom voit officiellement le jour….  

De fil en aiguille les autres classes suivront, jusqu’à la 3ème, toujours dans cette même caserne aménagée au fur et à mesure pour la circonstance.

À cette date (septembre 1966), je suis affecté pour un mois au collège de Gourbeyre, puis à l’école primaire de Terre-de-Haut, avant de repartir à Lyon terminer mes études. Pendant ce temps, le collège poursuit son bonhomme de chemin sous différentes directions jusqu’à mon retour aux Saintes en 1971.

En juillet 1971, en effet, revenu de métropole après avoir enseigné à Lyon et à Pointe-à-Pitre, je sollicite une mutation pour Terre-de-Haut et suis nommé à la direction du CEG, avec un temps complet d’enseignement, sans dispense de cours, jusqu’à mon nouveau départ en août 1974. 

120 collégiens et collégiennes des deux îles à la rentrée 1971

L’établissement occupant toujours la vieille caserne du Mouillage, compte alors 120 élèves et 5 niveaux d’enseignement, puisque de nombreux élèves de Terre-de-Bas, hébergés sur place dans des familles d’accueil, y sont inscrits, et qu’une classe de transition (CPPN) est rattachée à la structure.  

Sans secrétariat, sans bureau, sans personnel administratif, sans bibliothécaire, sans gestionnaire ni cadre éducatif, nous travaillons mes collègues professeurs et moi, avec l’aide de la mairie, à améliorer progressivement les locaux, à rénover et enrichir le matériel pédagogique, à créer une bibliothèque et un embryon de CDI, à inciter les parents à s’unir en association. 

Mais surtout, et c’est le plus important, à obtenir du Vice-Rectorat que les sessions du Brevet des Collèges (BEPC) et de l’examen final de la classe de transition soient désormais organisées aux Saintes afin d’éviter aux élèves de se rendre en Guadeloupe pour plusieurs jours, le plus souvent sans possibilité d’hébergement, pour y subir ces examens.

Collège Jean Calo à Terre-de-Haut 1971-1974 inséré dans sa petite cour Photo Raymond Joyeux

Des horaires d’enseignement largement dépassés

Nous sommes alors six professeurs pour faire fonctionner le collège, contraint chacun, dépassant largement notre quota d’horaires, d’enseigner plusieurs matières. Je peux ainsi mentionner M. Jocelyn Bonbon puis Christophe Questel, pour l’Anglais ; M. Claude Revest, pour les Mathématiques et les sciences ; M. Cétout, puis Davigny, pour l’Histoire et la Géographie ; M. Irénée Molinié pour le CPPN, et moi-même pour le Français, la musique et les travaux manuels. Pour l’EPS, nous nous relayons pour nous rendre alternativement, le samedi après-midi, au Marigot où un petit terrain est aménagé à cet effet.

Retour d’une sortie en mer autour du paquebot France d’une classe du collège en 1974- Photo Raymond Joyeux

Voilà, amis lecteurs, comment a vu le jour le premier collège de Terre-de-Haut, sous les mandats, la volonté et l’impulsion de M. Eugène Samson et de M. René Germain, respectivement maire et Conseiller général des Saintes.

1982 : la décentralisation

Par la suite, lorsque les collèges, quittant le giron communal, sont devenus départementaux, notre CEG municipal prit le nom de Jean Calo. Ce changement de statut, découlant de la Loi de Décentralisation de 1982, sous la présidence de François Mitterand et porté par le Ministre Gaston Deferre, sera à l’origine de la volonté du département de la Guadeloupe de construire un collège unique pour les deux îles saintoises.

Pressentie au départ pour l’implantation de ce collège départemental, la commune de Terre-de-Haut n’ayant pu proposer un terrain approprié, c’est finalement à Terre-de-Bas qu’il a été construit. Encore un épisode scolaire très mouvementé qui vous sera peut-être conté dans une prochaine chronique, si vous le voulez bien, évidemment.

En attendant, nous souhaitons pour notre part que l’actuel conflit concernant l’école primaire de Terre-de-Haut soit définitivement apaisé et résolu pour le bien de nos écolières et écoliers et pour la satisfaction des parents et de toutes les parties concernées.

Publié par Raymond Joyeux
le mercredi 15 janvier 2025


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2 Responses to Création du premier collège des Saintes

  1. Avatar de Dolly DEHER Dolly DEHER dit :

    merci Raymond pour cet article

  2. Avatar de CLAUDE REVEST CLAUDE REVEST dit :

    Bonjour Raymond, 2025, une année dé plus qui nous éloigne davantage de ton récit que j’apprécie avec émotion. Que cette nouvelle année soit toujours aussi fructueuse avec une santé la meilleure possible pour vous deux et tes grands enfants. En lisant ton récit, que de souvenirs me reviennent ! : Ma découverte de Terre de Haut un matin de septembre 1971, l’accueil de Renée et ton arrivée pour notre premier contact chaleureux . Le déjeuner chez celle qui va nous servir quotidiennement le couvert, Madame Tétel. La rencontre avec le 1er adjoint Louli Joyeux, (pas de la famille !) la visite des lieux possibles de notre résidence pour les trois métros. Ta joie d ‘avoir trouver un enseignant pour les Maths et les sciences . J’ai toujours apprécié ce premier contact lors de la découverte de mon nouveau poste loin de ma Provence natale, je n’ai jamais ressenti l isolement et j’y ai rencontré celle qui a partagé ma vie pendant trente ans et seule la maladie nous a séparés mais je n’ai rien oublié. Merci Raymond , Mon cher Directeur et sympathique Beau Frère. Que vos souhaits se réalisent pour 2025, je vous embrasse affectueusement. CLAUDE REVEST

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