Une nouvelle publication chez CaraïbÉditions

Après plusieurs mois de silence sur ce blog, j’ai le plaisir de vous informer de la parution de mon nouvel ouvrage sorti en librairie début octobre 2023 chez CaraïbÉditions. Ce livre de 216 pages au format 20 x 13, avec une illustration de couverture signée Alain Joyeux, est le récit de la vie en solitaire pendant plus de dix ans, à la fin du XIXè siècle, d’un jeune garçon nommé Ti-Auril, sur le Grand-Îlet des Saintes en Guadeloupe. Surnommé l’enfant sauvage, Ti-Auril n’est pas une simple légende née de l’imagination des habitants de l’archipel des Saintes. Il a réellement existé et c’est sur les indications des plus anciens habitants de Terre-de-Haut qui en ont entendu parler dans leur jeunesse, qu’à ma façon j’ai pu reconstituer certains épisodes de sa vie.

Une présentation de Michel Duval

Je remercie vivement Michel DUVAL, scientifique québécois, grand amoureux des îles et des Saintes en particulier, d’avoir accepté de commenter la parution de Ti-Auril dont il fut l’un des tout premiers lecteurs.

Le 9 février 2016, sur son site de blog (https://raymondjoyeux.com), Raymond Joyeux a publié huit beaux poèmes sur les îles. J’avais envoyé à cette occasion les commentaires suivants :

« L’île est une métaphore très riche de notre monde psychique intérieur, protégé du monde extérieur et de ses tourments. En anglais, île se dit d’ailleurs island ou « I – land », terre du moi intérieur.

Elle est une métaphore du refuge, peut-être le souvenir diffus de nos origines, quand nous flottions, heureux et protégés, dans le ventre de notre mère ?

Elle est une métaphore de l’enfance, du paradis perdu, de l’Eden, très largement utilisée en littérature et en poésie. Elle est par exemple l’Ithaque de l’Odyssée, la Procida d’Elsa Morante, l’île de Robinson et de Gauguin, l’île de l’idéal amoureux de Bernardin de St Pierre, l’île de Fréminville (Terre-de-Haut), révélatrice de sa troublante identité sexuelle de transgenre.

Le Grand-Îlet vu de la plage du Figuier – Photo Raymond Joyeux

On peut aussi la voir comme une métaphore de notre Terre et de notre Galaxie, flottant dans l’espace vide comme dans la matrice maternelle. Les astronomes parlent d’ailleurs joliment des autres galaxies comme étant des « univers-îles ».

En fait, l’île imaginaire ou réelle n’est pas toujours maritime, elle peut être terrestre (Île de France, Île St Louis, village natal), ou compagne de vie bien humaine.

Mais l’île est également une métaphore de notre prison intérieure, de notre solitude et de notre isolement, qui peuvent devenir étouffants et le siège des « mauvais esprits » primitifs.

L’île réelle peut elle-même parfois devenir un huis-clos oppressant (Sartre), avec ses jalousies et ses ragots. Il faut alors la fuir temporairement, ce que Raymond a joliment appelé « l’ex-île » dans un de ses recueils de poèmes, ne serait-ce que pour mieux y revenir.

L’île est donc peut-être aussi une métaphore de notre va-et-vient incessant entre idéal et réalité, et de notre « amour-haine » pour la société dans laquelle nous vivons ? »

Raymond Joyeux nous revient en 2023 avec ce passionnant récit : « Ti-Auril – l’enfant sauvage du Grand îlet », qu’on pourrait qualifier de récit historique et conte philosophique. 

Sous les traits à peine voilés de Ti-Auril, on devine le jeune Raymond nous racontant son enfance de liberté absolue dans les mornes de Terre-de-Haut, sa communion enivrante avec la flore, la faune, les poissons, les rochers, les falaises, les senteurs, le chant du vent, la mer, auxquels il s’identifie ; le ciel, la nuit étoilée, le cosmos, à l’écoute des vibrations de l’univers. Il nous fait partager son émerveillement et comme d’habitude sa connaissance, d’une érudition rare, des noms de chaque plante, chaque arbre, chaque oiseau, en créole comme en français, d’autant plus précieuse que beaucoup de ces espèces ont aujourd’hui disparu sous le béton ou le bitume.

On comprend qu’il a été lui aussi un « enfant sauvage » dans les mornes de Terre-de-Haut pendant des journées et des nuits entières, comme Ti-Auril à Grand Îlet.

Cet enfant sauvage était d’une certaine façon « une île dans une île », une double protection de son riche monde intérieur face aux contraintes sociales de l’île devenue  prison morale.

Raymond nous dévoile dans le détail comment faire des pièges pour attraper et manger des tourterelles, faire du feu sans allumettes, le maintenir sous la cendre sans faire de fumée, créer un jardin potager de plantes sauvages, apprivoiser des chèvres, boire leur lait.

Il nous explique que la Nature a été créée pour les hommes, et les hommes pour la Nature, rejoignant en cela les physiciens d’aujourd’hui qui nous disent que si les constantes physiques étaient très légèrement différentes, la vie n’aurait pu exister.

Le Grand-Îlet de Ti-Auril vu et dessiné par Alain Joyeux

Il nous dit son adoration pour le figuier maudit, temple sacré végétal. Apparemment il n’en resterait plus qu’un seul, sur l’îlet Cabri (?). 

Il nous décrit dans le détail les dévastations du cyclone de 1886, calquées sur celles de Maria en 2017.

Il nous dit sa terreur qu’on l’arrache de son espace de liberté intérieure, comme les thons sauvages et fiers capturés dans les filets des pêcheurs. C’est pourtant ce qui arrive à Ti-Auril et à Raymond. Il faut les « civiliser », les « normaliser », les « éduquer » contre leur gré. 

C’est là où réside peut-être l’ambiguïté de la fin du récit. Ti-Auril et Raymond semblent se soumettre à cette normalisation, aux rituels de l’Église, qui pourtant sont très loin de leur espace de liberté dans les mornes. 

Ils retrouvent l’île-prison et l’île huis-clos oppressive, que les esclaves affranchis cherchaient à fuir en allant sur Grand Îlet, îlot de liberté pour eux comme pour Ti-Auril.

Pour comprendre la suite de l’histoire de Ti-Auril et Raymond après la fin du récit, il faut  relire les poèmes et les récits de Raymond Joyeux depuis 1986. On y trouvera la nostalgie de son espace de liberté perdu. C’est en partie dans la poésie qu’il va la retrouver, et conclure que sans doute il a plus appris sur lui-même dans les mornes de son enfance que pendant ses études à l’université ! Le plus beau des poèmes peut-il égaler cette communion intime, éblouissante, avec la nature ? C’est l’enfant sauvage en lui qu’il y cherche désespérément. 

Pour décrire la suite de l’histoire, soit l’insertion de Ti-Auril et de Raymond dans la modernité de l’île, on rêve d’un autre récit de Raymond Joyeux sur les Rastignac de Terre-de-Haut, les luttes de clans et de pouvoir, les ragots, les moqueries, les sarcasmes, la corruption, la cupidité, les inégalités économiques croissantes, l’exil des jeunes, les derniers Ti-Auril de l’île. En aura-t-il le temps? On l’espère.

Michel Duval
Montréal, Canada

Extrait

Ti-Auril est disponible à la Fnac, chez Amazone, Decitre et autres grandes librairies d’Outre-Mer et métropolitaines.
En Guadeloupe, on peut le trouver, entre autres, au rayon livres de Carrefour Destrelland à Baie-Mahault… ou se le faire commander par son libraire.

Pour rappel, chez le même éditeur, sont également disponibles mes deux précédents récits autobiographiques :

Fragments d’une enfance saintoise
-Les manguiers du Galion

Publié par Raymond Joyeux
le mercredi 8 novembre 2023

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8 Responses to Une nouvelle publication chez CaraïbÉditions

  1. Avatar de Charneau Monique Charneau Monique dit :

    Je suis Saintoise et tout ce récit que vous nous faite partager, porte au voyage vers notre île terre de haut et nous rappelle nos anciens. Je me suis mis à revoir mon grand père HOFF Arsène qui était aussi cet homme un peu sauvage et humble. mon cœur se serre et mon esprit se met à retracer cette vie auprès de lui. Je voudrais tant qu’il soit là. Merci de faire revivre des personnages à travers vos écrit. C’est un vrai du bonheur se plonger dans de si belles histoires. Bien à vous. Monique Charneau.

    • Avatar de raymondjoyeux raymondjoyeux dit :

      Bonjour Monique et merci pour ton gentil commentaire. J’ai connu ton grand-père Arsène et m’en souviens très bien. Je t’informe que parmi les personnes qui m’ont renseigné sur Ti-Auril, pour en avoir entendu parler, il y a Édouard Hoff, un de tes cousins et Michel Cassin, mari de Nadette Hoff, fille d’Ambroise. Comme tu vois, la famille Hoff est bien représentée… il ne manque plus que Tonton Eugène, qui fut un de mes meilleurs amis… Bonne journée.
      Raymond

  2. Avatar de BONBON BERNARD BONBON BERNARD dit :

    Bonjour Raymond Je n’ai pas encore tout lu de la présentation qui précède, je m’empresse tout d’abord de te présenter toutes mes félicitations et mes meilleurs vœux de succès des ventes, autrement dit de très nombreux lecteurs. Avec ma très grande affection Bernard

  3. Avatar de CORBIN liliane CORBIN liliane dit :

    Cher Raymond,
    Enfin, la voici cette édition tant attendue ! Je suis certaine que les futurs lecteurs, y compris les élèves saintois, aimeront cette histoire qui m’a enchantée.
    Avec toute mon amitié
    Liliane

  4. Avatar de Luc Luc dit :

    Ahhh merci Raymond et Michel!
    Un vrai moment de bonheur dans la fraicheur grise de novembre ardechoise…
    Et l’envie de revenir aux Saintes et d’aller faire un tour sur gd Ilet…
    Merc’ile!

  5. Avatar de JP BRIDE JP BRIDE dit :

    Salut Raymond,

    Merci pour l’information. Je ne manquerai pas de l’acheter au plus vite afin de m’imaginer notre ile d’antan et de découvrir l’histoire de Ti-Auril que je ne connaissais pas du tout.

    Reste avec nous le plus longtemps possible afin que tu puisses en publier encore beaucoup comme le dit si bien ton ami Michel DUVAL.

    JP BRIDE ________________________________

    • Avatar de raymondjoyeux raymondjoyeux dit :

      Je vous remercie mes amis pour vos commentaires et vous informe que 3 séances de dédicaces sont prévues aux dates suivantes :
      -Samedi 25 novembre à Destrelland Baie-Mahault de 10 h à 13 h
      -Samedi 02 décembre à la Boutique du livre Jardiland Convenance 10h- 13 h
      – Samedi 09 décembre au Mémorial Acte -Pointe-à-Pitre 10h-13 h;

  6. Avatar de Duval Michel Duval Michel dit :

    Félicitations, Raymond, pour ce très beau conte, en bonne partie autobiographique, qui a su toucher même l’austère Bibliothèque Nationale de France (BNF). On s’est tellement attachés à Ti-Auril et à son auteur, comme dans une BD de Tintin, qu’on a envie de connaître la suite de leurs aventures, et savoir ce qu’ils sont devenus dans la vie.

    On sait déjà qu’après avoir été ramenés de force dans la « civilisation », ils se sont finalement bien adaptés à elle, aux croyances de la religion chrétienne au séminaire du Galion, aux idées des Lumières à l’université, à la volupté de la sexualité, au confort moderne, à l’ascension sociale, à l’engagement politique.

    Pourtant, vers l’âge de 52 ans, après avoir maîtrisé l’écriture littéraire et poétique, paraissent leurs premiers poèmes, exprimant la nostalgie intense de leur liberté perdue de l’enfance et de leur communion intime avec les grandes forces de la nature, représentées dans le Panthéon des Dieux grecs. Cette nostalgie est apparue certainement bien avant les poèmes. On aimerait savoir vers quel âge exactement ?

    On ne peut s’empêcher également de penser que Ti-Auril, si sa trajectoire sociale avait été différente, aurait pu devenir un autre personnage bien connu des habitués de Terre de Haut, P le pêcheur de langoustes, qui n’a pas connu les affres de l’exil géographique mais peut-être de l’exil intérieur. A-t-il lui aussi gardé la nostalgie de son enfance ?

    Il reste donc encore plusieurs tomes passionnants à écrire, à la Candide, qui on l’espère se rajouteront à la saga de Ti-Auril.

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