Mon ami Jean Sahaï* ne m’en voudra certainement pas de partager ici, sans son autorisation, ce succulent – et très instructif – article sur les vertus multiples de la mangue posté sur sa page Facebook. Qu’il soit remercié pour cet emprunt, relayé par Alain Joyeux, artiste peintre bien connu à Terre-de-Haut.
* Pour en savoir plus sur l’auteur de cet article, cliquez sur son nom en rouge, en bas de la page.
VIV MANGO !
MANGO SÉ POU KOCHON !
Konkou a manjé-mango, gastronomie, jeux, sculpture de fruits et légumes… etc. étaient au programme de la Fête de la Mangue qui a lieu depuis mars chaque année, tout partout dans l’Inde. A Mumbaï (ex-Bombay), les amoureux de la mango ont pu en savourer des centaines de variétés, et des spécialités à base du fameux fruit doré : jus, lassi, gelées, confitures, punchs, sorbets, chutneys, sorbets, remèdes… etc. et assister à tout un programme de manifestations culturelles à son entour. Chez nous, (aux Antilles NDLR), la franco-faune créole, on entend plutôt dire comme ça que ‘fwiyapen é mango sé pou kochon’…
La source de ce rejet est due à l’acculturation. En effet, un certain Couverchel ne note-t-il pas dans son ‘Traité des fruits’ dès le XVIIè siècle, que « la mangue y est fort estimée des Indigènes ; mais son goût résineux, qui rappelle celui de la térébenthine, répugne assez généralement aux Européens… »
Et donc l’indigène civilisé, pommé, poudré, décrêpé et cidré a fini par cracher sur ce cadeau de la Nature qu’il aimait. Sinon pour se limiter aux Julie sans fibre, et à quelques mango-pom bien ron-rondes.
Or la mango est considérée chez nos ancêtres indiens comme sacrée, elle est symbole de joie de vivre, de vitalité romantique, et de variété.
Le mot mango vient du Tamoul mang-gay, transformé par les Portugais en manga. L’arrivée du fruit est saluée chaque année avec enthousiasme dans les familles asiatiques.
On l’achète avec vénération en cageots où chaque fruit est soigneusement enveloppé dans du papier journal, pour les amener au foyer qui leur fait aussitôt la fête!
La Fête de la Mangue, chaque mois de Mars en Inde, prend maintenant une dimension internationale, à mesure qu’Européens et Américains, lassés comme vous et moi du sempiternel parti PPR – la triade pomme/poire/raisin – découvrent les fruits gorgés de senteurs de nos latitudes.
Les exportations de mango du sous-continent indien, du Mexique, de la République Dominicaine, du Vénézuela, du Brésil (et de chez nous – mais non, que non…!) atteignent des sommets.
Ayurvédique
Il faut savoir qu’il existe près de mille variétés de mangues! Nous avons les mango pom (sic), fil, tine, thérébenthine, takté, mousach, reine Amélie, bœuf… Mais Alphonso, Kesar, Banganpalli, Totapari, Safeda, Neela Fazli, Mallika, Dusheri, Malda, Amrapali… sont d’autres jolis noms de variétés populaires de ce fruit vénéré des Indiens. Avec plus que délice ET raison, car leur sage connaissance ayurvédique n’a pas attendu la science du rapace, pour savoir que l’écorce, les feuilles, la peau, et même le noyau de la mango, ont de bénéfiques propriétés.
Ces vertus étaient depuis des temps immémoriaux précisées dans les Vedas et les Upanishads.
Si on en croit l’écrivain Michel Coquet, dans un village de l’Inde, un vieux manguier âgé de plus de 3.500 ans est considéré comme l’incarnation des quatre Védas (ou sources de la connaissance classique indienne).
L’arbre, qui symbolise le Sanathana Dharma (la voie juste), possède quatre énormes branches dont les fruits on quatre goûts différents, et dont les feuilles ont une texture également différente, selon la branche où elles se trouvent.
D’après la croyance populaire, les femmes atteintes de stérilité doivent manger un fruit de ce pied-mango pour avoir la chance d’avoir un enfant.
Pli i vet, pli i ka ba’w si ! (Plus il est vert, plus il te donne ceci)
Pli i mi, pli i ka ba’w sa ! (Plus il est mûr, plus il te donne cela)
La mangue (Mangifera indica en latin) est l’un des fruits les plus riches en carotène, ou pro-vitamine A. Le taux de carotène de la mangue (3 mg/100 g), est supérieur à celui du melon ou de l’abricot, les deux fruits de l’ami « métro » considérés comme les plus riches en pro-vitamine A. Et ce taux augmente avec le degré de maturation du fruit :
Pli i mi, pli i ka ba’w vitamin A ! (Plus il est mûr, plus il te donne de la vitamine A)
Par son action préventive, nous disent les recherches de l’INRA et autres instituts, la mango lutte efficacement contre le vieillissement cellulaire prématuré, et aide à prévenir l’athérosclérose.
La mangue verte, source de bonne acidité pour la cuisine, est également bien pourvue en acide ascorbique ou vitamine C: 44 mg / 100 g, soit un taux comparable à celui des agrumes prônés par nos diseurs d’euro-science (pamplemousse, orange ou mandarine).
Mon feu père René Samson Sahaï ne mangeait pas de mango sans passer ensuite la peau sur son cou et sa figure en mouvements remontants, avec un aaaAaah de ravissement.
Contrairement à ce qui se passe pour la provitamine A, le taux de vitamine C de la mango décroît quand le fruit mûrit: pli i vét, pli i ka ba’w vitamin C !
Les substances aromatiques et odoriférantes du fruit descendu des contreforts de l’Himalaya sont abondantes, complexes. Fout sa bon douvan né, é andidan bouch ! (Que c’est bon au nez et dans la bouche !)
Ces subtiles substances embaumantes appartiennent aux groupes des aldéhydes, des esters et des alcools-esters volatiles, et atteignent leur top lorsque le fruit est à pleine maturité. Elles confèrent à la mango sa saveur typée, si de chez nous.
Attristant donc, que ce fruit-pays béni soit traité avec si peu de consideration par tant de nos congénères, et même des plus instruits (c’est à dire idiotisés) qui préfèrent donner leurs suffrages au PPR.
Faits maison ou emmenés de Trinidad & Tobago, les chutney de mango sont le condiment estimé du fin connaisseur, pas celui qui s’engorge de jambon-fromage-mayo-ketchup et autres indigestes exigibles de l’import…
Mais pa pè ! (Mais n’aie pas peur). Te fais pas de bile !…
Comme il y va du fonctionnement chez nos cerveaux-lavés, lorsque la mangue, puis la sapotille, la pomme(sic)-cannelle, la grenade, le cachiman, la carambole, la pomme(sic)-liane, le monbin, le tamarin, les surettes, surelles, acerola, mini-mini-bananes et autres gâteries quénettes de mère Nature auront disparu ici-dans – ces trésors auront trouvé leurs lettres de noblesse à Paris, Tokyo et New-York.
Grâce aux milliers de tonnes de ces fruits qui seront importés du Brésil et d’Asie par la jet-set du G8, nous comprendrons enfin que c’est c’est-ce qui était tan nou, nous réaliserons comment une certaine éducation (édu-castration) nous a, par omission et substitution, aliéné l’esprit et colonisé l’estomac, de l’école à l’université.
Nous cesserons, faut croire, de couper nos derniers pyé-fwi (arbres fruitiers) centenaires pour poser béton, de laisser pourrir fruits d’or au pied des pieds, et faire des ti moun des pom-pom kids aseptisés qui ne savent plus ablutionner mains et figure de bon nectar…
En nattant dents, sirotez un jus de mangue – hélas en pot, jusque d’Asie.Ou un bon lassi mango-péyi, facile à faire: mixez la pulpe ek yaourt liquide et glace pilée, zeste de citron vert, sucre, pointe de muscade ou cardamone.
Emmenez au bureau, dans un thermos chinois idéo-grammé Bonheur!
Lanné tala / lanné la sa, lézom é lé gazel,
Annou f’té bon mango tout kalté an kò an nou !
(Cette année-ci, hommes et gazelles,
allons nous gaver de toute sorte de mangues )
Viv mango !
PS : Traduction (approximative) des passages en créole : Raymond Joyeux

Mangifera indica, mangues
Tableau de Jean Claude Legagneur.
© Galerie Nader
Publié par Raymond Joyeux
Le mardi 15 juillet 2025